> 15 juin 2024
L’opus Du plomb dans les tripes de Frédéric Dard n’est pas un opus très cosmétiqué.1 Tout commence plutôt mal pour le commissaire San Antonio, qui se retrouve face à face avec une petite espionne nazie, une certaine Gertrude. Lui qui a été envoyé dans un coin perdu de l’Isère pour mettre un point final sanglant dans l’histoire de cette peste a vu la situation se retourner en tombant, brutalement, dans un beau traquenard. En pleine occupation allemande, San Antonio va exceller, une fois de plus. Alors qu’il est missionné pour liquider une nazie, voilà le commissaire qui se trouve mêler, comme par hasard, à une sombre histoire de secret atomique. Des histoires de tatouage à n’en plus finir !
Elle possède « une physionomie aussi expressive qu’un dentier usagé »… ce qui, même dans la bouche de San Antonio, n’est pas un compliment.
Au début du roman, on retrouve notre pauvre commissaire ficelé comme une saucisse. Attaché à un plateau en bois, San Antonio voit une lame tranchante se rapprocher dangereusement de son crâne. Impossible pour lui de se détacher, du moins dans un premier temps. De quoi regretter de ne pas avoir demander aux magiciens de la place Clichy quel était leur truc pour sortir de ses liens « comme la vaseline sort de son tube lorsqu’on appuie dessus. »
Heureusement, d’un coup de rein, San Antonio s’extirpe de là… la tête un peu amochée tout de même par la morsure de la scie.
Une tête qui risque fort d’intéresser un chirurgien esthétique désirant tout remettre en ordre dans cet amas de chairs, ressemblant à un « pain de saindoux » ! San Antonio parie un baril de choucroute qu’il faudra bien « s’enfermer dans une salle d’opération pendant 3 ou 4 semaines », avant de pouvoir retrouver forme humaine.
Une tête en compote, en mille morceaux, une tête qui souffre, comme si on venait de lui faire « un shampooing à la paille de fer » !
Alors que San Antonio vient d’échapper à la mort à l’arme blanche automatisée, le voilà qui tombe sur un Polonais qui transporte 4 petites tortues dans un sac. Le Polonais en question est zigouillé par les Allemands. Il confie le contenu de son sac, avant de passer de vie à trépas, à un San Antonio médusé. Attention, suivez bien ce sac du regard, son rôle est capital dans ce roman à tiroirs !
Avec son sac de tortues, San Antonio bat la campagne et finit par atterrir chez le Dr Martin, dans la localité de Bourgoin.
Les deux hommes sympathisent, boivent un coup ensemble et constatent, avec surprise, que les tortues du Polak ont un message tatoué sur la carapace… un message rédigé en… polonais.
On se demande tout de même si ce toubib trop sympathique n’a pas des accointances avec l’ennemi ; San Antonio s’interroge : « Qu’est-ce qu’il maquille, le vieux barbichu ? »
Effectivement, le barbichu n’est pas franc du collier… il va trahir ! Le Dr Martin n’est pas un bon Samaritain, mais, au contraire, un « sale petit vieux, pourri jusqu’au cerveau » !
Attention, ne pas croire que tous les habitants de Bourgoin sont amis comme cochons avec les Fritz. Le cafetier, M. Stéphane et le coiffeur du coin vont se démener comme de beaux diables pour que la mission de San Antonio s’achève pour le mieux.
Chez Stéphane, San Antonio réalise une « séance de maquillage » magistrale, afin de changer de personnalité. Rapidement, l’homme jeune devient un homme mature, aux tempes grisonnantes.
Chez le coiffeur, San Antonio trouve le gite. Le coiffeur « frise » la cinquantaine, ce qui n’est pas étonnant « de la part d’un pommadin ». Ce coiffeur chauve n’a visiblement pas trouvé le meilleur produit antichute du monde pour son propre compte ! Et en matière de « lotion », il a l’air plus porté sur la « fine champagne » que sur le tonique capillaire.
San Antonio est envoyé à la gare de Bourgoin ; là, il doit faire sauter des wagons. Il lui faut donc obtenir la complicité de cheminots. Ceux-ci s’exécutent spontanément, réclamant toutefois quelques bonnes claques au visage, afin de pouvoir dire aux autorités que l’ennemi les a neutralisés par surprise. San Antonio y va donc de ses petites claques tout en délicatesse, afin de « tatouer » le visage de ses complices.
La môme Gretta est tombée sous le charme de San Antonio. D’origine polonaise, Gretta fait partie du « réseau Troïka ». Elle a infiltré le camp nazi et fait tout pour aider San Antonio à triompher de l’ennemi. Enfin, c’est ce que l’on croit, jusqu’à ce que la belle espionne ne trahisse le commissaire. Gretta travaille, en réalité, pour l’URSS…
San Antonio se fait la tête d’un petit vieux. Il maquille son visage. Par ailleurs, il pose une même question à deux reprises. Que maquille le barbichu ? Et lui, San Antonio, tout le monde va se demander ce qu’il « maquille » !
Pour désigner un type qui a oublié d’être bête, Frédéric Dard nous emmène dans sa salle de bains et compare sa « pensarde » au contenu d’un tube dentifrice. (« y en avait autant dans sa pensarde que dans un tube de pâte dentifrice » !)
Ça… on n’a pas très bien compris comment, tout d’un coup, on est arrivé à ce coffre, rempli des restes d’un chercheur atomicien, le Professeur Hossaïnem. En revanche, ce dont on est sûr, c’est que le vieux professeur a utilisé « une vieille coutume persane » pour cacher LA formule chimique, qui résume toute une vie de labeur. « Il s’est fait raser le crâne à triple zéro, s’est fait tatouer sur la tête les formules de sa découverte et a attendu que ses cheveux repoussent. »
Heureusement que San Antonio a de la culture, sinon il serait sûrement passé à côté des restes du petit vieillard, sans penser à lui raser le crâne… et çà les communistes ils n’y ont pas pensé non plus !
Parti pour éliminer une nazie de première force, San Antonio se retrouve plongé dans une histoire complexe de secret atomique. Comme d’habitude, il est le plus fort. Quant à Gertrude, ben, franchement, il faudra lire le livre pour savoir son devenir, car on ne se rappelle plus du tout ce qui lui est arrivé en chemin !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.
1 Dard F., San Antonio Tome 1, Du plomb dans les tripes, Bouquins la collection, Paris, 2010, 1241 pages
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