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Une histoire de détonateur tirée par les tifs

> 30 juin 2024

Une histoire de détonateur tirée par les tifs

Des clientes pour la morgue !1 Quel titre pour un polar ! Frédéric Dard s’y connait à merveille pour appâter son lecteur… et ce roman commence sur les chapeaux de roues ! Avec une charmante vieille dame qui lit « France Soir » dans un train à destination de Genève… Rien de très accrocheur… pensez-vous. Et pourtant, et pourtant… Si. Il y a de l’accroche car… cette charmante vieille dame porte des chaussures d’homme. Car cette brave vieille dame est un… homme ! Alors, forcément, là, on sent que le mystère s’épaissit !

Un homme qui s’appelle Georges (Gerfault) et que San Antonio préfère ne pas voir en soutien-gorge. Tout un programme !

Une vieille dame, à postiche, dans un train

La vieille dame en question porte une « moumoute », « un bath postiche à anglaises »… qui lui donne l’air d’une vieille dame de comédie de boulevard. Pas de « barbouze » en revanche ! Mais tout de même un « système pileux si exubérant que ses joues bleuissent déjà sous la couche de fard qu’elle a dû se passer avec un couteau à tartine. » Bref… une personne dont on ne sait pas trop bien reconnaître le sexe, à vue de nez !

Pour San Antonio, il n’y a pas photo, cette « dame d’un certain âge » a dû être « gardien de la paix » ou « plombier zingueur » dans une autre vie. Il faut dire qu’il a assisté en live au numéro de transformation de la personne en question !

Une vieille dame, à postiche, aux ouatères

C’est dans un restaurant où Bérurier, le collègue de San Antonio, est en train de fêter une décoration que la rencontre entre la vieille dame et le commissaire s’opère. Au moment du discours de l’impétrant, San Antonio se carapate aux WC et y fait une rencontre du tonnerre. L’homme, qui est entré au petit coin devant lui, en ressort sous une autre identité biologique, le temps d’un passe-passe aux toilettes.

San Antonio se met alors à flairer (on est dans l’endroit adéquat) un truc pas très catholique… Il en devient lyrique : « Y a des types qui attrapent une feuille de papier et un crayon et qui vous pissent un poème… » « Eh ben ! mes cocos, pour le gars San Antonio, c’est du kif… mon genre de poème, à moi, c’est le mystère ». Le mystère de l’inconnu à la moumoute et au parfum… envoûtant.

L’homme en question a fait les choses en grand. « Il s’est fardé » et « s’est collé un parfum qui zigouillerait un nuage de sauterelles dans un rayon de trois cents mètres »… pour faire plus vrai que contre-nature !

Une vieille dame, à postiche, dans le coaltar

La vieille dame qui dit se nommer Germaine Fouex (on apprendra ultérieurement que Germaine est la tante du comédien qui a pris ses traits, une femme qui est retrouvée, empoisonnée, dans son appartement de la rue de la Pompe à Paris ; une femme qui a dû tremper dans une louche affaire d’espionnage dans la mesure où celle-ci travaillait pour l’ambassade américaine) arrive ainsi dans un hôtel Genevois, où elle prend une chambre afin de… se refaire une beauté. Le voyage a, en effet, couvert sa peau de sueur et le fard coule de partout. « Presque un pauvre homme, avec sa tenue de fausse gonzesse et sa gueule de clown mal démaquillé ».

San Antonio, qui a loué la chambre voisine, assiste à la scène grâce à un petit trou percé, judicieusement, dans la cloison. La scène ? Le démaquillage-remaquillage ? Non pas du tout, l’homme prend « son revolver et se tire une balle dans le citron », à la grande stupéfaction de son voyeur de voisin.

Toutefois, avant de tirer, l’individu a caché dans sa chambre un « disque mystérieux », qui s’avérera être la pièce maîtresse d’un détonateur surpuissant. Une pièce de métal composée d’un alliage tout bête de « nickel et de chrome » !

Précisons qu’avant de mourir l’individu a passé un coup de fil à… une amie !

Une standardiste louche et chevelue

La standardiste de l’hôtel est louche ; elle a, sur ordre de San Antonio, écouté les conversations téléphoniques de la vieille dame. Pourtant, elle ne retransmet pas la teneur de ces conservations, n’ayant pas compris un traitre mot du dialecte utilisé. Une standardiste d’un grand hôtel qui cale en matière de traduction, ça sent, forcément, l’embrouille.

Pour San Antonio, aucun doute possible, la vieille dame s’est exprimée en français, « parce qu’un Français n’est, en général, pas plus doué pour les langues étrangères qu’un escargot pour la course à pied. »

La standardiste, qui cache quelque chose, finira sur un trottoir, le corps criblé de balles !

