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A Saint-Mary Mead, aucun détail cosmétique n’échappe aux habitants

> 28 novembre 2020

A Saint-Mary Mead, aucun détail cosmétique n’échappe aux habitants

L’affaire Prothéro, un célèbre roman d’Agatha Christie,1 met en scène un brave pasteur, Léonard Clément et sa charmante épouse, Griselda. Le colonel Prothero, un bonhomme au tempérament abominable, n’a rien trouvé de mieux que de venir se faire assassiner, d’une balle de révolver, dans le bureau du presbytère. Lorsque l’on sait que Prothero était en rogne contre le pasteur, au sujet de malversations concernant les comptes de la paroisse, contre Lawrence Redding, un peintre en train d’effectuer un portrait en maillot de bain de Lettice (la fille du colonel)… on comprend que l’enquête risque d’être compliquée. Heureusement tout ceci se déroule à Saint-Mary Mead, une localité où rien n’échappe à la terrible Miss Marple.

Une étrangère dans le village, une grande dame

Dans un village où tout le monde se connaît, difficile de ne pas soupçonner l’étrangère nouvellement installée. Mrs Lestrange, une blonde, « aux reflets roux », possède des cils et des sourcils de couleur noire, peut-être obtenus « artificiellement ». Bizarre, autant qu’étrange. Mrs Lestrange, une dame élégante et racée, se farde avec une grande dextérité. « Si cependant elle était fardée, ce que je pense, c’était avec art. » Ses yeux, « presque dorés », sont chargés de mystère. Ses robes noires font ressortir « la blancheur extraordinaire de sa peau ».

Mrs Prothero, la femme de la victime

Mrs Anne Prothero, une « brune au teint mat », est rencontrée dans de drôles d’endroits – la cabane au fond du jardin du pasteur, par exemple – avec de drôles de personnes – le peintre Redding, par exemple ! Etrange !

Lettice, la fille de la victime

Lettice Prothero est une jeune fille qui pourrait faire un « très joli mannequin ». Elle sait choisir les couleurs qui s’harmonisent avec « la délicatesse de son teint ». Lettice ne supporte pas sa belle-mère. Rien d’étrange à cela !

Saint-Mary Mead, un village où tout le monde s’épie

Saint-Mary Mead est un petit village où l’on n’a pas besoin de fermer sa porte à double tour. La confiance règne. Tout le monde connaît tout le monde… et tout le monde épie tout le monde, aussi. « Tout Saint-Mary Mead sait, sans doute, où vous mettez votre brosse à dents et quel dentifrice vous employez ». « Si vous changez de savon à barbe, soyez sûr que c’est encore un sujet de conversation. »

L’acide picrique, un poison détonant

De l’acide picrique est retrouvé dans le bois derrière le presbytère. Cet acide picrique serait employé en médecine comme un « remède aux brûlures ». Certains racontent l’histoire d’un « homme qui avait été empoisonné par l’acide picrique et la lanoline dont on s’était servi comme onguent », pratique proposée au XIXe siècle,2 et bien sûr abandonnée depuis, du fait de la toxicité de cette molécule.3 Mais que vient faire l’acide picrique dans le cadre d’un crime perpétré à l’aide d’une arme à feu ? Etrange !

L’affaire Prothero, en bref

L’affaire Prothero sait cultiver le mystère, jusqu’à la dernière page. Le petit village de Saint-Mary Mead est en ébullition ; le lecteur suit, avec délice, les raisonnements de Miss Marple, une vieille dame à « l’air doux et aimable », pleine de perspicacité. Un bon moment en perspective !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour l'illustration du jour !

Bibliographie

1 Christie A. L’affaire Prothéro, Librairie des Champs-Elysées, 253 pages

2 Johnson G. Picric Acid in the Treatment of Burns. Hospital (Lond 1886). 1896 ; 20 (503) : 107.

3 Wyman JF, Serve MP, Hobson DW, Lee LH, Uddin DE. Acute toxicity, distribution, and metabolism of 2,4,6-trinitrophenol (picric acid) in Fischer 344 rats. J Toxicol Environ Health. 1992 ;37 (2) : 313-32

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