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Les nouvelles parfumées d’Agatha Christie

> 10 juillet 2021

Les nouvelles parfumées d’Agatha Christie

Le mystère de Listerdale,1 c’est un recueil de nouvelles policières d’Agatha Christie, où l’on croise un lord philanthrope, un époux dans le style Barbe-Bleue, pas très fréquentable, un jeune fiancé, tout mou, qui devient un homme, un vrai, suite à une rencontre avec une femme séduisante de la haute société, une veuve noire redoutable, qu’il vaut mieux ne pas contrecarrer, une sténodactylo, qui cherche fortune, un auteur de roman policier, qui voudrait trouver l’inspiration et une somptueuse diva, qui prend son rôle trop au sérieux. Autant de personnages, de situations qui vont entraîner le lecteur dans un monde parfumé où la violette, la lavande et l’eau de Cologne se mêlent à des odeurs de drame, d’innocence ou de danger.

Le mystère de Listerdale, un doux parfum de lavande

Mrs Saint-Vincent est une veuve désargentée, qui a bien du mal à survivre décemment. Sa fille Barbara aimerait bien se fiancer à Jim Masterton, un jeune homme de la bonne société. Mais, par orgueil, elle rechigne un peu à lui faire découvrir son intérieur miteux. Le passé glorieux de la famille est comme un « parfum de lavande oublié » qui se rappelle, de temps en temps, aux narines des protagonistes de cette histoire. Un beau jour, une petite annonce qui propose la location d’une charmante demeure à un loyer vraiment dérisoire change la vie de Mrs Saint-Vincent et de ses enfants. Depuis la disparition de Lord Listerdale, sa maison est à louer... à louer à une famille de qualité ! Du coup, le fils Rupert, qui sortait avec une « blonde oxygénée », la « fille du marchand de tabac » (celle que Barbara regardait avec dédain) se remet à espérer en des jours meilleurs ; avec l’opulence retrouvée, de nouvelles exigences esthétiques se font jour. Et puis, le service dans la belle demeure est impeccable ; Quentin est un domestique stylé impeccable. Des fleurs sur la table, des fruits et des viandes savoureuses en abondance... tout cela est bien mystérieux.

Philomel cottage, un parfum de chrysanthème

Alix Martin (Melle King, selon son nom de jeune fille) est une petite sténodactylo qui se rend compte, du jour au lendemain, qu’elle s’est mariée, sur un coup de tête, un peu trop imprudemment, avec un tueur en série, qui liquide ses femmes, les unes après les autres, avec une belle régularité. Gerald Martin ou plutôt Gerald Lemaître de son vrai nom est une sorte de Barbe-Bleue qui n’est pas décidé à s’arrêter là. De quoi se trouver mal et d’être obligée de se faire bassiner les « tempes avec de l’eau de Cologne ». La chute vaut le détour !

La métamorphose d’Edward Robinson, un parfum de violettes

Edward Robinson est un jeune homme d’une grande faiblesse, amoureux fou d’une certaine Maud, à « la nuque blanche ». Jolie, intelligente et commandeuse, Maud a toutes les chances de porter la culotte dans le futur ménage. Oui, mais c’est sans compter l’aventure qui va arriver à Edward. La rencontre avec une « radieuse créature », aux « cheveux de jais », aux « merveilleuses lèvres rouges » et au « parfum de violettes » va modifier complètement la personnalité de celui qui, bientôt, ne sera plus un « mollusque », mais un homme fort, prêt à prendre sa vie (et celle de Maud) à pleines mains.

Accident, un parfum d’innocence

C’est certain, l’ex-inspecteur Evans a bien reconnu, en Mrs Merrowdene, une certaine Mrs Anthony, une veuve noire, particulièrement venimeuse. Mariée à George Merrowdene, un ancien professeur de chimie, la criminelle dispose de tous les poisons nécessaires pour arriver à ses fins. Etonnant, pourtant... Cette personne est une jolie femme, aux yeux bruns, à laquelle on donnerait le bon Dieu sans confession. « Sa coiffure en bandeaux accentuait son type de madone. » Si elle vous propose un café, franchement mieux vaut refuser !

Jane cherche une situation, un parfum de danger

Jane Cleveland, une jeune femme âgée de 25 à 30 ans, aux cheveux « blond pâle » et « aux cils et sourcils noirs » est sans le sou, sans profession, sans espoir... jusqu’à ce qu’elle tombe sur une curieuse annonce. On recherche le sosie de la grande-duchesse Pauline. Devant l’hôtel où se fait l’audition des prétendantes, une longue file de jeunes filles qui se poudrent « le nez et se rougissent les lèvres » s’étire sur le trottoir. Banco ! Jane décroche le poste. Pour le reste, bonjour les ennuis !

L’aventure de Mr Eastwood, un parfum de concombre

Anthony Eastwood, un auteur de romans policiers, rêve de sa future héroïne ; elle s’appellera Sonia ou Dolorès, aura la « pâleur de l’ivoire » et se retrouvera au cœur d’une machination dont le nom de code pourrait bien être « concombre » !

Chant du cygne, un parfum de tragédie

Mr Cowan, l’imprésario de Mme Nazorkoff, est très artificiel. « Rasé de près » (de trop près), de « mise trop soignée », avec des « cheveux très noirs » (trop noirs ?), des « dents d’une blancheur agressive », cet homme n’a pas la cote avec Agatha. La diva qu’il représente est capricieuse comme cela va sans dire, flamboyante avec une chevelure teinte au henné, pour un effet « saisissant ». « La plus grande soprano dramatique » de son époque, celle qui se cache derrière une chevelure incandescente, excelle dans le rôle de la Tosca, un poignard à la main. Et si ce n’était pas du jeu ?

Le mystère de Listerdale, en bref

L’occasion de croiser, de rencontrer de sinistres individus, de douces victimes, des récidivistes, des inspecteurs, trop clairvoyants, mais malchanceux... tout cela dans un parfum qui mêle fragrances florales et notes lourdes comme le plomb...

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour... dont on sent de loin les effluves !

Bibliographie

1 Christie A., Le mystère de Listerdale, Librairie des Champs-Elysées, 1963, 189 pages

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