> 13 octobre 2019
L’enfer, c’est un monde sans brosse à dents. « Car enfin, je vous le demande, pourquoi vous brosseriez-vous les dents ? »
L’enfer, c’est donc un monde sans pâte dentifrice, sans gel dentifrice, sans solution anti-plaque, sans fil dentaire.
L’enfer, c’est donc un monde sans objets de torture tels qu’on se les représente habituellement, mais où l’on est privé de la réalisation des plus strictes habitudes d’hygiène.
L’enfer, c’est un monde sans glace, sans miroir, sans psyché, sans reflet.
L’enfer, c’est un monde où les canapés ont des couleurs improbables, bordeaux ou vert épinard, de toute façon jamais assorties aux tenues que l’on porte.
L’enfer, c’est un monde où l’on entraperçoit, par instant, ce qui se passe sur Terre. On voit, par exemple, sa meilleure amie qui prend bien garde de pleurer afin de ne pas s’enlaidir à cause de coulées de « rimmel ». On voit aussi et toujours sa meilleure amie séduire le jeune homme que l’on aimait.
L’enfer, c’est un monde avec du rouge à lèvres (quand même !) mais sans aucun moyen pour vérifier qu’il a bien été appliqué. « Est-ce que j’ai bien mis mon rouge à lèvres ? »
L’enfer, c’est un monde avec du rouge à lèvres et avec, pour miroir, une esthéticienne qui vous guide le bras d’une drôle de façon. Un monde où l’on se dessine une « bouche d’enfer », d’un trait « lourd » et « cruel ».
L’enfer, c’est un monde avec du rouge à lèvres plaqué sur les lèvres selon le goût des autres. « Avez-vous mon goût ? » « J’ai ton goût, puisque tu me plais. »
L’enfer, c’est un monde où les miroirs sont les yeux des personnes qui partagent votre sort. Et ce miroir-là fait voir des plaques rouges sur une peau saine.
L’enfer, pour Jean-Paul Sartre, c’est un monde sans sommeil, sans repos, sans cosmétiques !1 Vivement le paradis !
Merci à Jean-Claude Coiffard, poète et plasticien ; en regardant ton illustration du jour, on a envie de dire "Un enfer, sans cosmétique ? Allez au diable !"
Bibliographie
1 Sartre J.-P. Huis clos, Gallimard, 1978, 94 pages
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