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Une moumoute très précieuse et une lotion capillaire abuseuse !

> 29 juin 2024

Une moumoute très précieuse et une lotion capillaire abuseuse !

Tout commence mal dans cet opus intitulé Des dragées sans baptême.1 Le grand patron s’est déplacé tout exprès, pour faire savoir à San Antonio qu’il y avait une taupe dans son équipe, un certain Wolf, qui rencarde une équipe de malfrats dirigée par un Italien, le Sicilien Angelino et tripatouille des choses pas très catholiques. La mission de San Antonio consiste donc à éliminer physiquement le dit Wolf ! Une mission « tartignole », qui ne réjouit guère notre héros, peu habitué à liquider des collègues. De fil en aiguille, San Antonio va nous broder une histoire aux petits oignons. Une histoire, où les souris ne mangent pas de fromage et où les cosmétiques sont fort peu efficaces !

Un attentat prévu au quai d’Orsay

D’après ce qu’a compris San Antonio, Angelino prépare un attentat contre le quai d’Orsay. Une mauvaise interprétation d’un mot échappé à un Wolf mourant a mis San Antonio sur cette piste. Quelle erreur ! La victime est en réalité un « English », nommé « Lord Said » (Lord Said cela peut tout à fait se comprendre Orsay dans la bouche d’un mourant !)… Le pauvre homme, un diamantaire, ne verra de Paris qu’un quai de gare, avant de s’effondrer raide mort.

Une enquête savonneuse

Une enquête compliquée, qui donne « l’impression » au commissaire San Antonio de « marcher sur une planche savonnée avec des patins à roulettes aux pieds. » On voit le genre !

Un patron chauve, sens dessus dessous

Le patron du commissaire San Antonio est un homme au crâne chauve. Un « crâne en peau de fesse véritable », selon son insubordonné subordonné !

Un indic crasseux, sans hygiène, pas plus dessus que dessous

Nez-Creux est l’un des indics de San Antonio. Un gars, « aussi propre qu’un fond de poubelle ».

La bonniche du troquet, un vilain dessus

Pas vraiment le genre de San Antonio. Revêche et peinturlurée, avec un fond de teint épais comme tout, posé sur l’épiderme. « […] vous pourriez recrépir votre maison de campagne avec la couche de fond de teint qu’elle se met sur le visage. »

Claude Rynx, un beau petit lot, un beau dessus et de jolis dessous

Le pivot de l’affaire. Par un parcours sinueux, San Antonio est remonté jusqu’à un certain Claude Rynx, sculpteur, qui s’avère être, en réalité, Claude Rynx, sculptrice, ce qui n’est pas pour lui déplaire. Une belle blonde, aux yeux noirs, « bien roulée », qui n’a pas l’air du tout décidé à cracher le morceau. Et pourtant San Antonio est persuadé qu’elle fait partie de la bande. (« Je suis prêt à parier une brosse à dents usagée contre une tonne de caviar que cette poupée connait Wolf. »)

Claude résiste à l’interrogatoire serré de San Antonio. Cette fille a « du cran »… Elle n’est pas du genre à « tomber en digue digue » !

Une « salve de mitraillette » comportant une « demi-douzaine de dragées » vient sceller les lèvres d’une Claude prête à dévoiler à San Antonio quelques petits secrets peu avouables.

Il faudra attendre la fin de l’histoire pour comprendre que Claude a sculpté le buste de Montesquieu dans un pain d’explosif. Un buste qui se trouve maintenant au Louvre et risque de faire boum !

Attention, toutefois, à ne pas enterrer Claude trop vite. Costaude la fille ; elle ne décédera pas durant cet opus !

San Antonio, du sang dessus… et dessous

Un vrai surhomme, ce San Antonio, qui court de Versailles à Paris, puis de Paris à Versailles, suivant une piste, puis une autre, comme un bon chien de chasse. Une « douche glacée », juste une fois, pour reprendre ses esprits entre deux rounds. Et de temps en temps, un bon coup de poing sur la cafetière… Heureusement, le pharmacien de garde est là pour lui confectionner un superbe pansement en sparadrap.

