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Mala Rubinstein, des conseils beauté étonnement modernes !

> 13 mars 2024

Mala Rubinstein, des conseils beauté étonnement modernes !

Dans l’ouvrage Le livre de la beauté paru en 1974, Mala Rubinstein nous offre un festival de conseils cosmétiques.1 Celle qui se refuse à « tomber dans la routine » du point de vue professionnel (et pour ce faire, pour éviter l’ennui, Mala multiplie les projets et les concepts) met à disposition de ses lectrices des routines beauté qu’elles pourront utiliser sans se lasser. On y découvre une Mala intime, qui a souffert d’acné et qui a trouvé la réponse cosmétique à ses tourments cutanés dans les pots de crème de sa célébrissime tante, une Mala avant-gardiste, qui met en avant les propriétés « thérapeutiques » des cosmétiques en matière de gain de niveau d’estime de soi, une Mala, pleine de bon sens, qui fustige les adeptes du fait-maison en leur démontrant que les produits ainsi fabriqués ne seront ni meilleurs pour leur peau, ni plus économiques pour leur porte-monnaie que les produits industriels et déconseille les bains de soleil. Cinquante ans après la publication de cet ouvrage, on se rend compte que bon nombre de paragraphes n’ont pas pris une ride, ce qui est plutôt bon signe quand on connaît le combat de Mala contre le vieillissement cutané. A savourer…

Vive les conseils de tante Helena

Tout commence pour Mala alors qu’adolescente elle se met à « bourgeonner » pour cause d’acné. Helena, de passage en Pologne, observe la peau de sa nièce et lui concocte une « ordonnance » composée de produits cosmétiques de son cru. Helena, qui se targue de travailler avec des dermatologues, a mis au point une gamme de « produits pour peaux à problèmes », qui convient à merveille à la jeune fille. Sa peau s’améliore rapidement ! Mala vient de tomber dans le chaudron cosmétique ! Une histoire qui sera reprise un grand nombre de fois par des créateurs de gammes cosmétiques souhaitant mettre en avant le fait qu’avant eux c’était le déluge !

Vive le travail en famille

Chez les Rubinstein, le fait d’être la nièce de la grande Helena ne constitue absolument pas un sauf-conduit pour la paresse. Mala nous l’explique, en toute simplicité. Elle a dû commencer son travail dans l’entreprise « au bas de l’échelle » ; il lui a fallu passer une « période d’essai », comme tout le monde, pour ensuite aller se former à la « dermatologie à Vienne puis à Berlin », avant de repartir au niveau zéro de l’entreprise de Tata Helena. Pas question pour Mala de s’endormir dans un moelleux fauteuil de bureau, le travail sur le terrain lui fait faire des bonds de sauterelle entre le laboratoire où sont conçues les formules, l’institut de beauté (où sont testées les formules), les magasins (où sont vendues les formules) et le bureau (où l’on cogite à ce que l’on fera demain… comme formules !). Un travail de « 10 à 12 heures par jour, et des week-ends entiers », pour une jeune femme qui doit sacrifier les plus belles années de sa vie sur l’autel de la beauté féminine. Mala, comme tous les membres de la famille Rubinstein, est là pour effectuer les tâches « que d’autres avaient refusé ». « Être de la famille se payait cher […] » ! Aux côtés de Mme Rubinstein, « un professeur exigeant », Mala se fait tout oreille et glane tous les éléments qui pourront lui permettre d’être la meilleure de toutes.

Vive le DIY esthétique

Les cosmétiques Helena Runbinstein sont synonymes de luxe… mais pas que. Du moins dans les années 40. Le concept développé par la maison est la beauté pour toutes, avec l’idée que chacune est susceptible de devenir sa propre « esthéticienne ». Du DIY non pas en matière de produits utilisés, mais plutôt en matière de gestuelle et de pratique. Des leçons de maquillage et de soin qui sont proposés aux femmes aux revenus modestes, qui repartent chez elles avec un « colis-beauté » et la tête truffée de conseils pratiques.

