Nos regards
Le houblon, une source de phyto-oestrogènes !

> 11 octobre 2017

Le houblon, une source de phyto-oestrogènes ! Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des molécules appelées ainsi car elles sont capables de perturber l’ensemble de la société et, par ricochet, le milieu cosmétique. Les cosmétiques sont, en effet, régulièrement présentés comme des concentrés de substances dangereuses à divers titres (http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/60-millions-de-consommateurs-on-marche-sur-la-tete-245/). Il paraît désormais difficile de se laver, d’hydrater sa peau, de se maquiller sans mettre sa vie en grave danger !

En matière d’attribution du qualificatif de « perturbateur endocrinien », ce qui nous étonne c’est la différence de traitement que l’on fait subir aux différents ingrédients. Alors que les parabens ont été longtemps stigmatisés (avec un effet oestrogénique des milliers à des millions de fois moindre que celui du 17 bêta-oestradiol), d’autres substances ne le sont pas du tout. C’est le cas des phyto-oestrogènes de soja (10 à 100 fois moins oestrogéniques que le 17 béta-oestradiol, selon les auteurs que l’on considère) (http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/pas-de-soja-dans-les-cosmetiques-60/), c’est le cas également du houblon. Nous nous intéresserons aujourd’hui à ce végétal.

Si Pline l’Ancien mentionne l’usage des pousses de houblon à des fins culinaire chez les Romains, c’est plutôt sous forme de boisson que cette plante va faire un tabac dans les siècles suivants. Le houblon est, en effet, un ingrédient de choix pour la réalisation de la bière. D’une cueillette de la plante à l’état sauvage, on va passer bientôt à une rationalisation des choses, avec la mise en culture de cette plante appartenant à la famille des Cannabinacées. La culture commence vers le milieu du IXe siècle, en Allemagne. Le houblon est d’abord incorporé timidement et ne vient qu’en remplacement du galé ou bois-sent-bon (Myrica gale) qui est alors utilisé traditionnellement pour la réalisation de la bière. Au XVIIIe siècle, le houblon remplace définitivement le galé, du fait d’une meilleure conservation (Paola Zanoli, Manuela Zavatti, Pharmacognostic and pharmacological profile of Humulus lupulus L., Journal of Ethnopharmacology, 116, 3, 2008, 383-396).

Rappelons que le houblon (Humulus lupulus) est une plante vivace que l’on retrouve dans un grand nombre de régions tempérées du globe. Il est surtout connu pour ses inflorescences femelles qui portent le nom de « strobiles » ou de « cônes » et qui sont incorporées à la bière afin de lui communiquer son amertume si caractéristique. En ce qui concerne la composition phytochimique de ces cônes, on retrouve de l’huile essentielle, des acides amers, des glucosides de flavonoïdes… (Vittoria Di Viesti, Gianluca Carnevale, Manuela Zavatti, Augusta Benelli, Paola Zanoli, Increased sexual motivation in female rats treated with Humulus lupulus L. extract, Journal of Ethnopharmacology, 134, Issue 2, 2011, 514-517).

Son usage dans le domaine esthétique est ancien. Toutefois, il ne faut pas s’imaginer qu’un usage topique était la règle. Colette Villiers dans son ouvrage « De la beauté chez la femme », paru en 1910, propose quelques recettes pour développer la poitrine. « Lorsqu’une jeune fille voit que les années passent sans lui apporter ces charmes tant désirés, elle doit aider la nature par tous les moyens que la science met à sa disposition. » Pratiquer une certaine gymnastique, se frictionner à l’eau froide, utiliser la fée électricité (« N’importe quelle pile bon marché convient pour cet usage pourvu qu’elle ne soit pas trop forte »), boire de la bière (« bière brune très maltée »), masser le bout des seins avec la pommade nerval (15 g) additionnée d’huile parfumée (15 g). A l’heure actuelle, la bière et ses constituants principaux, orge (Hordeum vulgare) et houblon (Humulus lupulus), se font relativement discrets dans le milieu cosmétique. On notera l’existence d’un spa, l’original Beer Spa qui propose des bains de bière dans des cuves en chêne associés à une consommation illimitée de bière (mais est-ce vraiment bon pour la peau ?) et à un repos sur un lit de paille ! (mais est-ce vraiment détendant ?) (http://www.beerspa.com/bains-de-biere-zitna-prague-fr.htm). Le lancement des cosmétiques Carlsberg a fait grand bruit en 2015… puis plus rien ! Le déodorant bille Melvita reconstitue, quant à lui, la bière par noms INCI interposés. Hordeum vulgare extract pour l’orge et Humulus lupulus pour le houblon. De l’alcool en deuxième position vient compléter le tableau. Logona donne du ressort aux cheveux, grâce à un spray coiffant au houblon. Lavera les fixe de manière forte, toujours, avec du houblon…

Le houblon est utilisé en médecine traditionnelle pour traiter un certain nombre de pathologies, en particulier des troubles du système nerveux comme la dépression, l’insomnie ou l’agitation, mais aussi les maux de tête et les troubles gastro-intestinaux. On reconnaît aux cônes de houblon un effet oestrogénique. Cet effet se traduit, nous disent certains auteurs, par des troubles menstruels observés chez les femmes chargées de la cueillette du houblon. Des bains de houblon ont pu être préconisés pour limiter les bouffées de chaleur survenant au décours de la ménopause ! Ceci est corroboré par une étude menée contre placébo auprès de 120 femmes. Un effet positif sur les manifestations vasomotrices est observé après traitement à l’aide de capsules renfermant 100 microgrammes d’extrait de houblon, pendant une durée de 12 semaines (Vida Aghamiri, Mojgan Mirghafourvand, Sakineh Mohammad-Alizadeh-Charandabi, Hossein Nazemiyeh, The effect of Hop (Humulus lupulus L.) on early menopausal symptoms and hot flashes: A randomized placebo-controlled trial, Complementary Therapies in Clinical Practice, 23, 2016, 130-135).

