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Remettez-nous ça la patronne !

> 01 juillet 2024

Remettez-nous ça la patronne !

Ça sonne comme un titre de San Antonio et ça vise à utiliser la bonne dose de produit solaire en été. En effet, on sait que la dose constitue le pivot sur lequel repose la protection solaire. Plus on en met de produits sur sa peau, mieux on est protégé.1,2 Moins on en met, plus on prend de risque en matière de santé cutanée. Cette notion de dose appliquée turlupine les chercheurs depuis des années. On cherche à savoir quelle est la dose employée par le quidam dans la vraie vie, on cherche à savoir ce que risque de provoquer une réduction de la dose appliquée. On cherche et on trouve. On s’explique…

Comme lors des tests

Pour se mettre dans les mêmes conditions que celles des tests pratiqués pour déterminer l’efficacité des produits solaires, il faut se tartiner de crème solaire, à raison de 2 mg/cm² de peau.3 C’est donc un tube de 40 grammes qu’un adulte 1,8 m devra utiliser à chaque sortie à la plage s’il veut protéger l’ensemble de sa surface cutanée (soit environ 2 m²) !

Pas du tout comme lors des tests

Certains chercheurs se sont glissés dans les valises de vacanciers adeptes du Soleil, afin de comprendre leur comportement en matière de « crémage ». La dose de crème tartinée (soit 0,79 mg/cm²) est loin d’être similaire à celle utilisée en laboratoire.4 Selon les publications, on nous parle d’une dose moyenne de 0,8 mg/cm² ou d’une dose médiane de 0,5 mg/cm², ce qui n’est bien sûr pas pareil.5 Certains auteurs montrent également qu’il existe des zones de peau (comme la nuque, les tempes ou les oreilles) qui sont totalement oubliées et ce même chez les personnes les plus sensibilisées à la nécessité d’une protection solaire.6-8

Or, toute réduction de dose aboutit à une réduction de l’effet photoprotecteur. Selon le produit utilisé la réduction de dose sera plus ou moins importante.2 Une étude américaine de 2018 met en avant le fait qu’une réduction de moitié de la dose appliquée (1 mg et non plus 2 mg) entraîne une réduction de SPF de plus de la moitié (de 59 % pour un produit affiché 50+).9 Pour notre part, nous avions montré, en 2012, qu’une réduction de la moitié de la dose appliquée entrainait une réduction d’efficacité d’un facteur 1,5 à 4 selon les références.2

Il ne faut pas non plus oublier la protection dans le domaine UVA. Toute réduction de la quantité du produit appliqué entraîne également une réduction de l’indice UVA, là encore de manière variable selon les produits utilisés et selon leur galénique.2

Avec un bon guide, ça va mieux

Les laboratoires Pierre Fabre ont publié, en août 2023, les résultats d’un travail intéressant, démontrant l’importance de faire figurer des instructions d’utilisation précises sur les emballages des produits solaires. Le test réalisé sur des volontaires a permis de se rendre compte de l’écart considérable de dose obtenu dans des conditions expérimentales très différentes. Laissé sans instruction, le volontaire n’applique en moyenne que 1,04 mg/cm² de produit, alors que, lorsqu’il est pris en main, il en applique 1,45 mg/cm², ce qui est nettement mieux. Pour arriver à ce résultat, il faut donner des indications précises au consommateur. C’est ce que la marque A-Derma s’est employée à faire, en disant qu’un visage nécessite l’emploi de 7 pulvérisations. Ces pulvérisations doivent se faire dans le creux de la main. « Le produit doit être vaporisé quatre fois sur la paume de la main et réparti sur le visage, en prenant soin de n’oublier aucune zone (tempes, front, racine des cheveux ou contour des yeux). Ce processus doit ensuite être répété avec trois autres pulvérisations du produit. ».10

Cette volonté d’éducation des consommateurs (ou des patients) fait écho aux travaux de Azurdia et al. (2000) qui montrent qu’un patient bien formé peut appliquer 78 % de produit en plus, si l’on prend le temps de bien lui expliquer les choses.11

Idem pour Michel Jeanmougin qui, dès 2014, plaidait en faveur de la mise en place d’instructions claires, afin d’améliorer la technique d’application de produit solaire par le consommateur.12

Il faut, toutefois, faire attention aux formes sprayables, très liquides, très fluides qui s’étalent bien et même trop bien. C’est ce que prouve une publication américaine de 2019, réalisée avec l’aide d’étudiants qui se sont prêtés au jeu du crémage, en employant deux types de galénique, deux types de conditionnement. Dans ces conditions, on constate que les participants appliquent 30 % de produit en moins avec les flacons pompes, par rapport aux tubes classiques.13

Des flacons distributeurs qui peuvent, toutefois, être intéressants chez l’enfant, comme le montre une étude australienne ; réalisée en école primaire. Il est, semble-t-il, plus facile pour les enfants d’utiliser le flacon-pompe (quantité de produit appliquée : 0,75 mg/cm²) qu’un tube (0,57 mg/cm²) ou même qu’un roll-on (0,22 mg/cm²).14

Il convient de mettre au point des formes galéniques agréables à appliquer, tant l’aspect sensoriel a de l’importance quant à la quantité de produit utilisée. Pour l’heure, dans de nombreux cas, ce genre de produit est encore « universellement détesté » !15

Et en réappliquant ?

Lorsque l’on réapplique du produit solaire au bout de deux heures, on optimise son niveau de protection, puisque l’on ne repart pas de zéro.16

Et en cas de doses extrêmes d'UV ?

