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Festival de moustaches, blush pour les joues et pommade contre les cors, tout est dit !

> 03 avril 2021

Festival de moustaches, blush pour les joues et pommade contre les cors, tout est dit !

Un mari tyrannique, détestable. Une jeune femme d’une beauté fascinante, mais « froide comme un concombre » qui ne manque pas de soupirants.1 Lord et lady Edgware ne semblent pas former un couple très assorti. Jane Wilkinson Edgware voudrait bien en finir avec un mari un peu trop encombrant. Pour convoler en justes noces avec le duc de Merton, un jeune homme de 27 ans, fort riche et fort laid, Jane doit d’abord supprimer son mari. Pourquoi pas d’un coup de coupe-cors, savamment appliqué en un point précis de la nuque ? Pour l’alibi, il suffira de demander à une actrice réputée pour ses imitations très réussies de se glisser dans la peau de l’assassin, le temps d’un dîner mondain. Oui, c’est une excellente idée, sauf que l’actrice, Carlotta Adams est une femme fine et cultivée, contrairement à Jane, sotte et ignorante comme on en fait peu. Pour Carlotta, Pâris rime avec pomme d’or et mythologie grecque, pour Jane, Paris s’accorde avec bijoux - cosmétiques - grands magasins.

Durant cette enquête ultra-classique, Hercule Poirot base son raisonnement sur la psychologie des différents protagonistes. « Ni cendres de cigarettes, ni traces de pas, ni gant de femme, pas même de traces de parfum ». La solution n’est pas sur le terrain, mais dans les précieuses cellules grises.

Carlotta versus Jane, du pareil au même… aux cheveux près

Carlotta Adams est une sorte de Patrick Sébastien en jupons. Plus fort que Sébastien même ! Cette imitatrice possède une excellente plasticité du visage. Capable de se mettre dans la peau d’un « homme politique connu, d’une actrice en vogue ou d’une beauté célèbre », « sans aucun maquillage », ni accessoire. La démarche, l’allure, la voix, les mimiques, Carlotta est la reine de la transformation. Cette brune, au « teint clair » et aux yeux bleus n’aura besoin que d’une perruque blonde et de talonnettes pour se mettre dans la peau de Jane Edgware.

Et un festival de moustaches

L’enquête est, bien sûr, menée par Hercule Poirot, l’incontournable détective belge, à l’orgueil et à la moustache démesurés. « Je n’ai rien trouvé de comparable dans tout Londres. » Lady Edgware, elle-même, a l’air littéralement fascinée par cette « fameuse moustache » (« Elle est séduite par sa beauté. »). Une moustache dont l’entretien pose bien des soucis à Hercule. « Poirot, lui, ne craignait qu’une chose : l’humidité ou la chaleur qui affectaient la tenue de sa moustache. »

A ses côtés, le fidèle Hastings fait piètre figure avec une petite moustache toute riquiqui ! Une moustache en « brosse à dents », « une horreur. Une atrocité. Une mutilation volontaire des libéralités de la nature. » Tout comme Ronald Marsh, le neveu de lord Edgware... « une ridicule petite moustache noire qui donnait l’impression d’avoir été abandonnée là, en plein milieu du désert. » (« cette petite moustache perdue comme une île au milieu de cette étendue... »)

Et un festival de poudres

Il y a la poudre qui n’est pas utilisée... celle qui reste bien sagement dans le sac à mains de Jane. Comme alibi, c’est du béton. Lady Jane n’a pas quitté la table de toute la soirée, même pas « sous prétexte de se repoudrer le nez ».

Il y a la poudre blanche retrouvée dans une « petite boîte en or », chez Carlotta. Du véronal... exactement le même que celui responsable de son décès.

Il y a la poudre pour les joues, retrouvée dans le sac à mains de Carlotta, à proximité d’un bâton de rouge à lèvres.

Il y a la poudre distribuée de manière généreuse, par une modiste, pleine de talent. Jenny Driver se poudre « énergiquement le nez ». Cette jeune femme sait ce qu’elle veut et ne manque pas de volonté.

et une histoire de cors aux pieds

La femme de chambre de Jane souffre de cors aux pieds. Hercule Poirot l’a tout de suite compris, en observant sa démarche. Pour en venir à bout, Hercule recommande à la brave femme une « certaine pommade », à l’efficacité infaillible. Et puis, en y réfléchissant il serait bien de se poser la question de l’arme du crime : couteau ou coupe-cors ?

Le couteau sur la nuque, en bref

Le couteau sur la nuque met en scène, une fois de plus, une jeune et belle femme au quotient intellectuel réduit... Un nuage de poudre pour éviter de briller (ce n’est pas par son esprit non plus que Jane pourra scintiller en société), un trait de rouge à lèvres pour dessiner les lèvres... voilà les deux cosmétiques incontournables de la beauté « 1930 » !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Christie A. Le couteau sur la nuque, Librairie des Champs-Elysées, 222 pages

 

 

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