Green cosmétiques, des cosmétiques dont le concept mérite de mûrir !
La notion de cosmétiques « green » (autrement dits verts) fait l’objet de nombreuses publications dans le domaine scientifique, sachant que ce sont les pays les plus gros pollueurs (Chine, Inde…) qui semblent s’intéresser le plus à ce concept.1 Sans garde-fous pour l’instant, cette notion de cosmétiques bon pour la santé, bon pour la planète laissée entre toutes les mains inquiètent certains toxicologues, qui proposent la mise en place d’un éco-score, afin de vérifier que toutes les affirmations relatives au respect de l’environnement concordent avec la réalité éco-toxicologique.2
Ces cosmétiques « green », que peut-on en dire, que contiennent-ils, que faut-il en penser ?
Durabilité, naturalité, la quête du moment !
Si le public met la notion de « durabilité » (c’est-à-dire « la satisfaction des besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins », selon la définition des Nations Unies)3 sur la première marche du podium de ses envies cosmétiques, la notion de « naturalité, d’ingrédients biologiques » vient en deuxième, avant les notions de « soin », « d’éthique, d’e-commerce, de beauté sociale, de personnalisation et de sécurité ». Les mots qui devront donc être employés par les acteurs du secteur pour « réussir » sont donc les mots « durabilité » et « naturalité ».4
Si la notion de cosmétique green est mise en avant et peut faire vendre, il n’est pas inutile, tout de même, de renforcer l’attractivité du produit en ayant recours à une « célébrité » suffisamment populaire et en adéquation avec le concept pour renforcer la légitimité du produit en question.5 La greenitude ne fait pas tout !
Mais un cosmétique naturel, bio, green c’est quoi ?
Aucune définition officielle. Des organismes certificateurs qui, comme leur nom l’indique, certifient que le produit répond à leurs exigences en matière de naturalité (% en matières premières naturelles)6 ou d’obtention via une agriculture biologique. Et puis des normes ISO qui, par de savants calculs,7 permettent d’attribuer à tout ingrédient présent sur la planète et dans la formule un degré de naturalité plus ou moins élevé.
Quant aux cosmétiques « green »… ils génèrent, nous dit-on, des flux d’argent de l’ordre de 22 milliards… de dollars,8 sans pour autant que l’on sache exactement ce qui se cache derrière ce sapin vert ! Une forêt de cosmétiques plus ou moins naturels… sans aucun doute !
Des hydratants naturels, fastoche…
Si l’on veut mettre au point un cosmétique hydratant basant sa communication sur son caractère « green », rien de plus simple, il suffit d’ouvrir le tiroir qui contient les émollients lipophiles et d’y faire son choix. Un choix qui se fait entre des ingrédients exotiques que l’on ne trouve pas à la porte de chez nous (comme le beurre de karité, de cacao, de cupuaçu, de mangue, les huiles de noix de coco, de palme, d’argan…) ou bien des huiles susceptibles de venir du coin du champ voisin (huiles de colza, de tournesol, de pépins de framboise).4
Certaines huiles végétales ont particulièrement le vent en poupe dans les cosmétiques verts ; il s’agit, par exemple, de l’huile de figuier de Barbarie,9 qui ne demande que peu d’eau pour se développer et correspond à une plante envahissante,10 facilement exploitable, offrant des autoroutes d’argumentaires marketing aux services en question !
