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Perfume for two !

> 09 juillet 2023

Perfume for two !

Un éditeur parisien (Pierre Brulin) qui couche avec une jeune femme (Emmanuelle Jallu), venue lui demander de publier son manuscrit…1 Pas vraiment originale comme idée de roman ! Une liaison passionnée entre une femme malheureuse en ménage et un célibataire qui rêve de se mettre en couple, ordinaire comme scénario. Un architecte (M. René Jallu) qui part pour Kaboul avec sa femme. L’occasion pour Pierre de se glisser dans ses bagages, en tant qu’interprète, afin de ne pas quitter celle qui fait battre son cœur. Un contre-temps. Une parente malade. Manou rejoindra l’équipe plus tard. Pourtant lorsque Mme Jallu se fait annoncer… ce n’est pas Manou qui descend de l’avion… mais une certaine Claire qui ne lui ressemble absolument pas du tout ! Un mystère épais enveloppe alors Pierre, qui tente de percer le secret de cette inconnue, qui finira rapidement dans son… lit ! Incorrigible Pierre !

Deux femmes qui ne se ressemblent pas au physique, mais partagent le même parfum, les mêmes bijoux (dont un très beau bracelet en or massif, une pièce unique)… le même mari, le même amant !

Dans ce micmac amoureux, un homme de lettres déboussolé, aux portes de la folie (« J’étais enfermé dans ma peau comme dans une oubliette. »). Un homme habitué à jongler avec les mots, les scénarios, qui se retrouve confronté à une réalité encore plus biscornue que tout ce qu’il a pu lire jusqu’alors !

Un décor aride qui ressemble à… une peau

L’histoire se passe majoritairement en Afghanistan, un pays aride où la montagne prend des allures de caillou « tanné comme une peau » !

Emmanuelle, une femme séduisante, à la peau parfaitement lisse

Emmanuelle Jallu (Manou pour les intimes), est une « jeune femme brune, grande, jolie », qui coiffe ses cheveux en chignon. Son visage possède « la couleur délicate, blanc- bleu, d’une dragée ». Un teint qui ne doit rien au naturel, mais tout aux cosmétiques. Manou use d’un « maquillage trop lisse », qui laisse, à la surface de sa peau, un « masque délicat », qui donne l’aspect d’une coquille d’œuf. Un maquillage dont elle prend grand soin… « Elle m’embrassa sur la tempe, très doucement, car elle prenait le plus grand soin de son maquillage ».

Une femme fardée et parfumée, qui laisse derrière elle un sillage odorant à base de « verveine » (« Parfois, je m’abattais sur le lit où je venais d’être si heureux, je cherchais son parfum et son odeur […] »). Son papier à lettre, un papier de couleur bleue, en reste tout imprégné. Un parfum que l’on reconnaît « entre mille », car il sent « l’herbe, le matin, l’été ». Un parfum unique, troublant, le parfum de l’amour !

Ses yeux sombres sont le plus souvent tristes… aussi tristes que la vie que Manou mène auprès de son triste époux.

Claire, une femme séduisante, à la peau sans défaut

Tout l’opposé de Manou et pourtant un certain nombre de points communs… en particulier, le parfum ! « De loin, je sentis son parfum. Celui de Manou. » Est-ce que Manou a piqué le parfum de Claire ou bien est-ce Claire qui s’est emparé du parfum de Manou ?

Une femme d’une trentaine d’année, « petite, menue, blonde, les cheveux tirés en arrière et formant sur la nuque une boule artistement nouée. » Très élégante, très « chic » !

Une femme qui se maquille « discrètement » et se remaquille, au cours de la journée, tout aussi « discrètement » !

Une femme qui semble partager avec Manou les mêmes souvenirs, qui utilise les mêmes mots, les mêmes expressions.

Une femme amoureuse qui séduit un Pierre sans défense (« Moi, je sentais l’amour de Claire par toute ma peau ».)

