> 17 août 2023
Alice Roy ne prend décidément jamais de vacances.1 Alors qu’elle accompagne les étudiants d’Emerson, assistée de Bess et de Marion, dans un voyage en Autriche, la voilà plongée jusqu’au cou dans une affaire bien complexe, qui vise à faire sortir des pays de l’Est une dizaine d’enfants. Il y a aussi une autre affaire à démêler sous la forme d’un film à retrouver. Celui-ci a été volé à un cinéaste - Kurt Kessler - juste avant la première projection. Lorsque l’on sait que Kurt a fui l’Europe de l’Est pour se réfugier en Amérique en emportant les bobines de son film-témoignage, on comprend qu’il existe un lien entre ces deux affaires !
Après un voyage en car mouvementé (le chauffeur du car a été retrouvé en caleçon dans la soute à bagages !), les étudiants se précipitent à l’hôtel. « Tous débarquèrent un peu fatigués, rêvant d’un bon bain et d’un dîner appétissant ». Pour un bain délassant, il va falloir attendre un peu, dans la mesure où un mauvais plaisant a annulé la réservation des chambres ! Réactions horrifiées des étudiants en apprenant la nouvelle : « Pas de chambres ? Mais comment pourrons-nous nous brosser les dents ? Prendre un bain ? Nous faire les ongles ? Dormir ? » Pas de panique, le professeur Barney qui encadre la fine équipe va trouver une solution.
Marion, Bess et Alice font chambre commune. Evidemment, c’est toujours Alice la plus pressée. « Je sais, je sais, dit leur amie en se dirigeant vers la salle de bains. Ça vous ennuie que je prenne ma douche en premier ? Je suis vraiment pressée. » Hop, hop, hop… répond la douce Bess, qui tient à savoir pourquoi Alice se montre aussi pressée ! On est en vacances après tout !
Pour aller à Vienne, Alice et Ned profitent du véhicule d’un certain Herr Guttermann, un gros homme brun. Quelle surprise lorsque celui-ci enlève le faux ventre dont il s’est affublé, la perruque qui le coiffe et la moustache qui change sa physionomie. Alice et Ned sont tout simplement tombés dans un piège.
Kidnappée dans une voiture, Alice est emmenée dans un chalet isolé, alors que Ned est gardé prisonnier dans le véhicule. Afin de s’enfuir, Alice et Ned ont combiné un plan. Alice est chargée d’aller inspecter la salle de bains, afin de voir s’il est possible de prendre la poudre d’escampette. « Excusez-moi, dit Alice, mais la route a été longue. Est-ce que vous avez une salle de bains où je pourrais me rafraîchir le visage. » Bien sûr, lui répond galamment son ravisseur ! Pas de problème pour la bonne raison que la salle de bains n’est munie que d’une meurtrière minuscule et percée haut sur le mur. Alice en profite tout de même pour se laver le visage. « Après s’être passé un peu d’eau sur le visage, elle s’essuya avec une serviette […]. » Du coup, une seule solution, envoyer une tasse de café à la tête de Herr Guttermann et foncer vers la porte !
A Vienne, Alice et Ned ont bien mérité de se reposer. « Alice se fit couler un bain et quelques minutes plus tard, tandis qu’elle se délassait dans l’eau chaude, le téléphone sonna. » C’est Ned qui prend de ses nouvelles (nos deux tourtereaux font chambre à part à l’hôtel) et lui indique que tout le monde est à leur recherche. Et voilà à nouveau nos deux détectives sur la piste des voleurs de bobines de film. Sous la pluie, dans la boue, rien ne rebute nos deux vaillants jeunes gens qui reviennent le soir à l’hôtel, trempés comme des soupes. « Un bon bain chaud et une manucure rapide », Alice est aussitôt prête à remettre cela ! Puis, nouveau retour dans la chambre et dodo. « Alice alla dans sa chambre, se mit en chemise de nuit et commença à se brosser les cheveux devant le miroir, le regard perdu dans le vague. »
Si Emile Popov a réussi à franchir la frontière, sa femme et ses enfants sont restés en arrière. Lorsqu’il arrive chez Alice, sa mine est dépitée. Ses cheveux « soigneusement peignés » ne font pas oublier ses vêtements rapiécés hors d’usage. « Manger et prendre un bain » sont les deux choses que M. Popov souhaite le plus au monde. Avant toute chose, Emile veut se laver les mains et le visage au plus vite.
Pour réussir à faire traverser la frontière à la petite équipe composée d’une dizaine d’enfants, Alice Roy réclame toute une liste d’objets insolites : « onze chambres à air, un réservoir à air comprimé, du fard gras noir, un nécessaire à maquillage de théâtre, une robe de bal fin de siècle (environ 1800) avec perruque assortie, une perruque blond vénitien (cheveux longs), six paires de lunettes noires assorties, deux appeaux à canards… ».
Et dans cette liste, on peut ajouter un poudrier… celui-ci permet tout simplement de vérifier que l’on est suivi… ou pas (« En atteignant l’ascenseur, elle sortit son poudrier et, feignant d’arranger ses cheveux, observa l’homme au visage carré qui ramassait le papier à la hâte. » (le papier en question consiste tout simplement en un message codé destiné à semer le trouble chez l’ennemi).
qui va se faire passer pour Alice, histoire de détourner l’attention de tous ceux qui suivent la célèbre détective.
Grâce à des cosmétiques adaptés et à une robe extraordinaire, Alice va se métamorphoser. « Je porterai un maquillage qui me rendra méconnaissable et cette superbe robe d’époque. » « Elle alla à la coiffeuse, ouvrit le nécessaire à maquillage et passa l’heure suivante à transformer sa fraîche apparence de jeune fille à celle d’une dame du siècle dernier d’une bonne dizaine d’années plus âgée qu’elle, couverte de poudre et de fard, sans oublier l’inévitable mouche sur la joue. » Ainsi apprêtée, voilà notre Alice prête à jouer les héroïnes. Un spectacle de chants est, en effet, prévu au bord d’un lac, frontière naturelle entre l’Est et l’Ouest. Quoi de mieux que de se fondre parmi les choristes pour venir à l’aide des petits réfugiés. Les chambres à air serviront de bouées, les appeaux permettront de se repérer dans l’ombre, le fard noir permettra de se dissimuler dans la nuit… (Alice « s’enduit le visage et les mains de graisse noire » ; « Alice se chargea ensuite de peinturlurer les visages de tous de graisse noire. ») Comme d’habitude, elle a vraiment tout prévu !
Et encore une belle action à mettre sur le compte d’Alice, qui résout, une fois de plus, deux affaires en même temps. Des enfants sauvés, un cinéaste comblé. Tout est remis en ordre par notre jeune et belle détective, qui ne manque pas d’imagination ! Une choriste qui fait son tour de chant, puis se déshabille rapidement avant de se jeter dans un lac… pas vraiment banal !
1 Quine C., Alice et le témoin prisonnier, Hachette, 1983, 189 pages