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Quand Francis Fitzgerald nous ouvre les portes de sa salle de bain…

> 14 janvier 2024

Quand Francis Fitzgerald nous ouvre les portes de sa salle de bain…

Quand Francis Fitzgerald nous ouvre les portes de sa salle de bain… c’est l’éblouissement assuré !1 Celle-ci est pour le moins atypique. Dans la courte nouvelle Un diamant gros comme le Ritz, l’écrivain nous entraîne dans un conte féérique, qui tourne rapidement au cauchemar. Le héros commence par un bain fleurant bon la rose et évite de justesse le bain de sang. Fuyant un univers où l’argent corrompt tout et tous, ce héros enlève la jeune fille de la maison et revient filer le parfait amour dans son village d’origine. Ces deux-là vont sans doute vivre d’amour et d’eau fraîche !

L’histoire en deux mots

John T. Unger est un jeune homme, natif de Mader, dans l’état du Mississipi. Ses parents, des gens assez aisés et tout à fait snobs, décident de l’envoyer faire ses études dans une prestigieuse école (St. Midas’ School), près de Boston ! Là, les élèves triés sur le volet sont tous issus de familles de milliardaires ! John y sympathise rapidement avec un « garçon beau et sage », mais également très timide, un certain Percy Washington. Ce garçon, dont le père est « l’homme le plus riche du monde », devient l’ombre de John. Une amitié solide, qui aboutit tout logiquement à une invitation… John est convié à passer l’été dans la propriété familiale… Jusque-là, rien d’inquiétant. Ce qui le devient, c’est d’apprendre que la famille Washington vit sur un diamant géant de 5000 m3, défendu par des canons anti-aériens. Qui pénètre dans la propriété n’en ressort pas… vivant !

Un château de conte de fées

Le château des Washington est féérique. Les pierres précieuses y abondent. On y boit des « alcools multicolores dans des coupes de cristal serties d’or ». Les fauteuils rembourrés de plumes épousent la forme des corps et encouragent au sommeil. Lorsqu’un convive s’endort à table, il est pris en charge par des domestiques qui ont pour fonction de baigner les hôtes de la maison.

Un bain féérique

Chaque chambre est équipée d’un lit inclinable, qui mène tout droit à une baignoire, dont la caractéristique est de contenir une eau dont la température est en parfaite harmonie avec celle du corps humain. Il suffit à John de déboutonner son pyjama et de se laisser glisser le long de rails, pour atterrir dans une baignoire aux allures « d’aquarium ». De l’autre côté de la vitre, nagent des poissons de toutes sortes. Côté cosmétiques, un domestique stylé est là pour vous faire des propositions : « Je suppose que monsieur désire de l’eau de rose chaude et légèrement savonneuse et un peu d’eau salée froide pour terminer ? » Oui, John veut bien tout ce que l’on veut, tant il se sent bien dans sa baignoire géante. Et, tout est automatisé. A peine John a-t-il répondu par l’affirmative, que voilà une « pluie chaude » qui s’abat sur sa tête. « L’eau devint rose, et quatre jets de savon liquide jaillirent de minuscules têtes de chevaux marins aux quatre coins de la baignoire. En un instant, des pales fixées aux parois brassèrent le mélange, et John fut enveloppé d’une écume rose, extraordinairement légère, s’envolant de-ci de-là en bulles irisées. » Dans l’eau, une « dentelle de mousse » crépite gentiment, pendant qu’un air de flûte vient apaiser les tensions. Il est possible de regarder un film (comédie, drame ? comme on veut), pendant que l’on profite de l’effet émollient généré par l’huile de bain utilisée. Le bain s’achève par une pluie d’eau de mer, « froide et revigorante », suivie d’une aspersion d’eau « douce » ! Dernière étape, John est « frictionné avec des huiles, de l’alcool et des onguents », puis « rasé et peigné » !

Tout irait pour le mieux, sauf que, lorsque l’on fait un cauchemar et que l’on appuie sans faire exprès sur un certain bouton, on se retrouve, en pleine nuit, « plongé jusqu’au cou dans la baignoire », remplie d’eau froide. Le « pyjama dégoulinant d’eau », on n’a plus qu’à courir se sécher, pour éviter la pneumonie !

Kismine, une princesse aux féériques cheveux

Kismine est la sœur de Percy. Agée de 16 ans, c’est une charmante jeune fille, dont les cheveux se déroulent jusqu’aux genoux. Charmante, tout simplement !

Braddock Washington, un vieillard un peu carabosse

Le père de famille, un « vieux monsieur » de 40 ans, est un drôle de bonhomme, qui semble vivre hors du temps. Servi par 250 esclaves noirs, Braddock s’est voulu, du moins durant un certain temps, bon père de famille pour ses employés, dotant chacune de leur chambre « d’une salle de bain en céramique », avec obligation de « se baigner chaque jour » ! « S’ils n’avaient pas obéi, je leur aurais fait faire un shampooing d’acide sulfurique ». Pourtant, ce bain obligatoire a dû être rapidement abandonné, pour la simple raison que ces bains s’avéraient souvent meurtriers, les esclaves prenant froid et mourant des suites de ce refroidissement.

Un diamant gros comme le Ritz, en bref

John est tombé chez des fous furieux ; ceux-ci exterminent tous leurs invités, afin que personne ne vienne voler leur carrière de diamants. Echappant à la main meurtrière de Braddock, John réussit à s’enfuir, entrainant dans son sillage Kismine et sa sœur Jasmine. En s’enfuyant, Kismine a eu le temps de remplir ses poches avec une belle réserve de diamants… euh non… en réalité, ce sont plutôt des morceaux de verre. Finalement, c’est vraiment une bonne chose, on va pouvoir repartir de zéro !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette nouvelle illustration de Fitzgerald.

Bibliographie

1 Fitzgerald F.S., Un diamant gros comme le Ritz. in Un diamant gros comme le Ritz et 26 autres nouvelles ; Eds France Loisirs, 2011, 772 pages

 

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