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Produits douche à gogo pour le gogo de service, celui mis en scène par Amélie !

> 04 juillet 2021

Produits douche à gogo pour le gogo de service, celui mis en scène par Amélie !

Si vous croisez, dans une soirée mondaine, un invité qui vous murmure à l’oreille, sans que vous lui ayiez rien demandé, de faire attention si quelqu’un meurt subitement chez vous. Si cette personne, pleine de mansuétude, vous conseille de fourrer le mort dans un taxi et de donner l’adresse de l’hôpital le plus proche afin d’éviter les ennuis avec la police. Si le lendemain de cette soirée - qui va devenir mémorable - un inconnu sonne à votre porte en demandant à téléphoner et s’il meurt subitement alors qu’il vient tout juste de composer le numéro, ne cherchez pas... vous êtes tout simplement le héro d’un roman d’Amélie Nothomb.1

Vous hésiterez sûrement autant que Baptise Bordave, le personnage né de l’imagination fertile d’Amélie. To call or not to call the police, that is the question ! Tergiversations... « Raison de plus pour appeler les secours : il fallait me laver de cette peur absurde que la conversation d’un amateur de paradoxes m’avait inoculée. »

Et puis zut, cela fait des années que Baptiste est encroûté dans une vie terne et poussiéreuse. Ce n’est pas quand l’aventure frappe à sa porte qu’il va rétrograder... Hop, en 5 secondes les poches du mort sont retournées. Un Suédois, qui n’a pas vraiment le type suédois, Olaf Sildur, « brun et grassouillet ». A quelques kilos prêts, le portrait craché de Baptiste. Et en plus, une clé de jaguar dans le veston. Et en plus, les clés d’une villa à Versailles. Franchement, il n’y a, peut-être, pas à hésiter tant que cela. Dans quelques semaines, Olaf ressemblera à s’y méprendre à Baptiste - squelette pour squelette, le nombre d’os ne varie guère - et Baptiste, avec un bon régime bien calorique, pourra tout à fait se glisser entre l’épiderme et l’hypoderme de ce brave Suédois, au profil généreusement capitonné.

Dans la belle villa de Versailles, abondance de shampooings

La villa versaillaise révèle une présence féminine. « Une salle de bains avec des cosmétiques, quinze shampooings différents » ne plaident pas en faveur d’une adepte de la slow cosmétique. Pas de minimalisme... Du luxe, de l’abondance, de la mousse, des parfums, du plaisir ! Et puis, il y a aussi une belle collection de vêtements, jetés à droite à gauche, des vêtements, adaptés à une fille jeune et svelte, genre Suédoise... Hâte de faire sa connaissance.

Dans la vie de Sigrid, abondance de champagne

La femme d’Olaf n’a pas vraiment l’air étonné, en trouvant Baptiste installé dans sa villa. Elle a l’habitude des invités surprise ; il semblerait qu’Olaf ait été un agent secret ! La « Scandinave rêvée, grande, svelte, blonde aux yeux bleus », celle que nous appellerons Sigrid - elle ne souhaite pas révéler son prénom - est vraiment très séduisante, mais absolument pas Suédoise. Une Française de souche, made in Bobigny, dont le patronyme est... BAPTISTE ! Cette jeune femme, à l’allure de mannequin, ne mange que très peu... voire pas du tout. Juste une boisson fétiche, du « champagne frappé », puisé dans une cave, dont le sol est creusé en piscine... Là sont stockées des dizaines de bouteilles, dans une odeur délicieuse, « mélange de moisissures délicates, de poussière ancienne ». Cette « extrémiste du champagne » est, par ailleurs, plutôt facile à vivre, puisqu’elle passe ses journées à l’extérieur, à faire chauffer la carte bleue de son époux.