D’autres ne sont pas très connus et feront hurler les vegan. Il s’agit par exemple des protéines de pupes de vers à soie (sous-produits de la sériciculture) qui, utilisées à la dose de 1 à 2 %, rivalisent avec du collagène utilisé à la dose de 3 %.11
Des polymères naturels, fastoche
Afin de remplacer des polymères de synthèse à type de microplastiques, il est possible d’obtenir par biotechnologie des nanocelluloses ou d’autres polymères susceptibles d’être utilisés comme agents épaississants/gélifiants pour diverses applications cosmétiques.12,13
Il est également possible d’extraire de l’amidon, à partir de différentes souches végétales et de le rendre poreux par des techniques physiques ou enzymatiques, permettant ainsi son emploi comme fixateur de parfum.14
Des biotensioactifs ou pas de tensioactifs du tout, plus ou moins fastoche
En matière de recherche de biotensioactifs, le milieu végétal est mis à contribution, afin de fournir des molécules susceptibles d’être obtenues à partir d’un matériel renouvelable et à faible coût.15
D’autres chercheurs, quant à eux, tentent de résoudre le problème des tensioactifs (de synthèse !) en les éliminant des formules, sans pour autant dire bye bye aux émulsions. Ils utilisent par exemple des protocoles particuliers de fabrication en utilisant des ultra-sons16 ou des ingrédients particuliers comme ceux utilisés pour réaliser des émulsions de Pickering.17,18
Des actifs anti-âge, fastoche
Extraire du milieu naturel des actifs anti-radicalaires à effet anti-âge est un jeu d’enfant. Il n’y qu’à se baisser pour ramasser une plante halophile comme la salicorne, renfermant des polyphénols aux actions cutanées variées.19 Idem pour le pois d’Angole.20 Idem pour toutes sortes d’autres végétaux.
L’idéal restant, évidemment, de cibler un déchet de l’industrie agro-alimentaire et d’en extraire les composés phytoactifs, en utilisant une méthode d’extraction verte (par exemple, en ayant recours aux résidus de houblon provenant des brasseries et en les traitant avec un mélange d’eau et de propane-diol, dit « 100 % végétal »).21
Des filtres UV, plutôt cloche
Il n’est pas possible de lire sous la plume de scientifiques que « l’aloe vera, le thé vert, l’huile de coco, les pépins de raisin et le gingembre contiennent des composés phytochimiques qui préviennent le photovieillissement et le cancer de la peau ».4 Ce genre de propos (non ni l’aloe vera, ni le thé vert, ni l’huile de coco ni le gingembre ne sont des filtres UV !) tombe régulièrement dans l’oreille d’entrepreneurs qui veulent, sans pour autant posséder les connaissances de base nécessaires, se lancer dans la formulation de produits solaires, en se décrétant expert du domaine !
A en croire certains, les filtres UV sont partout et peuvent être extraits aussi bien d’une framboise que d’un résidu de culture de champignons22 ou d’une culture de microalgues.23
Reste à purifier les molécules absorbant dans le domaine UV et à les faire rentrer dans l’Annexe VI du Règlement (CE) N°1223/2009 qui établit la liste des filtres UV admis dans les cosmétiques. Tant que cela ne sera pas fait, on pourra dire que toutes les publications s’y rapportant sont frappées de stérilité. On rappellera au passage l’avis de fabricant émanant de l’ANSM (2017) qui rappelle qu’un produit solaire, pour être baptisé ainsi, doit contenir dans sa composition des filtres UV réglementés.
Et puis pourquoi pas des médicaments verts ?
Avec, par exemple, des extraits de galanga ou de gingembre à effet anti-acnéique ?24
Et un acte d’achat plus ou moins rationnel !