Jallu, un spécialiste des barrages, à la peau ridée par le soleil

Un architecte spécialisé dans la construction de barrages… prêts à s’écrouler. Un homme tourmenté qui veut laisser son nom dans l’histoire et ne réussit guère qu’à se faire remarquer par ses échecs. Un homme à la nuque ravagé par l’excès de soleil… Une nuque de vieil homme « quadrillée de rides et parsemée de poils gris » ! Des « rides profondes » ! Et pourtant seulement la quarantaine… Une allure stricte de « missionnaire », avec des « cheveux coupés ras ».

Des douches pour y voir plus clair et pour laver la peau

Entre Manou et Claire, Pierre est écartelé. Pour en savoir plus, Pierre se fait l’amant de Claire… et tente de comprendre qui est vraiment l’épouse de Jallu. Visiblement Manou l’a trompé ! Ou bien alors c’est Claire qui n’est pas celle que l’on croit ?

Un vrai cauchemar qui met Pierre dans tous ses états. « Je me traînai jusqu’à la douche, puis m’étendis, nu et mouillé, sur mon lit de camp. » Une première douche, une seconde douche…pour tenter de garder la tête froide dans une telle situation.

Et encore une douche… « Je pris une douche. La sueur me giclait littéralement de la peau. »

Du maquillage pour changer d’aspect, pour changer de peau

Claire est désormais la maîtresse de Pierre. Et elle ne compte pas en rester là. Seulement Jallu est tellement jaloux (Jallu – Jaloux !!), qu’il n’y a qu’une seule solution possible : disparaître, simuler un accident pour se soustraire à son autorité. Refaire sa vie, ailleurs, au bras de Pierre.

Facile pour une femme de changer de peau… « Et puis, je me ferai teindre, je changerai ma coiffure, mon maquillage… Il est si facile à une femme de modifier complètement son aspect. »

Et le train-train à Paris, liés, coincés, enfermés comme dans… un pot !

Une fois morte pour son mari (Pierre a simulé un accident de voiture ; celle-ci est tombée dans l’eau du barrage avec Claire !), Claire s’installe à Paris, avec Pierre. Une vie de couple qui ne convient pas du tout à notre éditeur toujours amoureux de Manou. « Le café avait un goût de fiel. Claire sentait le dentifrice. J’étais mal dans ma peau. »

Et la fuite au Vietnam, pour faire peau neuve !

Pour Pierre, pas question de rester tranquillement aux côtés de Claire. La fuite s’impose. Une expédition au Vietnam vient mettre un point final à une situation devenue intenable.

Et une chute vertigineuse, encore plus vertigineuse que la chute dans l’eau du barrage !

Jallu s’est suicidé ! Sa sœur, Mme veuve Cléry… se remarie avec M. de Saint-Côme. Voici les nouvelles lues dans le journal par Pierre.

Les victimes, en bref

La victime, Manou, est enterrée dans le jardin de sa propriété… Pierre finira par obtenir de Claire (la sœur de Jallu et non sa femme), tous les détails de cette ténébreuse affaire. Une affaire sordide, une usurpation d’identité destinée à éviter la prison. La veille de son départ pour l’Afghanistan, Manou a voulu quitter son mari, en lui avouant son infidélité… Jallu ne l’a pas supporté ! Sa sœur, Claire, énergique comme toujours, a pris la situation en main et a bâti tout un scénario pour sauver la peau de René.

Et Pierre dans tout cela ? Un homme amoureux qui n’y comprend plus rien. Un parfum de gâchis immense, un parfum unique partagé en deux et distillé avec brio par un duo d’écrivains.

Rassurons-nous, Pierre trouvera, enfin, la paix. Dans la maison de Manou, il est là qui veille sur son amour… « J’écrirai des livres, pour toi. Notre amour recommence. »

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Boileau/Narcejac, Les victimes in « Quarante ans de suspense », Robert Laffont, collection Bouquins, 1988, 1298 pages

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