A-bas le DIY cosmétique

Mala se montre assez sévère à l’égard des cosmétiques réalisés à partir d’ingrédients alimentaires. Si elle ne condamne pas le lait (en lotion), les « pétales de rose dans la baignoire », le jus de citron comme eau de rinçage des cheveux blonds, l’huile d’olive chaude pour la beauté des ongles, elle s’avère critique quant aux propriétés organoleptiques de ces produits faits maison, qui sont « désagréables au toucher, ne sentent pas très bon » et sont souvent irritants pour la peau. Elle pointe du doigt le problème lié à leur conservation, mettant en avant le fait qu’ils sont souvent jetés sans être employés ce qui constitue un « gaspillage » inacceptable. « Se faire soi-même ses produits de beauté nous ramène au temps de nos arrière-grands-mères ». Chronophage, cette activité de DIY n’est pas une activité à encourager et ce d’autant plus que l’on trouve sur le marché un très grand nombre de références bien plus performantes.

Vive le maquillage thérapeutique

Lors de la Seconde Guerre mondiale, Mala s’active en tous sens afin de trouver de nouveaux débouchés pour des produits cosmétiques qui ne sont plus jugés de première importance. Afin de ne pas laisser mourir l’entreprise, il s’agit d’être inventif et de s’adresser à toutes ces femmes qui, jusqu’à présent, restaient cantonnées dans leur foyer et passent maintenant sur le devant de la scène, en pleine lumière. Ces femmes, qui remplacent les hommes au bureau ou à l’usine, ne sont plus en coulisse. Elles désirent se former à l’art de plaire, de séduire, de diriger et pour ce faire Mala mouille la chemise, en allant, d’une usine de munitions à un hangar de l’aviation, porter la bonne parole cosmétique, sous la forme de conférences. Sur le terrain, elle touche les salariées en plein cœur, leur offrant tout le nécessaire pour une vie meilleure. Dans les instituts, il est également possible de suivre des formations accélérées permettant aux femmes de tous horizons d’apprendre en 5 jours à se mettre en valeur. Le « cours Miracle » fait merveille et permet, en quelques jours, de s’initier à l’art du maquillage, tout en étudiant les bases d’une alimentation saine et en découvrant les subtilités de la mode. Un stage de relooking, en somme. Les femmes, qui suivent ce stage, avouent, à la fin de la cession, qu’elles se sentent « plus minces, plus jolies, plus éclatantes » que lors de leur inscription. Un miracle… finalement. Un miracle qui a pour levier « l’estime de soi ». Un levier qui est poussé à fond les manettes et qui permet à chacune de retrouver un « moral au beau fixe », dans une période pourtant excessivement déprimante.

Il y a les femmes au travail pour lesquelles il est nécessaire de parfaire l’instruction cosmétique. Il y a aussi, les soldats qui sont rapatriés dans les hôpitaux américains et qui sont remis aux mains de Mala, afin d’adoucir les retrouvailles en famille ; impossible, en effet, pour ces soldats de montrer un visage brut à leurs parents. Les cicatrices doivent être masquées et pour cela, l’on demande à Mala de mettre « au point le maquillage spécial » et « nécessaire ». Un travail difficile, mais important pour Mala, qui en découvrant certains visages défigurés, doit prendre sur elle, afin de ne rien laisser paraître de son trouble. L’esthéticienne se retrousse alors les manches et s’occupe de ceux qui ont risqué leur vie pour elle. Beaucoup plaisantent lors des séances de « maquillage », cherchant à savoir comment il va être possible de vivre l’après.

Après cette période marquante de sa vie, et la guerre étant finie, Mala ne désertera pas pour autant les hôpitaux, dans la mesure où ses échanges avec les soldats blessés ont été instructifs. Désormais, pour Mala « la valeur thérapeutique des produits de beauté n’est plus à démontrer » ! Il suffit (mais c’est là tout le défi !) de partager cette notion fondamentale avec tous les acteurs de santé, afin de permettre à de nombreux malades de se sentir mieux. Pour Mala, dès lors qu’une personne fragilisée, quelle qu’elle soit, retrouve un intérêt pour son aspect physique… la guérison est en marche. « J’en ai eu la preuve à plusieurs reprises, au moment où je mettais au point des programmes de beauté pour malades mentaux, handicapés physiques, personnes en cours d’hospitalisation. »

Vive le maquillage correcteur

Le maquillage thérapeutique s’adresse aux personnes malades ou fragilisées. Le maquillage correcteur s’adresse aux personnes qui souhaitent masquer certains défauts physiques. Dans ce cas, on pratique le contouring,2 en jouant sur les ombres et les lumières. Un « habile maquillage » est susceptible d’exercer un effet trompe-l’œil.