Selon Oliver, le premier achat d’un produit se fait de manière rationnelle, du fait de l’attirance pour un concept particulier (la fidélité cognitive). Dans le cas précis, pour la notion de cosmétique vert, on reliera celui-ci à la notion de santé. Le deuxième achat confirme le premier, du fait d’une primo-expérience réussie (fidélité émotionnelle). Les achats suivants seront un écho à cette deuxième expérience positive (fidélité intentionnelle). Ensuite, on pourra considérer que tout est gagné, car l’émotion déclenchera l’achat ad libitum et ce malgré les critiques faites par d’autres personnes à l’encontre du produit-chéri (fidélité actionnelle).25 Un bonheur éco-responsable est à la clé !26
Ce que l’on pourrait faire remarquer c’est que le premier achat se fait de manière rationnelle, c’est-à-dire en se basant sur la réflexion, le bon sens. On achète un cosmétique « green » car on souhaite à la fois préserver sa santé et la santé de la planète. Rien de plus rationnel. Ce qui l’est moins… c’est de se baser uniquement sur cet appel du pied fait par l’industriel en faveur d’un cosmétique naturel qui serait plus sain et plus respectueux de l’environnement que le cosmétique concurrent qui ne met pas en avant sa naturalité. Et là, subitement, on convertit du rationnel en irrationnel, car on semble ignorer que certaines substances présentes dans la nature ne sont pas si sympathiques que cela. Il suffira à ce sujet d’évoquer les phyto-œstrogènes de houblon,27 de la vigne,28 du soja29… Et puis penser que le fait d’apposer, simplement, un logo ou une mention correspondant à un niveau de naturalité est suffisant pour donner confiance est quand même assez naïf !
Enfin, si l’on réussit à déclencher l’achat de manière rationnelle (même si ce rationnel est irrationnel !), faut-il encore avoir travaillé la qualité sensorielle du produit,30 afin de procurer une émotion durable !
Les cosmétiques green, nous en font voir des vertes et des pas mûres
Ce concept de cosmétiques green est un peu acide. Il a tendance à faire grincer les dents, dans la mesure où chaque société met sous ce vocable ce qui lui convient le mieux. Sachant que cette mention est un argument de vente qui n’est basé sur rien de rationnel, il serait temps de faire prendre de l’âge à ce concept relativement récent, afin qu’il arrive à donner le meilleur de lui-même. Des cosmétiques sains (pour l’Homme et donc logiquement pour son environnement)… un concept qui date de 1975, lorsque la loi Veil a mis la sécurité du consommateur au premier plan de nos préoccupations. A mûrir !
Bibliographie
1 Mamta, Prakash G. Publication trends and green cosmetics buying behaviour: A comprehensive bibliometric analysis. Heliyon. 2025 Jan 2;11(2):e41513. doi: 10.1016/j.heliyon.2024.e41513
2 Guillaume M, Guillemin L, Pirnay S. Rising consumer demand for green cosmetics: The necessity of an ecotoxicological score in the cosmetic industry. Int J Cosmet Sci. 2025 Feb 11. doi: 10.1111/ics.13051
4 Dini I, Laneri S. The New Challenge of Green Cosmetics: Natural Food Ingredients for Cosmetic Formulations. Molecules. 2021 Jun 26;26(13):3921
5 Lili Z, Al Mamun A, Hayat N, Salamah AA, Yang Q, Ali MH. Celebrity Endorsement, Brand Equity, and Green Cosmetics Purchase Intention Among Chinese Youth. Front Psychol. 2022 Mar 7;13:860177
6 https://www.ecocert.com/fr-FR/secteurs-activite/cosmetique
8 https://esw.com/fr/le-marche-des-cosmetiques-green-en-chiffres/
9 Timpanaro G, Cascone G. Consumer behavior and sustainability: Exploring Italy’s green cosmetics market with prickly pear seed oil. Heliyon. 2025 Jan 25;11(3):e42233