Dans la salle de bains de Baptiste, abondance d’émollients

Dans la peau d’Olaf, dans le peignoir d’Olaf, le sage Baptiste se laisse aller à ses penchants hédonistes. Boire, manger, dormir... et des bains et des douches, comme s’il en pleuvait. « Je me douchai longuement avec des produits que je supposai suédois. » Après avoir travaillé, pendant des années, comme une machine, dans un bureau poussiéreux, Baptiste découvre la douceur de l’oisiveté. Après un excès de travail, un « excès de repos ». Et des soins cosmétiques, qui font la peau douce et qui, petit à petit, permettront d’acquérir la belle rondeur d’Olaf. Dans la luxueuse villa, Baptiste aime à « mariner dans un grand bain ». « Je me laissai ramollir dans l’eau chaude. J’étais heureux comme un champignon séché mis à tremper dans du bouillon : retrouver mon volume d’antan était délectable ». Dans une baignoire XXL, Baptiste se sent revivre, à la manière d’un légume lyophilisé, qui aurait enfin le bonheur de se réhydrater. Comme un légume, comme de la semoule à couscous, qui n’attend que sa ration d’eau pour prendre toute sa mesure, comme le potage Royco ou les sachets de Tang de notre enfance... En se glissant dans la vie d’Olaf, Baptiste voit ses téguments changer du tout au tout. « Depuis que je m’appelais Olaf, je me sentais poreux. » Une porosité, dont il faut se méfier, tant l’appétence pour l’eau peut jouer des tours. Le risque : « occuper le volume entier de la baignoire ». L’habit ne fait pas le moine, dit-on. Pour Baptiste-Olaf, en revanche, la baignoire fait le baigneur ! Plus de douche, étriqué dans un placard à balai... des bains gargantuesques, qui donnent de l’ampleur à la personnalité et dilatent les pores. Tel un hareng à l’huile condimentée, Baptiste se plonge dans une mer de « gel-mousse scandinave » ; de quoi réaliser une « marinade », destinée à parfumer la peau, à lui donner un « goût de savon » à la belle rémanence. L’heure de la fin du bain sonne, lorsque l’eau commence à atteindre le cerveau. Lorsque celui-ci commence à se diluer, il est vraiment temps de sortir ! De la « couleur d’un homard cuit », Baptiste sort de son monde aquatique et part se plonger dans un canapé moelleux pour de longues heures de farniente.

Et le champagne dans tout cela ?

Un excellent désinhibiteur, élevé au rang de détachant. Là où Alain Souchon passe son amour à la machine, Amélie passe les vies de ses héros à l’alcool... Pour se libérer de la tache qu’est la peur, la meilleure solution, semble être à son avis, une bouteille millésimée. Un livre qui se lit à une vitesse moyenne « d’une bouteille de champagne par heure » (pour 2, faut-il préciser).

Et la chute ?

Elle est à découvrir. A 39 ans, une nouvelle vie est-elle possible ? Peut-on, par le simple fait du prince, dévaliser une banque, se lancer dans une collection d’art, migrer en Suède, faire des dettes comme si l’on était un vulgaire chef d’état ? D’après Amélie, c’est tout à fait possible. En tout cas nous, on a franchement envie d’y croire !

Le fait du prince, en bref

Un complot... et c’est reparti. Après Péplum,2 Amélie Nothomb remet le couvert et remplit nos coupes à ras bord. Avec l’histoire de Baptiste (peut-être un « usurpateur au carré »), qui prend l’identité d’Olaf qui avait, sans doute, lui-même pris l’identité d’un authentique Suédois, avec l’histoire de Sigrid, une jeune femme qui ressemble à une Suédoise, mais vient en direct de la banlieue parisienne, Amélie nous fait tourner la tête. Entre la piscine de glaçons où trempent des dizaines de bouteilles de champagne et la baignoire d’eau chaude où marine le corps de Baptiste, Amélie pratique la douche écossaise. Si on n’en sort pas révigoré, là franchement on sait plus quoi faire !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien... pour cette illustration... "pétillante" !

Bibliographie

1 Nothomb A., Le fait du prince, Albin Michel, 2020, 144 pages

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/retour-vers-le-futur-prevoir-un-suppositoire-un-depilatoire-et-un-masque-a-la-cendre-du-vesuve-1870/

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