On insiste souvent en indiquant que l’on utilise, dans la vraie vie, des quantités moins importantes de produits solaires que prévues. Des équipes australiennes ont également voulu pointer du doigt un autre problème, en montrant que, selon la localisation, la saison, l’indice UV va varier et « corser » plus ou moins le travail du produit solaire. Les chercheurs ont montré que pour des indices UV extrêmes les SPF annoncés sur les emballages ne correspondaient pas à la réalité du terrain.17

La dose, la bonne dose

Voilà bien un domaine où l’expression « Less is more » ne s’applique pas ! Pour être bien protégé, il convient d’être généreux ; tous les travaux le disent et le redisent de concert. Il convient de ne négliger aucune zone de peau et de réappliquer son produit toutes les deux heures. C’est pour cette raison que le produit de soin ou de maquillage avec SPF ne fait pas l’affaire… et oui, ce produit est appliqué le matin, une fois pour toutes, par petites touches pleines de délicatesse.

Dans le domaine de la protection solaire, on ne pourra que répéter : « Encore une bonne dose de crème solaire, remettez-nous ça la patronne » ! Une pulvérisation ça va pas, deux pulvérisations, ça va toujours pas… Bonjour les dégâts ! Pour être bien protégé, l’abstinence solaire est de rigueur. Quant à la sobriété, elle ne doit pas concerner notre usage de ce cosmétique !

Bibliographie

1 Schalka S, dos Reis VM, Cucé LC. The influence of the amount of sunscreen applied and its sun protection factor (SPF): evaluation of two sunscreens including the same ingredients at different concentrations. Photodermatol Photoimmunol Photomed. 2009 Aug;25(4):175-80

2 Couteau C, Paparis E, El-Bourry-Alami S, Coiffard LJ. Influence on SPF of the quantity of sunscreen product applied. Int J Pharm. 2012 Nov 1;437(1-2):250-2.

3 Bens G. Sunscreens. Adv Exp Med Biol. 2014;810:429-63

4 Petersen B, Datta P, Philipsen PA, Wulf HC. Sunscreen use and failures--on site observations on a sun-holiday. Photochem Photobiol Sci. 2013 Jan;12(1):190-6. doi: 10.1039/c2pp25127b. Erratum in: Photochem Photobiol Sci. 2013 Dec;12(12):2202

5 Narbutt J, Philipsen PA, Harrison GI, Morgan KA, Lawrence KP, Baczynska KA, Grys K, Rogowski-Tylman M, Olejniczak-Staruch I, Tewari A, Bell M, O'Connor C, Wulf HC, Lesiak A, Young AR. Sunscreen applied at ≥ 2 mg cm-2 during a sunny holiday prevents erythema, a biomarker of ultraviolet radiation-induced DNA damage and suppression of acquired immunity. Br J Dermatol. 2019 Mar;180(3):604-614

6 Azurdia RM, Pagliaro JA, Diffey BL, Rhodes LE. Sunscreen application by photosensitive patients is inadequate for protection. Br J Dermatol. 1999 Feb;140(2):255-8

7 Kim SM, Oh BH, Lee YW, Choe YB, Ahn KJ. The relation between the amount of sunscreen applied and the sun protection factor in Asian skin. J Am Acad Dermatol. 2010 Feb;62(2):218-22

8 Faurschou A, Wulf HC. The relation between sun protection factor and amount of suncreen applied in vivo. Br J Dermatol. 2007 Apr;156(4):716-9

9 Ouyang H, Meyer K, Maitra P, Daly S, Svoboda RM, Farberg AS, Rigel DS. Realistic Sunscreen Durability: A Randomized, Double-blinded, Controlled Clinical Study. J Drugs Dermatol. 2018 Jan 1;17(1):116-117) (Stenberg C, Larkö O. Sunscreen application and its importance for the sun protection factor. Arch Dermatol. 1985 Nov;121(11):1400-2

10 Le Digabel J, Questel E, Lauze C, Carballido F, Josse G. In vivo evaluation of sunscreen application by multispectral imaging: A new tool for educating sunscreen users. Skin Res Technol. 2023 Aug;29(8):e13320

11 Azurdia RM, Pagliaro JA, Rhodes LE. Sunscreen application technique in photosensitive patients: a quantitative assessment of the effect of education. Photodermatol Photoimmunol Photomed. 2000 Apr;16(2):53-6

12 Jeanmougin M, Bouloc A, Schmutz JL. A new sunscreen application technique to protect more efficiently from ultraviolet radiation. Photodermatol Photoimmunol Photomed. 2014 Dec;30(6):323-31

13 Harben A, Robinson S, de la Fuente J, Bix L. The Role of Dispensing Device and Label Warnings on Dosing for Sunscreen Application: A Randomized Trial. Health Educ Behav. 2020 Feb;47(1):143-152

14 Diaz A, Neale RE, Kimlin MG, Jones L, Janda M. The children and sunscreen study: a crossover trial investigating children's sunscreen application thickness and the influence of age and dispenser type. Arch Dermatol. 2012 May;148(5):606-12

15 Vollhardt J, Marchini M. What Are the Options Beyond SPF 50+? A View on Consumer Behavior and the Sensory Features of Sunscreens. Curr Probl Dermatol. 2021;55:112-123

16 Pruim B, Green A. Photobiological aspects of sunscreen re-application. Australas J Dermatol. 1999 Feb;40(1):14-8

17 Cooray NP, Li E, Konstantinov K, Lerch M, Barker PJ. The dynamic behaviour of sunscreens under in-service conditions. J Photochem Photobiol B. 2022 May;230:112435

 

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