11 Susirirut P, Thitipramote N, Chaiwut P. Simultaneous Extraction of Oil and Protein from Silkworm (Bombyx mori L.) Pupae (Lueng Parroj var.) and Their In Vitro Skin Moisturization. Molecules. 2023 Oct 11;28(20):7032
12 Almeida T, Silvestre AJD, Vilela C, Freire CSR. Bacterial Nanocellulose toward Green Cosmetics: Recent Progresses and Challenges. Int J Mol Sci. 2021 Mar 11;22(6):2836
13 Tafuro G, Costantini A, Baratto G, Francescato S, Semenzato A. Evaluating Natural Alternatives to Synthetic Acrylic Polymers: Rheological and Texture Analyses of Polymeric Water Dispersions. ACS Omega. 2020 Jun 15;5(25):15280-15289
14 Yaowiwat N, Poomanee W, Leelapornpisid P, Sripatanakul W. Potential use of Thai mango (Mangifera indica Linn. cultivar Chok-Anan) seed porous starch for retention of aroma compounds from coffee extract. Int J Biol Macromol. 2024 Apr;265(Pt 2):131033
15 Nasser M, Sharma M, Kaur G. Advances in the production of biosurfactants as green ingredients in home and personal care products. Front Chem. 2024 Mar 26;12:1382547
16 Kichou H, Caritá AC, Gillet G, Bougassaa L, Perse X, Soucé M, Gressin L, Chourpa I, Bonnier F, Munnier E. Efficiency of emulsifier-free emulsions in delivering caffeine and α-tocopherol to human skin. Int J Cosmet Sci. 2023 Jun;45(3):329-344
18 Sharkawy A, Casimiro FM, Barreiro MF, Rodrigues AE. Enhancing trans-resveratrol topical delivery and photostability through entrapment in chitosan/gum Arabic Pickering emulsions. Int J Biol Macromol. 2020 Mar 15;147:150-159
19 Correia A, Silva AM, Moreira MM, Salazar M, Švarc-Gaji? J, Brezo-Borjan T, Cádiz-Gurrea ML, Carretero AS, Loschi F, Dall’Acqua S, Delerue-Matos C, Rodrigues F. Salicornia ramosissima: A New Green Cosmetic Ingredient with Promising Skin Effects. Antioxidants (Basel). 2022 Dec 12;11(12):2449
20 Tungmunnithum D, Drouet S, Lorenzo JM, Hano C. Green Extraction of Antioxidant Flavonoids from Pigeon Pea (Cajanus cajan (L.) Millsp.) Seeds and Its Antioxidant Potentials Using Ultrasound-Assisted Methodology. Molecules. 2021 Dec 13;26(24):7557
21 Paredes-Ramos M, Conde Piñeiro E, Lopez Vilariño JM. Brewers’ spent hop revalorization for the production of high added-value cosmetics ingredients with elastase inhibition capacity. Sci Rep. 2022 Dec 21;12(1):22074
22 Pintathong P, Chomnunti P, Sangthong S, Jirarat A, Chaiwut P. The Feasibility of Utilizing Cultured Cordyceps militaris Residues in Cosmetics: Biological Activity Assessment of Their Crude Extracts. J Fungi (Basel). 2021 Nov 16;7(11):973
23 Najafi A, Heidary M, Martinez RM, Baby AR, Morowvat MH. Microalgae-based sunscreens as green and sustainable cosmetic products. Int J Cosmet Sci. 2024 Sep 18. doi: 10.1111/ics.13019
24 Na Nongkhai T, Maddocks SE, Phosri S, Sangthong S, Pintathong P, Chaiwut P, Chandarajoti K, Nahar L, Sarker SD, Theansungnoen T. In Vitro Cytotoxicity and Antimicrobial Activity against Acne-Causing Bacteria and Phytochemical Analysis of Galangal (Alpinia galanga) and Bitter Ginger (Zingiber zerumbet) Extracts. Int J Mol Sci. 2024 Oct 10;25(20):10869
25 Wu IH, Liang C. Embracing New Love: Why Customers Are Loyal to Plant Extract-Based Skin-Care Cosmetics. J Cosmet Dermatol. 2025 Jan;24(1):e16731
26 Quoquab F, Jaini A, Mohammad J. Does It Matter Who Exhibits More Green Purchase Behavior of Cosmetic Products in Asian Culture? A Multi-Group Analysis Approach. Int J Environ Res Public Health. 2020 Jul 21;17(14):5258
30 Huynh A, Garcia AG, Young LK, Szoboszlai M, Liberatore MW, Baki G. Measurements meet perceptions: rheology-texture-sensory relations when using green, bio-derived emollients in cosmetic emulsions. Int J Cosmet Sci. 2021 Feb;43(1):11-19