Ruti, un gangster qui mériterait des dessous blindés

L’un des acolytes d’Angelino se nomme Ruti. Un type costaud, qui n’est pas du genre à plaisanter. C’est pas gênant. San Antonio n’avait pas vraiment envie de plaisanter avec lui. Lors d’une bagarre, San Antonio « lui glisse des mains », comme « un morceau de savon » et lui envoie un « coup de genou dans les précieuses ».

Angelino, un bon coup de gomina dessus la tête

Un ennemi à la taille de San Antonio, qui a bien du mal à comprendre ce que trame ce Sicilien enragé. Un gars qui affronte le danger et ne le prend jamais de biais (« J’ai pas l’habitude de filer comme un lavement lorsque des pourris me traitent comme je viens d’être traité, sans blague. »)

Un gars à la chevelure ébouriffée, qui doit user de « gomina », pour tenter d’aplatir, tant bien que mal, tous les épis qui naissent sur sa tête.

Alda, des pierres précieuses en dessous de la moumoute

La femme d’Angelino est une petite vieille, aux cheveux clairsemés ; « ses tifs sont chétifs ». Tous les soirs, Alda utilise une « lotion capillaire », pour tenter de favoriser la pousse de ses cheveux. Le matin, constatant l’échec patent de la lotion en question, elle enfile une moumoute… une moumoute, qui fait office de coffre-fort et dans lequel Angelino a glissé tout un lot de pierres très précieuses.

La veuve Baumard, le dessus du crâne teint

Un dégât collatéral ; une pauvre vieille qui est étranglée par Angelino, celui-ci ayant décidé de s’installer chez elle. On saura juste d’elle qu’elle a les « cheveux teints ».

Mireille, dessous les ciseaux y a plus personne !

Une comparse d’Angelino, qui tombe entre les mains de San Antonio. Une fille aussi belle que miss Univers ! Une peau « ambrée » et un « parfum qu’on doit lui expédier directement du paradis », tant il sent bon.

Une fille, qui reste stoïque devant San Antonio, mais finit par se mettre à table, lorsque celui-ci sort une paire de ciseaux destinée à lui faire la coupe au bol. « Voilà : ou tu réponds à mes questions ou je te coupe les tifs au ras du bocal. » Et même encore plus court que cela, style « grognace tondue » !

Et un lecteur malmené

On le sait les enquêtes de San Antonio sont difficiles à suivre. En lecture du soir, on a du mal à s’y retrouver car, lorsque l’on dort sur un bout de roman, on ne sait plus où on en est le lendemain. Frédéric Dard le sait bien, ce qui ne l’empêche pas de traiter son lecteur de « petite cervelle d’écureuil » !

Et une bonne descente

Pour se requinquer, San Antonio se fait payer une bouteille de rhum par son patron. Il s’en verse un demi-bol et s’apprête à le boire sous le regard intrigué de son chef qui n’en croit pas ses yeux. « Vous allez boire ça ? demande-t-il… Vous ne pensez pas que c’est pour me laver les pieds, fais-je en portant le récipient à mes lèvres. »

Des dragées sans baptême, en bref

Pas la peine de se mettre sur son 31 lorsque Frédéric Dard nous parle de dragées ; celles-ci ne sont ni aux amendes, ni au chocolat. Ce sont des dragées, dures à digérer, qui se fichent dans le gras du bide et vous envoient à l’hosto ou à la morgue. En attendant, et même si l’on a une cervelle d’écureuil, et même si l’on ne sait plus trop bien qui l’on suit et ce que l’on cherche, on passe un bon moment et ce, d’autant plus, que la solution d’une des énigmes de ce roman (où se logent les pierres précieuses volées par Angelino ?) se trouve dans un flacon de lotion favorisant la pousse des cheveux. Pas très compliqué de voir qu’il y a un souci au niveau du crâne de la vieille Alda. Et en plus ça brelotte drôlement sous la moumoute de la patronne !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Dard F., San Antonio Tome 1, Des dragées sans baptême, Bouquins la collection, Paris, 2010, 1241 pages

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