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L’ogresse, quel appétit pour les cosmétiques !

> 16 mars 2024

L’ogresse, quel appétit pour les cosmétiques !

L’ogresse, pour Irène Némirovsky, est une femme qui projette sur ses enfants ses désirs les plus profonds et les envoie illico au tombeau.1 Chez Irène, la mère de famille est toxique ! Toxique et peinturlurée, c’est comme cela qu’on la reconnaît !

L’ogresse, une femme peinturlurée

Il s’agit d’une femme croisée dans une ville d’eau. Une forte femme « peinte à la manière des femmes vieilles qui depuis longtemps ont renoncé à plaire, et qui se fardent, sans conviction ni plaisir, uniquement par habitude ou par convenance. Je me souviens du rouge groseille sur ses lèvres qui faisait ressortir davantage la moustache légère au-dessous de son nez. »

Lorsqu’elle évoque ses souvenirs douloureux, l’ogresse fait attention à ne pas faire couler le rimmel sur ses joues. « Elle poussa un soupir rauque, puis s’essuya le coin des yeux avec un petit mouchoir ; elle épongeait ses larmes avec beaucoup de précaution, comme on recueille au coin d’un buvard des gouttes d’encre encore fraîches ; elle craignait de faire couler la peinture de ses cils. »

L’ogresse aurait aimé pouvoir brûler les planches. Elle ne l’a pas pu. Ce sont ses filles qui devront prendre le relais ! Obligatoirement !

L’ogresse, une femme toujours fardée

Dans son grand sac, l’ogresse conserve des lunettes, un jeu de cartes, un chapelet, « une petite main de corail contre le mauvais œil, une boîte de fards, des pastilles pour la gorge » et une photo de sa fille Noëlle, morte prématurément de la poitrine, une « phtisie galopante ». Une fille de santé fragile, sortie par tous les temps, carrière oblige !

La mère de Noëlle Givre, chanteuse d’opérette

L’ogresse est donc la mère de Noëlle Givre. Elle le clame haut et fort, à qui veut bien l’écouter. Cette femme a soigné Noëlle, avec soin, jusqu’à sa mort. Sa chevelure extraordinaire, son « manteau d’or », c’est à l’ogresse qu’on le doit. Elle nous le dit : « Je les lavais toutes les semaines avec de la camomille allemande pour leur garder leurs beaux reflets naturels. »

L’ogresse, en bref

Après Noëlle, Edith… L’ogresse veut à tout prix que l’une de ses filles soit en tête d’affiche. Quitte à les tuer à l’ouvrage. Cruelles, fardées, peinturlurées, superficielles, telles sont les mères, chez Irène Némirovsky !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Némirovsky I., L’ogresse in Dimanche et autres nouvelles, Stock, 2005, 371 pages

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