Vive les faux-cils

Les faux-cils, la solution miracle pour un regard séduisant express. Mala nous confie une phrase-choc, émanant de l’une de ses clientes. « Une femme élégante me déclara un jour qu’après le droit de vote, la chose la plus merveilleuse qui lui soit arrivée avait été l’invention des faux-cils. » Une phrase dite, bien sûr, un subtil sourire ironique aux lèvres.

Vive le fond de teint sur les lèvres

Non, Mala ne rigole pas. Elle nous conseille ce mésusage, afin d’éviter que le rouge à lèvres utilisé ne file dans les petites rides transversales qui siègent autour des lèvres. Afin d’éviter cette catastrophe, Mala conseille de recouvrir le film de rouge à lèvres de fond de teint, puis de le poudrer, afin d’améliorer la tenue du rouge à lèvres en question.

Vive le bain dans la salle de bain

Pour Mala, le bain est l’acte cosmétique quotidien à ne pas rater. Bien sûr, nous dit-elle, la douche « est plus rapide », mais la beauté ne s’accorde pas avec la notion de vitesse. Pour se faire du bien, en suivant les modèles de la belle Hélène (ses esclaves couraient les collines grecques afin d’en remporter des brassées de fleurs odorantes destinées à parfumer son bain), de la magnifique Poppée (et de ses 500 ânesses destinées à produire le lait indispensable à ses bains exfoliants) ou de la sublime Cléopâtre (chaque bain est suivi d’une onction d’huile), la femme moderne doit se réserver un peu de temps dans la semaine pour s’embellir tout en se relaxant. Le bain est plus qu’un acte d’hygiène pour Mala, qui le considère comme un temps de repos de la peau, permettant l’application de divers soins, comme une « une crème nourrissante », qui verra son action potentialisée par « la chaleur ambiante ». Une crème anti-cernes, un masque « affinant »… autant de références qui doivent être appliquées à ce moment privilégié.

En cas de peau sèche, on fera couler, dans l’eau tiède du bain, une « huile parfumée » émolliente. Pour les peaux mixtes et grasses, on s’autorisera un bain moussant détendant. Les yeux fermés sous une compresse « d’herbes », on tentera de vider son esprit, avant de vider la baignoire. 10 minutes ! Voilà le temps nécessaire pour faire le vide en soi.

Ensuite, on se saisira d’un « savon très doux », afin de se laver de pied en cap. On se rincera. On usera d’une « pierre ponce », afin d’éliminer toute la corne, accumulée au niveau des « pieds, talons, coudes ». On s’essuiera, ensuite, sans se presser, avec une « sortie de bain », la plus moelleuse possible. En ce qui concerne, les restes de crèmes présentes sur la peau du visage, on les éliminera « à l’aide d’un kleenex » ! Reste à hydrater l’ensemble de son corps avec une « crème ou une lotion spéciale. »

Un peu « d’eau de toilette », de « talc » et le moment du bain s’achève dans un nuage parfumé et poudré.

Vive l’ombre des grands pins

Bains de soleil déconseillés par la prudente Mala, qui explique que l’on a démontré « scientifiquement que toute exposition au soleil est une cause majeure de vieillissement de la peau. » Les adeptes des bains de soleil risquent bien de se retrouver vers la cinquantaine la peau desséchée, tachée, abîmée.

Le soleil est, selon Mala, une « bombe à retardement », dont les effets se manifestent des années après le premier contact ! Pas très rassurant donc pour ses lectrices, qui se voient conseiller l’éviction solaire aux heures les plus sensibles et l’utilisation d’un « écran solaire efficace avant chaque exposition » inévitable. On est d’accord à un détail près. On ne parle plus d’écran solaire de nos jours, mais de produits de photoprotection.

Le livre de la beauté, en bref

Dans cet ouvrage, Mala se met dans la roue de sa célèbre tante. En tandem, ces deux professionnelles, nous offrent conseils et produits, afin de permettre « l’éclosion » de la beauté, en chaque femme. Un ouvrage à découvrir ou redécouvrir, tant il met les points sur les i au sujet d’un certain nombre de sujets toujours aussi sensibles.

Bibliographie

1 Rubinstein M., Le livre de la beauté, Hachette littérature, 1974, 222 pages

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/le-contouring-l-art-parietal-applique-au-maquillage-216/

 

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