> 25 mai 2023
Alice et l’ombre chinoise de Caroline Quine… un roman un peu confus.1 Un manoir hanté, d’où sortent des feulements, à faire dresser les cheveux sur la tête, un barbu étrange et menaçant, qui en garde l’entrée de manière musclée, une jeune héritière (Jane Campbell) qui reste introuvable, malgré les recherches actives de James Roy, le père d’Alice. Tout cela se mêle et s’entremêle à plaisir, laissant le lecteur un peu sur le bord de la route.
Bien sûr, lorsqu’Alice se retrouve à proximité d’un manoir hanté, elle n’hésite pas à entraîner ses meilleures amies à venir rôder dans les parages. Tout cela est bel et bon, mais lorsque Bess et Marion se réveillent le lendemain matin, elles ont « le visage rouge et enflé ». Bess s’inquiète : « Oh ! gémit-elle, nous avons attrapé une horrible maladie. Sans doute dans cette propriété maudite. » Mme Barse, la patronne de la pension où résident les 3 jeunes filles se veut rassurante : « Ce n’est qu’une éruption due à cette sorte de lierre qu’on appelle le lierre vénéneux ». « Mme Barse alla chercher dans sa pharmacie une lotion destinée à calmer les démangeaisons dont souffraient les deux cousines et, le lendemain matin, elles se réveillèrent fraîches comme des roses et riant de leur peur de la veille. »
Le sinistre Ramon ne cesse d’importuner Alice et ses amies. Alors qu’Alice est en conversation avec Pénélope Parson, une amie d’enfance de Jane Campbell, le voilà qui se met à écouter sous les fenêtres. Lorsque M. Roy parle d’un héritage, le sang de Ramon ne fait qu’un tour. Jane était une « petite fille aux cheveux roux ». « En la teignant en noir on l’aurait facilement fait passer pour une gitane ; on s’y trompe bien avec moi. Ramon, mon ami, voici peut-être enfin l’occasion de devenir riche. » Pourquoi ne pas demander à sa nièce (une certaine Laetitia Cully) de jouer le rôle de Jane, le temps nécessaire pour capter la fortune de la jeune fille ? Si une simple teinture capillaire permet de résoudre le problème de la couleur des cheveux, Ramon est prêt à tenter l’expérience !
La jeune fille, qui se présente pour toucher l’héritage de Jane, est « très jolie avec ses cheveux brun clair », où dansent « des reflets d’or rouge ». Ses « yeux sombres et son teint transparent » sont tout à fait en faveur de cette charmante personne, qui ressemble, trait pour trait, à Jane.
Pour le physique, pas de souci. Tout le monde est d’accord pour la reconnaître. « Physiquement, elles ont retrouvé sa couleur de cheveux, sa silhouette, ses yeux. » Au moral, en revanche, cette jeune femme semble « froide et distante » ! Rien à voir avec l’agréable petite fille d’autrefois.
Dans le fameux manoir hanté, se cache un peintre, sa ménagerie (il raffole des animaux exotiques croqués sur le vif) et… la fameuse Jane Campbell. Le peintre, M. Raynard a, en effet, demandé à son amie de venir poser pour lui, loin de l’agitation des villes. La jeune femme, qui répond au nom de Jane Campbell, est une « ravissante créature, aux traits fins, aux yeux sombres sous une chevelure d’un brun doré presque roux. » Des « cheveux d’or rouge »… telle est la caractéristique capillaire du modèle de Raynard.
Dans cet opus, Caroline Quine entrecroise les histoires à plaisir. Difficile de penser qu’il puisse y avoir un lien entre une jeune héritière, un manoir hanté et une diseuse de bonne aventure (la mère de Laetitia Cully est, en effet, une voyante extra-lucide… très très lucide, dès lors qu’il est question d’argent...) Heureusement, Alice est là pour démêler la pelote qui semble inextricable et pour demasquer les malfaiteurs. Une fois de plus, Alice est décidément la meilleure !
1 Quine C., Alice et l’ombre chinoise, Bibliothèque verte, Hachette, 1965, 254 pages