> 17 février 2024
Les histoires d’amour finissent mal, en général, chez Irène Némirovsky. Et pourtant, les jeunes filles, qui croient en l’amour éternel, ont tout pour elles. Elles sont jolies, issues de familles aisées. Bref, elles ont tout pour plaire… sauf qu’elles tombent, bien souvent, sur d’affreux séducteurs, qui ne voient en elles qu’un tremplin vers la réussite. Des hommes à femmes et non des hommes à femme !
La nouvelle Les rivages heureux s’inscrit dans une vision pessimiste de la vie matrimoniale.1 Des chemins se croisent, des destins se figent… Et Irène est là pour fixer les images sur la pellicule !
Ces jeunes filles - les amies de sa fille - sont condamnées par Mme Boehmer, la mère de Christiane. « Un genre… des fards, des bijoux de femme. Christiane est si différente. »
Christiane Boehmer est une jeune fille élégante de 22 ans, qui souscrit à la mode récente du bronzage. Ses « belles épaules » ont été « dorées par le soleil de la plage du Lido », durant tout l’été.
Ginette, la prostituée rencontrée dans le bar où Christiane attend Gerald, est une trentenaire, qui conserve une certaine séduction, sous « le fard » qui couvre « son visage » et commence « à fondre » (il faut dire que la nuit est bien entamée, quatre heures ayant sonné). Une prostituée sur le retour, qui attend le client régulier, qui la mettra à l’abri du besoin. Une femme d’expérience, qui aimerait bien devenir l’amie de Christiane et la conseiller sur les chemins de la vie. « Parce que, la vie, telle qu’elle est, sans phrases, sans fards, c’est quand même quelque chose d’épatant. » ! Une femme au teint poudré, qui se déplace dans un « nuage léger de poudre odorante » et, qui, de manière professionnelle, vérifie l’agencement de son maquillage dans « la petite glace » de son poudrier.
Gerald Dubouquet est un garçon, de 25 ans, au tempérament indécis, qui fait mariner Christiane, depuis deux ans. Ce chef de cabinet du ministre Laclos est aux ordres de Monsieur, le jour, et aux ordres de Madame la nuit. Cette vieille maîtresse, Gerald la bichonne avec soin, afin de conserver tout son crédit au niveau du cocu de service. Pourtant lorsque le ministre est éclaboussé par une affaire de corruption, Gerald est prêt à se séparer de cette maîtresse encombrante, afin d’épouser une jeune fille de bonne famille.
Une nuit d’ivresse dans un bar parisien. Des coupes de champagne qui sont bues de concert par une jeune bourgeoise et une prostituée. L’une attend son fiancé. L’autre un client. L’une se fait posséder par un fiancé, qui ne voit en elle qu’un moyen de réussir. L’autre se fait posséder par le premier venu. L’une et l’autre pourraient s’entendre… s’il n’y avait cette fichue barrière sociale. Un petit tour et puis s’en vont. Les deux femmes, qui ont pactisé un soir de réveillon de premier de l’an, ne seront plus rien l’une pour l’autre, dès le lendemain !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, qui illustre, une fois de plus, Irène Némirovsky.
1 Némirovsky I., Les rivages heureux in Dimanche et autres nouvelles, Stock, 2005, 371 pages