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Prétextat, tout sauf le bain !

> 15 janvier 2020

Prétextat, tout sauf le bain !

Mais où va-t-elle donc chercher tout cela ? Elle, c’est Amélie Nothomb, une « autrice » (décidément ce terme est vraiment laid !) à succès.1 Son Hygiène de l’assassin est particulièrement réussi,2 avec des scènes de nu qui combleront les amateurs du genre ; même si l’on n’apprend pas le nom du gel douche préféré de l’assassin, on apprend tout de même, en long et en large, la façon dont il baigne ses énormes fesses.

Allez, soyons fous... dévoilons, d’emblée, les ressorts de ce roman qui se dévore (c’est logique puisque le personnage principal est un obèse qui se roule dans la matière grasse avec volupté), cela ne fera pas de tort à un roman de toute façon emblématique.

Posons le décor. Prétextat Tach est un vieil écrivain (22 romans au compteur en 36 ans de carrière) de 83 ans qui arrive au bout du rouleau. Il n’y a plus d’encre dans l’imprimante depuis 24 ans ; à 59 ans, en effet, Prétextat a arrêté d’écrire au décours de ce que l’on peut nommer une « ménopause » littéraire. Le roman, resté inachevé suite à cette panne de carburant, a pour titre « L’hygiène de l’assassin »... Ben, voyons !

Lorsque Amélie nous présente à Prétextat (enchanté ! l’enchantement n’est que de courte durée tant l’individu est odieux), celui-ci n’a plus que 2 mois à vivre si l’on en croit les médecins. Il est atteint d’une maladie extrêmement rare, ce qui ne manque pas de flatter un type qui a visiblement le melon, le syndrome d’Elzenveiverplatz, appelé plus platement « cancer des cartilages ». L’annonce de cette nouvelle fracassante parait le 10 janvier 1991 dans la presse ; dès le 14 janvier, les journalistes frappent à sa porte. Le prix Nobel de littérature qui s’est jusque-là toujours refusé à l’exercice de l’interview a décidé de baisser la garde et de laisser voir ce qui se cache derrière la cuirasse.

Physiquement, Prétextat est carrément ignoble. « Quatre mentons, des yeux de cochon, un nez comme une patate, pas plus de poil sur le crâne que sur les joues, la nuque plissée de bourrelets, les joues qui pendent [...] ». N’en jetez plus, la cour est pleine ! Cet obèse, contraint de vivre de plain-pied faute de pied pour le porter (il se déplace en fauteuil roulant dans son appartement) posséderait, selon son secrétaire particulier, Ernest Gravelin, « une sensibilité à fleur de peau », enfouie, bien profondément, sous un « masque agressif ». Chez lui, une seule chose de remarquable, une peau, « très belle, blanche, nette », semble-t-il « douce au toucher » et totalement « imberbe ».

Cinq journalistes vont tenter leur chance auprès de l’illustre écrivain ; Prétextat est bien décidé à jouir pleinement des heures qui lui restent à vivre et pourquoi pas en cassant du journaliste (des petits comptes à régler, Amélie ?).

Le premier journaliste rate son interview avec maestria. Il a oublié d’appliquer sur sa peau son déodorant 92 heures ; il dégouline littéralement et exhale « une odeur épouvantable », celle qui caractérise la sueur de stress.

Les deuxième, troisième et quatrième journalistes (tous de solides bonshommes aguerris au métier) vont être pareillement récupérés à la petite cuiller à la sortie de l’appartement du maître de « l’esthétique du vomissement ». Il faut les comprendre, voir un type peu ragoûtant enfiler des cocktails alexandra bien gras en déblatérant à qui mieux mieux n’a rien de très digeste. Par parenthèse, on précisera la recette très personnelle du monstre : crème de cacao, cognac, lait concentré sucré (la bonne dose !) et grosse noix de beurre fondu pour un cocktail hivernal plus riche et plus onctueux...

Au cours de ces interviews, on apprend plein de choses très précieuses sur l’intimité de Prétextat. Il se lève à 8 heures, passe aux WC (et nous donne force détails à ce sujet), se talque (les fesses ?), et réalise sa toilette (sans précision). A 17 heures, une infirmière vient pratiquer le « bain quotidien ». Un récurage de « pied en cap » est réalisé sur les ordres d’Ernest Gravelin. « Je suis seul et nu comme un ver dans la flotte, humilié, monstrueusement adipeux devant cette créature vêtue [...] ». Pour se venger, Prétextat se bourre d’ail et fume comme un pompier afin de puer au maximum. L’écrivain aimerait se répandre sur le sujet du bain ; il ne trouve malheureusement pas une oreille attentive auprès de sa victime journalistique (« Et mon bain, ça vous intéresse ? Non, à moins que vous ne mangiez le savon ou buviez l’eau de rinçage »). Après la toilette du soir, pyjama ! Difficile de ne pas retomber en enfance dans ces conditions. Pour « oublier l’horreur du bain », l’écrivain, redevenu un enfant, se voue à des activités ludiques. Il s’installe devant la télévision et zappe d’une chaîne sur l’autre pour cumuler un temps record de publicités vantant aussi bien les mérites d’un « shampooing hollandais » que d’une « lessive bio allemande ».

