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Isabelle Guyomarch, entre coups de poings et gestes plein de douceur

> 30 juin 2019

Isabelle Guyomarch, entre coups de poings et gestes plein de douceur

Lire l’autobiographie « Combattante » d’Isabelle Guyomarch, c’est plonger en plein combat de boxe. Dans le monde des affaires, Isabelle a appris à « prendre des coups » et surtout à « les rendre ». Son combat, il s’exerce ou s’est exercé contre le regard des autres (une femme à la tête d’une entreprise, vraiment, vous y croyez ?), contre la maladie (un cancer du sein agressif qui vous enlève d’un seul coup toute vision sereine de l’avenir et semble vous dire, voilà, c’est la fin du chemin !), combat pour faire le tri entre les vrais amis et ceux qui s’envolent dès que les premières difficultés apparaissent à l’horizon (sans parler de ceux qui, pour se rassurer, cherchent les causes de votre maladie et dressent un mur protecteur autour d’eux ; « Trop de travail, trop de stress, trop de fêtes, trop de cigarettes, trop de TOUT. » Non, vraiment le cancer ne risque pas de m’arriver, car, moi, je suis raisonnable en TOUT), combat contre des associés qui scrutent votre visage et supputent froidement le temps qu’il vous reste à vivre, en se frottant déjà les mains dans la perspective des bénéfices à venir lorsqu’ils auront vendu leurs parts au plus offrant, combat pour la vie (car ce n’est pas un cancer même agressif qui est susceptible de venir à bout d’une volonté de fer qui a jusqu’à présent tout fait plier devant elle), combat pour l’amour dans son couple (celui-ci sera-t-il assez solide pour tenir dans la tourmente ?), combat pour ses filles (d’abord tout mettre en œuvre pour les placer en situation d’autonomie, les mettre à l’abri du danger au cas où...), combat pour les autres femmes qui vont subir le même calvaire, combat pour conserver sa féminité lorsque le corps est réduit à un objet d’étude scientifique, combat pour tous ses salariés, ceux qui sont en bonne santé et ceux qui sont en lutte contre « le crabe ».

Oui, il existe bien deux Isabelle, celle d’avant (une Isabelle brune, fière de sa longue natte de cheveux qui fait l’admiration de tous) et celle d’après (une Isabelle blonde platine, aux cheveux coupés courts). Le cancer est un mal, soit... mais Isabelle veut voir en lui « un mal pour un bien ».

L’Isabelle d’avant est une femme qui prend soin de sa ligne. Depuis l’âge de 16 ans, et malgré deux maternités, elle conserve le même poids de forme, « Beaucoup de sport, du plaisir à courir, à danser », « à se sentir vivante ». Cette Isabelle-là a du mal à tenir dans un album photographique ; elle est belle en mouvement et ne tient pas en place. Elle a été éduquée dans l’idée qu’une femme doit être autonome et ne doit pas dépendre d’un homme (Tiens, ça nous dit quelque chose !). Cette notion, elle l’a transmise très vite à ses filles qui se sont dirigées, l’une vers des études commerciales, avec un temps d’expatriation au Canada le temps de soutenir une thèse, l’autre vers des études d’esthétique, avec une mise en pratique de son savoir-faire dans la belle station balnéaire de La Baule.

En 2001, à 21 ans, Isabelle est déléguée commerciale pour le laboratoire AMGEN. Elle s’est mariée jeune avec Philippe et en a eu deux filles, Cécile alors qu’elle n’a que 22 ans et Lisa, 3 ans plus tard. Le couple a fonctionné comme une bonne petite entreprise pendant 14 ans, une vie millimétrée où chacun connaît ses droits et ses devoirs. Mari et femme partent de « rien » ou presque et ne veulent pas en rester là. Isabelle et Philippe vivent « côte à côte », se soutiennent, s’encouragent. Isabelle a une « ambition insatiable » et sait que Philippe est là pour l’aider dans ses rêves. Elle n’est pas du genre à hésiter. Lorsqu’une décision est prise, elle va jusqu’au bout. C’est ainsi qu’elle décide, à la stupeur des médecins, de se faire retirer l’utérus, elle qui ne tolère ni pilule ni stérilet, afin de devenir « l’égale des hommes ». Sa carrière roule comme sur des roulettes ; son « ascension est fulgurante ».

