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La fièvre cosmétique, une folie douce qui fait rêver les jeunes filles bardées de diplômes !

> 03 juin 2023

La fièvre cosmétique, une folie douce qui fait rêver les jeunes filles bardées de diplômes !

Il s’en passe de bonnes dans les cliniques psychiatriques, nous apprend Francis Scott Fitzgerald, dans une nouvelle intitulée Cauchemar : une fantaisie en noir.1 Il y est question de quatre frères (les Woods), internés de manière abusive, pour des raisons financières. Les malheureux ont eu la mauvaise idée de vouloir léguer leur fortune à la clinique, à leur mort !

L’un coupe tous les cheveux qui passent à portée de ses ciseaux, les autres se prennent pour des chefs de gare. Le quatrième voit juste poindre les prémices de la folie.

La folie coiffeuse…

On connaît la fièvre acheteuse (et on en reparlera d’ici peu). Fitzgerald nous fait découvrir la fièvre coiffeuse qui pousse celui qui en souffre à couper les cheveux de tous ceux qu’il rencontre. « Et voici que maintenant Mrs Miller joue au bridge... Si je pouvais me glisser derrière elle avec une bonne paire de ciseaux et lui couper une douzaine de ses anglaises grises, cela ferait de beaux souvenirs et elle n’en serait que moins laide. »

La folie strip-teaseuse

Mr Kirkjohn, quant à lui, ne peut pas croiser Miss Shafer sans vouloir se dépouiller entièrement de ses vêtements. Très coquet, ce monsieur est « parfumé et impeccable ». Il aime, entre autres, à se brosser les cheveux « devant son miroir » !

Miss Kay Shafer et son rêve de fièvre acheteuse

La fille du Professeur Shafer, le chef de la clinique psychiatrique, décrite par Fitzgerald, est médecin. Très attentive à ses malades, Miss Shafer n’en reste pas moins une jeune fille de 23 ans, pleine de vie et curieuse du monde extérieur. Elle est méprisée de son collègue, le Dr Vincintelli (celui-ci réprouve son « humeur plus centrifuge que centripète »), du fait de ce caractère « centrifuge » qui la conduit à se soucier plus des autres que d’elle-même !

Cette attitude « centrifuge » lui pèse, pourtant, parfois. Kay aimerait, après tout, être une jeune fille comme les autres, une jeune fille aimant les babioles et les cosmétiques. Elle aurait voulu entrer dans une boutique pleine de bibelots tout à fait inutiles et infiniment décoratifs - éléphants en ivoire, bracelets maures, boucles d’oreilles, oui, et même des anneaux de nez - et pouvoir dire : « Je vais prendre ça », « Et puis ça », « Et encore ça ». « Elle aurait voulu dévaliser le rayon Cosmétiques d’un drugstore, et parler de banalités à des hommes qui l’auraient trouvée jolie à regarder plutôt que compétente. »

Peter Woods et son rêve de liberté

Ses deux frères une fois internés, Peter Woods, l’aîné de la fratrie, banquier de son état, sent sa raison lui échapper. On ne sait pas bien ce qui se met à ne plus tourner rond, mais, ce qui est sûr, c’est qu’il n’a pas frappé à la bonne porte. En effet, ses frères ont fait donation de leur fortune à la clinique du Pr Shafer, afin de promouvoir « ses recherches ». Si Peter est interné lui aussi, c’est le Jackpot pour le Dr Vincintelli ! Aussi, celui-ci ne se prive-t-il pas de passer la camisole de force à cet homme sans défense. Au lieu de prescrire un petit traitement anodin, le psychiatre peu éthique se lance dans un grand lavage de cerveau !

Et puis également des bains thérapeutiques… « Le banquier Peter Woods avait été solidement attaché à une sorte de hamac qu’on avait plongé dans un bain chaud à des fins médicales. ». Bien ligoté, Peter est mis à tremper dans l’eau d’une baignoire placée dans une « pièce tapissée de liège » ! Pas sûr que sa raison arrive à surnager dans ces conditions…

Cauchemar : une fantaisie en noir, en bref

Miss Shafer arrivera à faire évader Peter Woods, en intimant l’ordre à Mr Kirkjohn de se déshabiller… Quel bonheur pour ce dernier ! Quel bonheur aussi pour Peter qui récupère ainsi des vêtements civils, lui permettant de fuir ! Fuir avec la jolie Miss Shafer… le bonheur. Le bonheur coule à flots dans cette nouvelle qui nous promettait du « noir » ! Rassurons-nous, les frères Woods vont échapper aux griffes du vilain Dr Vincintelli… C’est le coiffeur de Francis Scott Fitzgerald qui lui a raconté cette histoire !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Fitzgerald F.S., Cauchemar : une fantaisie noire in Je me tuerais pour vous et autres nouvelles inédites, Grasset/Fayard, 2018, 520 pages

 

 

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