Ce misogyne qui ne supporte pas les femmes faisant semblant de travailler et cachant dans leurs tiroirs de bureau des tonnes de « vernis à ongles et de magazines féminins » va tomber dans les filets du cinquième journaliste qui s’avère être une jeune femme de 30 ans, prénommée Nina. S’ennuyant à crever depuis 24 ans, Prétextat va retrouver le goût de vivre grâce à une journaliste un peu plus coriace que ses confrères.

Nina a bien potassé son sujet, avant de s’attaquer au mythe. Elle a lu les 22 romans avec attention, y a compté, au total, « 46 personnages féminins » et « 163 personnages masculins ». Ce n’est pas de l’esbroufe ; elle est en capacité de justifier ces valeurs. Il y a 8 livres sans personnage féminin (« Apologétique de la dyspepsie », « Le dissolvant », par exemple). Il y a 23 femmes dans « Viols gratuits entre deux guerres » (un triste record !). Outre ces deux extrêmes, on compte 4 romans à une seule femme dont le plus poilant est certainement « La prose de l’épilation », 7 romans à 2 femmes et 1 roman à 3 femmes. Il reste logiquement un roman, celui qui est inachevé et qui ne permet donc pas de boucler sereinement ce compte magistral. Il comporte, pour l’instant, et ce, tant qu’il restera en l’état, 2 personnages féminins et une enfant (qui ne peut être classée dans la catégorie « femme »). Ce dernier roman, est, rappelons-le, « L’hygiène de l’assassin » !

Si Nina a lu tous les romans, une loupe à la main, elle a également enquêté sur l’écrivain et appris qu’il est devenu orphelin à l’âge de un an (en 1909) du fait de la noyade de ses parents - Casimir et Célestine Tach - au Mont-Saint-Michel, là où la marée monte à la même vitesse... Le bébé a été recueilli par ses grands-parents maternels et ses oncle et tante. Une charmante petite cousine, Léopoldine, est venue lui tenir compagnie un an après son arrivée dans la famille. Prétextat a vécu une enfance délicieuse auprès de cette camarade de jeu très belle. En 1922, à 14 ans, il décide de mettre au point un régime draconien (une « théorie » « dingue » et « cohérente ») leur permettant de rester dans cet état béni de l’enfance, sans jamais sombrer dans une adolescence couverte de lésions d’acné. Son « hygiène d’éternelle enfance » ou plutôt son « antihygiène » tant ce procédé est malsain est basé sur une réduction du sommeil à l’extrême (2 heures accordées par nuit uniquement) conjuguée à une limitation de l’alimentation à quelques aliments tels que des vesses-de-loup considérées comme des « secrets de beauté ». La vie aquatique aux « vertus amniotiques » est privilégiée. Les deux cousins se baignent donc, nus, dans des lacs une partie de la journée. Tout va pour le mieux (enfin, il ne faut pas y regarder de trop près !) jusqu’au 13 août 1925, date à laquelle Léopoldine a ses premières (et dernières règles !). Nina, en mêlant informations glanées sur le terrain et trame du roman inachevé (le personnage de Philémon Tractatus semble être à coup sûr Prétextat Tach), a réussi à percer à jour le secret de l’écrivain à succès. Ce porc qui ne dégoise que des insanités est un « assassin en cavale depuis 42 ans » ; il a pratiqué son meurtre, par strangulation afin d’éviter une effusion de sang supplémentaire.

Après une adolescence centrée sur la restriction alimentaire, Prétextat devient, le lendemain du meurtre, un « goinfre épouvantable » qui triple rapidement de poids.

« Qui a tué par les cartilages périra dans les cartilages » énonce doctement Nina. Eh, oui, Prétextat souffre d’un cancer des cartilages ! Ah moins que... cela ne signifie autre chose.

Nina a-t-elle vraiment réussi à mater le maître ? N’est-elle pas plutôt sa victime ? Qui de Nina ou de Prétextat sera en mesure de se lancer dans la rédaction d’un roman dont le titre pourrait être « Meurtre en 180 secondes édéniques » et le sous-titre « meurtre manuel ou manuel d’un meurtre » ? Pour le savoir il suffit de se mettre au régime nothombien, un 24 août (jour de la sainte Amélie) ou bien un 24 février (jour de la Saint Prétextat)... ou bien à n’importe quelle date de l’année.

Pour profiter au maximum de cet ouvrage qui fait la part belle à la numérologie (en croisant les dates, le nombre des romans, et quelques autres valeurs chiffrées c’est bien le diable si on n’arrive pas jusqu’à la valeur 666 - pour vérifier que le compte est bon on n’hésitera pas à contacter Bertrand Renard), il suffit de 240 minutes de concentration soit à peu près une page par minute !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration de ce mercredi... une fois n'est pas coutume... il faut préciser qu'Amélie Nothomb est aujourd'hui dans la ville de la Duchesse !

Bibliographie

1 https://www.ouest-france.fr/culture/livres/rentree-litteraire-amelie-nothomb-confirme-son-statut-de-star-avec-son-livre-soif-en-tete-des-ventes-6516918

2https://www.ouest-france.fr/culture/livres/rentree-litteraire-amelie-nothomb-confirme-son-statut-de-star-avec-son-livre-soif-en-tete-des-ventes-6516918)

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