Une blonde bombe au capillaire de rêve

Cette « magnifique gonzesse » aux cheveux blonds (« une blondeur de blés très mûrs ») possède des yeux « fauves, ardents » et une superbe détente ! C’est au travers de son sac à main qu’elle tire à bout touchant sur le commissaire.

Et si celui-ci ne meurt pas c’est grâce à un « petit calendrier de métal offert par une marque d’apéro », qui a formé écran entre son cœur et la balle.

La belle blonde finira mal, elle aussi… « trouée comme du gruyère » !

Et un drôle d’individu aux cheveux poivre et sel, qui sourit aux anges

Un type qui sourit à San Antonio (« Il me sourit comme l’abbé Jouvence ») dans un bar et qui porte de beaux cheveux « poivre et sel, avec beaucoup de sel ». Un type audacieux, qui n’hésite pas à enlever le brave commissaire par deux fois. Un certain Muller, qui est à l’origine de toute cette hécatombe de bonnes femmes ! Un homme, qui est à la recherche du détonateur mis au point par son demi-frère, le savant Karl Hollanzer, un fasciste ayant travaillé pour le « Reich hitlérien » et cherche à en tirer le meilleur prix.

Et une drôle de demoiselle qui ne sourit pas du tout aux anges et possède des cheveux à « reflets d’or »

Melle ou Mme Muller est une belle blonde, à la « peau légèrement bronzée ». Une jeune fille d’une vingtaine d’années, parfumée, qui « sent bon » !

Et un chef sans moumoute

Le chef de San Antonio a le crâne aussi lisse qu’un œuf. « Chauve comme un flan à la vanille » !

Et le collègue Grignard adepte du DIY

Celui-là est un « brave zigoto », qui est du genre à postuler « pour les palmes académiques » et à posséder tout un arsenal de « recettes contre les brûlures ».

Et une serveuse de café aux ongles excentriques

Une bonniche, qui possède des ongles d’une couleur douteuse et à laquelle San Antonio laisse un pourboire généreux, histoire qu’elle puisse « s’acheter du vernis à ongles plus naturel comme couleur… »

Et une bonne douche bien froide

Véritable surhomme, San Antonio ne dort que très peu durant cette enquête. Il ne s’accorde que deux douches durant cet opus. « Une douche très froide », pour « compenser » le « manque de sommeil » ! puis une « douche » rapide, suivie d’un café très fort, pour se recoller au turbin !

Et une révélation sur le père de San Antonio

On apprend, ici, que le mari de Félicie, le père de San Antonio donc, était un séducteur comme son fils. « Y avait pas plus truand que mon vieux : toujours en java, le gars ! Et ses mouchoirs pleins de rouge à lèvres… »

Et de l’alcool à gogo

Dans cet opus, San Antonio ne se prive pas de bonnes rasades d’alcool. « […] j’ai tellement envie d’alcool que je boirais de l’eau de Cologne. »

Et un pharmacien de première classe

Un ami de San Antonio, qui réveillerait des morts et dispose de recettes du tonnerre pour remettre son pote d’aplomb. Quand le commissaire lui rend visite, il est dans son préparatoire, en train de « broyer des trucs dans un creuset ». Il n’hésite pas à lâcher ses préparations galéniques pour requinquer son camarade à l’aide d’une injection d’un « petit machin-chose », qui endort la douleur et remet San Antonio sur les rails !

Par la suite, San Antonio sera mis sous « suppositoires calmants » et pénicilline ; il faut dire qu’il va manquer être carbonisé ! Une « pommade à l’auréomycine » viendra traiter ses plaies.

Et un San Antonio qui manque de mourir de chaud

San Antonio est placé au fond d’une citerne d’essence qui se remplit lentement. Muller compte bien y mettre le feu.

Sous l’effet des vapeurs d’essence, San Antonio se trouve fort mal. « Je n’y vois presque plus clair… J’ai la tête qui fond ; qui fond comme une savonnette dans une bassine d’eau chaude… »

Des clientes pour la morgue, en bref

Il y a, dans cette enquête, différentes factions qui cherchent à entrer en possession d’un disque servant de détonateur qui permettrait de démultiplier, de manière phénoménale, la puissance des explosifs. Vous dire quelles sont ces factions en présence serait audacieux tant l’intrigue est embrouillée. Pour vous rassurer, on pourra dire que San Antonio gagne la partie, une fois de plus. Pas de panique, le détonateur a été remis aux plus hautes sphères de l’état français. Ouf !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Dard F., Des clientes pour la morgue in San Antonio tome 1, Bouquins la collection, 1241 pages, 2010

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