Dès 1953, Koch et Heim détectent une activité oestrogénique dans des extraits de houblon. L’effet oestrogénique d’extraits méthanoliques de cônes de houblon est démontré, in vitro, depuis les années 2000. La molécule en cause est la 8-prénylnaringénine (8-PN), l’un des phytooestrogènes les plus puissants, nous dit-on. En se liant aux récepteurs alpha-oestrogéniques, cette molécule mime les effets de l’agoniste naturel qu’est le 17 bêta-estradiol (Vittoria Di Viesti, Gianluca Carnevale, Manuela Zavatti, Augusta Benelli, Paola Zanoli, Increased sexual motivation in female rats treated with Humulus lupulus L. extract, Journal of Ethnopharmacology, 134, Issue 2, 2011, 514-517). Selon les sources, cet effet oestrogénique est plus ou moins important. La 8-PN est ainsi trouvée environ 5800 fois moins oestrogénique que le 17 bêta-estradiol en ce qui concerne l’augmentation du poids de l’utérus chez le rat. La métabolisation qui survient au niveau hépatique aboutit à la formation de différents composés, principalement des alcools qui sont, quant à eux, 10 fois moins oestrogéniques que la 8-PN (Cassia R. Overk, Jian Guo, Lucas R. Chadwick, Daniel D. Lantvit, Judy L. Bolton, In vivo estrogenic comparisons of Trifolium pratense (red clover) Humulus lupulus (hops), and the pure compounds isoxanthohumol and 8-prenylnaringenin, Chemico-Biological Interactions, 176, 1, 2008, 30-39).

Une étude réalisée en 2002 se veut rassurante pour les consommatrices de bière. Si la 8-PN est bien un phyto-oestrogène dont l’activité est supérieure à celle du coumestrol (présent chez la luzerne), de la génistéine ou de la daidzéine retrouvées toutes deux chez les lupins, le soja ou le kudzu (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-racine-de-kudzu-un-exemple-vegetal-a-effet-oestrogenique-reconnu-107/), il faut, pour provoquer un effet visible chez la souris, des doses correspondant à 500 fois celles retrouvées dans la bière (S. Milligan, J. Kalita , V. Pocock , A. Heyerick , L. De Cooman, H. Rong, D. De Keukeleire, Oestrogenic activity of the hop phyto-oestrogen, 8-prenylnaringenin, Reproduction, 123, 2, 2002, 235-242).

En 2013, une équipe grenobloise a reçu un Ig Nobel (ou anti-Nobel) pour son étude publiée dans une Revue britannique de psychologie. « La beauté est dans les yeux du buveur de bière » affirment les chercheurs en question. Quatre-vingt-quatorze hommes se sont soumis au test. Certains buvaient de l’alcool, d’autre une boisson non alcoolisée. Quatre groupes étaient constitués : les uns buvaient de l’alcool et le savaient, les autres buvaient de l’alcool et ne le savaient pas, le 3ème groupe buvait une boisson non alcoolisée ce dont ils étaient informés et le dernier groupe enfin buvait une boisson non alcoolisée mais croyait boire de l’alcool. Il en résulte que ce sont ceux qui ont bu ou cru boire de l’alcool qui se trouvaient les plus « beaux ». On a ainsi pu démontrer l’effet placébo de l’alcool en termes de perception de son charme propre. Le houblon ne semble pas concerné par ce bon point !

Le houblon, un végétal assez peu présent dans le domaine cosmétique, peut tout à fait tomber dans l’oubli. Même si des effets antibactériens et anti-inflammatoires pourraient indiquer son emploi pour la formulation de cosmétiques pour peaux jeunes, il convient de garder à l’esprit son caractère oestrogénique (Naoto Yamaguchi, Keiko Satoh-Yamaguchi, Mitsunori Ono, In vitro evaluation of antibacterial, anticollagenase, and antioxidant activities of hop components (Humulus lupulus) addressing acne vulgaris, Phytomedicine, 16, 4, 2009, 369-376) ; on le regardera donc avec circonspection !

Si un travail s’impose en ce qui concerne les molécules baptisées « PE », il s’agit d’un travail de hiérarchisation de l’effet invoqué. Au train où vont les choses, le milieu végétal risque de voir sa belle image quelque peu écornée !

Déodorant bille pour homme Melvita : Aqua [Water], Alcohol, Glycerin, Lactobacillus/Wasabia Japonica Root Ferment Extract, Undecylenoyl Glycine, Capryloyl Glycine, Xanthan Gum, Cellulose Gum, Benzyl Alcohol, Copaifera Officinalis Resin [Copaifera Officinalis (Balsam Copaiba) Resin], Glyceryl Caprate, Glyceryl Caprylate, Sodium Benzoate, Sodium Hydroxide, Phospholipids, Hordeum Vulgare Extract, Parfum [Fragrance], Linalool, Dehydroacetic Acid, Citric Acid, Limonene, Silica, Humulus Lupulus [Humulus Lupulus (Hops)], Caprylic/Capric Triglyceride, Geraniol, Coumarin.

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