Puis, il y a la rencontre avec Bruno, en avril 2003, à l’occasion d’un rendez-vous professionnel. Un univers aseptisé, drôle d’endroit pour une rencontre ! Pourtant l’alchimie opère tout de suite et le contact professionnel de la directrice commerciale de la société AMGEN, « leader mondial en matière de biotechnologie », en quête de conférencier de prestige, se transforme en coup de foudre partagé. Le brillant néphrologue qui n’est pas du genre à s’apitoyer sur lui ou sur son entourage convient parfaitement à la femme qui est bien décidée « à conquérir le monde ». Avec lui, Isabelle regarde « droit devant » et pressent que Bruno est l’homme de sa vie. Le divorce avec Philippe est un divorce à l’amitié qui se passe bien. Philippe acceptera même de laisser son nom à son ex-femme lorsque le divorce sera effectif. Avec Bruno, une seconde vie commence, celle d’une famille recomposée comptant désormais 5 enfants. En 2008, Isabelle se lance dans l’univers cosmétique et dit adieu à sa fonction dorée au sein de AMGEN (Au revoir la belle jaguar de fonction !). Trop de train-train. Tournons la page. Depuis qu’elle a vu dans une ancienne usine Moulinex une « gigantesque machine » permettant de réaliser des savons, Isabelle met des bulles dans tous ses rêves...et cherche à se glisser dans l’univers fermé de l’industrie de la beauté. Elle regarde les petites annonces et se met à l’affût afin de débusquer la meilleure affaire possible. La bonne affaire porte le nom de CCI productions. A la tête de celle-ci, Isabelle se retrouve maîtresse de 2 sites industriels de 20 000 mètres carrés, l’un situé à Acquigny, l’autre à Angers. Elle travaille pour les grands noms de la cosmétologie, en tant que façonnier. Elle est aidée dans sa tâche par des associés qui lui font découvrir les ficelles du métier, ceux-là même qui chercheront à lui jouer un mauvais tour lorsque la maladie frappera à sa porte. C’est la découverte de la vie de patron et la nécessité de « remplir le costume ». Isabelle découvre le job et s’amuse comme si elle était perpétuellement en train de jouer sa vie au poker. Elle apprend à ruser, à donner l’impression d’avoir toujours de bonnes cartes dans son jeu. Derrière ses lunettes de soleil, Isabelle cultive le secret et est bien décidée à gagner la partie. Le travail est harassant mais qu’importe... Isabelle n’est pas du genre à compter ses heures.

Le 26 août 2013, les vacances s’achèvent dans un goût de larmes. Isabelle puise en elle les forces nécessaires pour « affronter » la tumeur qui s’est développée sournoisement à ses dépens. 

Pour rencontrer le chirurgien qui va l’opérer, Isabelle s’est préparée comme pour un rendez-vous amoureux, une « robe rose, parsemée de cœurs blancs », une paire de chaussures blanches à talons hauts pour dominer la situation, un string, un maquillage soigné, du rimmel sur les cils et une peau bronzée pour l‘effet bonne mine. Le chirurgien qui en a, pourtant, vu d’autres en tombe de son tabouret d’examen. Isabelle n’est pas une patiente comme une autre... il va falloir s’y faire.

A l’usine, Isabelle décide tout d’abord de cacher son cancer, puis elle finit par dévoiler la vérité à ses salariés qui posent alors sur elle, un regard plein de bienveillance.

Isabelle sait ce qui l’attend, mais entre savoir et expérimenter par soi-même il y a un monde. Cette guerrière n’hésite pas à porter le casque réfrigérant qui est présenté comme permettant d’éviter, dans certains cas, la chute des cheveux liée à la chimiothérapie. Anticipant un éventuel échec, elle se rend chez son coiffeur Eric qui a toujours été là pour magnifier sa chevelure et lui faire des « brushings de star » ; ce jour-là, c’est une coupe courte qui lui est réclamée ! Le 26 octobre 2013, Isabelle perd ses cheveux à l’occasion d’une douche. Elle découvre alors dans un institut spécialisé des accessoires, foulards et chapeaux qui vont lui permettre de masquer son crâne désormais chauve... aussi chauve que celui de Bruno !

