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Une boulangère un peu trop peinturlurée

> 29 septembre 2019

Une boulangère un peu trop peinturlurée

Oh peuchère ! La femme du boulanger,1 c’est l’histoire d’Aurélie, une femme un peu trop fardée qui met tout un village dans le pétrin du fait de son manque de fidélité. Son attitude est tout aussi extrême que son maquillage. Casimir ne manque pas de remarquer : « Ma foi, ce n’est pas pour en dire du mal, mais elle a un peu l’air d’une créature, avec ce rouge et cette poudre. » La plupart des femmes du village partagent d’ailleurs cet avis… Céleste se montre certainement la plus sévère, car, il faut bien le dire aussi, la plus jalouse : « Si tu veux te mettre de la peinture, de la poudre, te raser tous les matins, et remuer le derrière quand tu marches, alors ils vont tous s’occuper de toi. »

Le boulanger Aimable a vraiment un bon tempérament. Il aime à faire « du pain aussi beau » que la « femme » avec qui il est marié depuis cinq ans. Cet avis n’est pas partagé par l’ensemble du village. Mademoiselle Angèle, en particulier, ne voit pas du tout le rapport qui peut exister entre un beau pain et une belle femme. « Pour mon goût personnel, j’aimerais mieux du pain qui fût aussi beau que du pain. Car la beauté des femmes est fugitive et se fane comme les fleurs. » Mademoiselle Angèle doit habiter un peu loin du bourg et ne doit pas venir à la boulangerie tous les jours ; il lui faut donc un pain qui se conserve longtemps.

A peine arrivée dans son nouveau village, la belle Aurélie ne manque pas de faire jaser les commères. Dominique, le berger du marquis Castan de Venelles, « un très beau garçon dévoré par le soleil », n’a pas manqué de lui faire de l’œil dès la première fournée de pain réalisée. La nuit même, le berger et sa boulangère quitte le village, en toute discrétion, afin de filer le parfait amour loin des regards indiscrets.

Stupeur du boulanger, au petit matin, qui ne peut croire à sa malchance ; « l’amour n’est pas fait pour » son Aurélie qui se voit comparée à une « merveilleuse fleur sans parfum ». Afin de noyer son chagrin, Aimable n’y va pas de main morte : « Un litre de Pernod et un arrosoir d’eau » seront nécessaires pour chasser les idées noires et se retrouver dans un état de lucidité un peu particulier. Il se voit alors tel qu’il est, c’est-à-dire vieux et bedonnant ; une comparaison qui ne tient pas la route face au beau Dominique. « [...] une femme aussi belle et aussi jeune qu’elle, ça doit avoir un mari superbe, jeune, musclé, jeune, bronzé, jeune, intelligent, jeune... »

Devant la détermination du boulanger à ne plus vouloir pétrir la pâte tant qu’Aurélie ne sera pas revenue, les villageois affamés organisent une battue et finissent par retrouver les amants sur une petite île déserte. Aurélie y a été aperçue nue... Pour quelle raison s’interroge Aimable ? Peut-être pour prendre un bain de soleil, lui souffle une âme charitable !

Finalement, la belle Aurélie se laisse convaincre de retourner dans son foyer et son cœur fond en constatant la bonté d’un mari qui n’est, certes, ni jeune ni bronzé, mais qui possède pourtant un cœur gros comme ça...

La bonté d’Aimable c’est tout simplement la réponse du boulanger au berger...

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour qui, aujourd'hui, c'est pain, Pernod et Pagnol...

Bibliographie

1 Pagnol M., La femme du boulanger, Livre de Poche, 1971, 180 pages

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