Nos regards
Resvératrol, vous reprendrez bien un peu de phyto-oestrogène ?

> 20 octobre 2017

Resvératrol, vous reprendrez bien un peu de phyto-oestrogène ? Depuis quelque temps, les cosmétiques sont pointés du doigt, accusés d'être particulièrement toxiques pour bon nombre d'entre eux... Certains ingrédients cosmétiques (parabens, triclosan…) sont présentés comme des perturbateurs endocriniens et la liste de ceux-ci ne cesse de s’allonger… Ce sont bien sûr tous des ingrédients de synthèse… des ingrédients « chimiques » nous disent les partisans des cosmétiques biologiques. Les perturbateurs endocriniens (PE) n’existent que dans les éprouvettes des méchants chimistes qui n’ont qu’une idée en tête synthétiser des ingrédients néfastes à la santé !

Afin de rétablir la vérité sur le sujet, nous souhaitons rappeler que les parabens sont présents dans la nature et non pas uniquement dans les laboratoires de chimie.

Nous souhaitons également faire le point sur le caractère œstrogénique d’un certain nombre d’ingrédients naturels. C’est le cas, par exemple, des phyto-œstrogènes de soja (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/ces-molecules-qui-perturbent-le-milieu-cosmetique-106/) ; c’est le cas également du houblon (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/le-houblon-une-source-de-phyto-oestrogenes-373/).

Nous nous intéresserons aujourd’hui au resvératrol, un phyto-œstrogène bien connu des amateurs de vin rouge.

Avant de parler du resvératrol, il nous paraît utile de faire un retour sur le passé et de rappeler les faits correspondant à un scandale sanitaire survenu au décours de ce XXe siècle qui en a malheureusement pris l’habitude.

Le Distilbène (diéthylstibestrol) est un médicament dont le nom est malheureusement trop connu. Commercialisé à partir de 1946, il est prescrit entre 1950 et 1975 à dix millions de femmes dans le monde, dont 400 000 en France. Cet œstrogène de synthèse est censé éviter les fausses couches chez les femmes présentant ce risque. Dès 1953, Dieckman alerte la communauté scientifique par le biais d’un article dans lequel il démontre l’inefficacité de la molécule. Par la suite, on constatera qu’un nombre important de jeunes filles exposées in utero à cette molécule ont développé des cancers vaginaux. Les femmes de la seconde génération âgées de plus de 50 ans présentent, quant à elles, un risque accru de cancer du sein. En ce qui concerne les garçons de la troisième génération, on note un nombre important de malformations à type d’hypospades (Patrick Fénichel, Françoise Brucker-Davis, Nicolas Chevalier, The history of Distilbène® (Diethylstilbestrol) told to grandchildren – the transgenerational effect, Annales d'Endocrinologie, 76, 3, 2015, Pages 253-259).

Le resvératrol, son cousin, est une molécule qui sait se faire courtiser. On dénombrait sur le site Pubmed en 2015, 6800 publications faisant état de son utilisation potentielle dans le domaine de la santé (Chandra K. Singh, Mary A. Ndiaye, Nihal Ahmad, Resveratrol and cancer: Challenges for clinical translation, Biochimica et Biophysica Acta (BBA) - Molecular Basis of Disease, 1852, 6, 2015, Pages 1178-1185). 6800 publications, cela fait beaucoup pour une molécule qui reste cantonnée dans le domaine des cosmétiques, des verres de vin rouge et des mélanges pour apéritif (à base de cacahuètes)… Aucune spécialité pharmaceutique n’exploite pour l’instant les fabuleuses trouvailles de l’une ou l’autre de ces très nombreuses (trop nombreuses !) publications.

Le resvératrol (3,5,4’-stilbenetriol) est un polyphénol présent chez un grand nombre de végétaux (vigne, myrtille, pin sylvestre, eucalyptus…). On reconnaît à cette molécule un grand nombre de propriétés : anti-inflammatoires, anti-oxydantes, chimiopréventives, anti-convulsivantes… L’émergence d’un grand nombre de résistance vis-à-vis d’un certain nombre d’antiseptiques encourage les chercheurs à rechercher de nouvelles pistes. Le resvératrol semble un bon candidat du fait de propriétés anti-virales (vis-à-vis de virus de type herpès, influenza, enterovirus…), antifongiques (vis-à-vis de Candida albicans), antibactériennes (vis-à-vis d’un grand nombre de bactéries telles que Escherichia coli, Salmonella typhimurium, Listeria monocytogenes, Staphylococcus aureus, Vibrio cholerae…) (Narjess Bostanghadiri, Ali Pormohammad, Alireza Salimi Chirani, Ramin Pouriran, Ali Hashemi, Comprehensive review on the antimicrobial potency of the plant polyphenol Resveratrol, Biomedicine & Pharmacotherapy, 95, 2017, Pages 1588-1595).

Qu’il se comporte comme un agoniste ou comme un antagoniste des recepteurs œstrogéniques selon la dose employée, le resvératrol est une molécule qui est présenté comme source d’espoir dans le domaine du traitement des cancers œstrogéno-dépendants (Nafiseh Sadat Alamolhodaei, Aristidis M. Tsatsakis, Mohammad Ramezani, A. Wallace Hayes, Gholamreza Karimi, Resveratrol as MDR reversion molecule in breast cancer: An overview, Food and Chemical Toxicology, 103, 2017, Pages 223-232).

Toutefois, sa faible solubilité dans l’eau et sa faible biodisponibilité sont présentés comme des facteurs limitants pour une utilisation dans le domaine de la santé (M.S. Ethemoglu, F.B. Seker, H. Akkaya, E. Kilic, B. Yilmaz, Anticonvulsant activity of resveratrol-loaded liposomes in vivo, Neuroscience, 357, 2017, Pages 12-19). Cet aspect de la personnalité du resvératrol apparaît, pour certains auteurs, comme un véritable challenge à relever pour les années à venir. Administration sous forme de prodrogue capable d’être transformée en resvératrol après métabolisation, sous forme sprayable, encapsulation dans différents types de vecteurs sont différents scénarios envisageables pour augmenter les capacités d’absorption de cet ingrédient (Konrad de Vries, Morné Strydom, Vanessa Steenkamp, Bioavailability of resveratrol: Possibilities for enhancement, Journal of Herbal Medicine, 2017).

En résumé : le resvératrol est présenté dans la plupart des publications comme une véritable panacée. La liste de ses propriétés est longue puisque l’on va des maladies cardiovasculaires au cancer du sein. Le resvératrol est une molécule présente dans le milieu naturel. On le désigne donc sous le nom de phyto-œstrogène… placer le suffixe « phyto » devant le redoutable radical « œstrogène » aura instantanément un effet rassurant pour bon nombre de personnes…

Pour conclure : Distilbène et resvératrol possèdent des structures similaires… (Lolita Kuršvietienė, Inga Stanevičienė, Aušra Mongirdienė, Jurga Bernatonienė, Multiplicity of effects and health benefits of resveratrol, Medicina, 52, 3, 2016, Pages 148-155).

Arrêtons d’opposer molécules naturelles, forcément bénéfiques pour la santé, et molécules de synthèse, forcément nuisibles à la santé, et réfléchissons de manière objective à la menace que constituent les perturbateurs endocriniens !

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