Les effets indésirables sont bien au rendez-vous. Nausées, troubles digestifs, infections au niveau buccal à type de mucite qui transforme les repas en véritable calvaire, « goût de fer » dans la bouche, chute des cils et des sourcils, ongles cassants qui explosent au moindre contact et vous quittent à l’ouverture d’un flacon de gel douche ou au moment de boucler une fermeture-éclair. Le monde n’est pas fait pour un malade atteint d’un cancer. Les angles sont trop durs, il faudrait les adoucir pour pouvoir continuer à vivre. C’est Cécile qui va se charger d’arrondir les angles et de créer, pour sa maman, une bulle de douceur. Elle commence par confectionner, avec amour, des boîtes composées de produits cosmétiques, en recherchant les produits de soin et d’hygiène les plus indiqués, puis elle démissionne de son poste d’esthéticienne et vient s’installer auprès de sa maman, afin de pratiquer des soins de nursing, pour atténuer, autant que possible, le mal-être maternel. Lorsqu’Isabelle baisse les bras, Cécile est là pour prendre le relais. Avec ses doigts de fée, elle apaise ; avec douceur, elle réalise modelage et soins variés.

Peu à peu l’idée de sortir de l’ombre - un façonnier est inconnu du grand public et travaille pour le compte des grands noms sans jamais être cité - germe dans l’esprit d’Isabelle qui décide de « créer une marque de cosmétiques novatrice adaptée aux traitements contre le cancer ». Elle sait très bien les limites des produits présents sur le marché et souhaite mettre au point des cosmétiques faciles d’emploi (pitié pour les ongles qui se cassent sur les systèmes d’ouverture inadaptés !) et bien tolérés par une peau qui semble refuser tout ce qu’on lui propose. Des ingrédients zéro défaut évidemment... Pas de filtre UV sans intérêt (tiens nous ne sommes pas les seules à partir en guerre contre cette véritable manie qui consiste à introduire des filtres UV à tort et à travers dans tous les cosmétiques du quotidien). Isabelle est exigeante et pourrait être appelée Mme Véto par son entourage professionnel. Elle refuse bon nombre de projets... Pas assez « clean », pas assez innovant, qualité pas au top... Non ! Trouvez autre chose ! En matière de conditionnement, on choisira le meilleur et surtout pas un matériau douteux bas de gamme qui relargue ses monomères à chaque coin de salle de bain. C’est en cherchant « toujours mieux » que l’on est sûr de plaire au patron !

La rencontre avec Anne-Sophie Tuszynski, créatrice de l’association cancer@work destinée à prendre en charge l’intégration des malades au sein des entreprises est une révélation. Isabelle veut s’investir dans une nouvelle vision de l’entreprise, plus humaine. A la crise des gilets jaunes, Isabelle répond avec une vague rose, celle qui porte le nom d’Ozalys (sa gamme en nom propre qui tire son nom de « Isa et Lise osent ») et qui est en vente directe depuis le 6 octobre 2017.

Ce « bon petit soldat », décoré « chevalier de la légion d’honneur », devant l’ensemble de ses salariés, par le Colonel Georges Durand, à Rouen, le jour même du lancement de sa gamme Ozalys, a vu son travail récompensé par de nombreux prix (les prix, on les gagne tous, nous a-t-elle confié lors d’un entretien).

Championne de boxe, guerrière, combattante, joueuse de poker professionnelle, Isabelle Guyomarch est une femme qui a cultivé pendant 3 ans le secret, le temps de mettre au point une gamme cosmétique originale ; elle amorce désormais la deuxième étape de sa stratégie marketing et se retrouve désormais en pleine lumière. Cela n’a pas vraiment l’air de lui déplaire. On ne peut qu’encourager son combat pour la douceur, pour le bien-être des femmes souffrant de cancer, pour un monde qui redessine les contours de notre milieu environnant et lui prête plus de rondeur, plus de délicatesse, plus de bienveillance.

Alliée aux mains de la socio-esthéticienne, les produits Ozalys sont prêts à conquérir les services hospitaliers, à conquérir le monde entier !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette évocation en image de la battante en rose qu'est Isabelle Guyomarch !

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