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Be+ Radiance et probiotique, mon œil !

> 26 avril 2022

Be+ Radiance et probiotique, mon œil !

Be+ Radiance se présente comme la « 1ere marque de maquillage hybride qui offre des produits sains pour toutes les carnations : des formules clean, des ingrédients « skin food » et des probiotiques pour un maquillage respectueux de la peau. » Hybride ? Double moteur, essence et électricité ! Etonnant, lorsque l’on sait que cette gamme de maquillage ne fonctionne pas aux dérivés de pétrole (0 % Mineral oil)... Mais non, hybride dans le sens : produit de maquillage et de soin combiné. C’est nouveau ça ? Non, pas vraiment, lorsque l’on se souvient qu’Helena Rubinstein1 est passée par là, bien avant, vantant, dans les années 1950, des fonds de teint adaptés à chaque type de peau présentant avec celles-ci une « affinité chimique parfaite ». Peau sèche, sensible, grasse, acnéique, étaient ainsi prises en charge de manière ciblée et spécifique. Alors ce qui est nouveau ce doit être la notion de « skinfood » ! Ben non, pas plus, ces crèmes qui nourrissent la peau de l’extérieur et sont connues en France sous le nom de crèmes nourrissantes2 datent du début du siècle... du XXe, faut-il préciser ! Bon, alors ce qui est nouveau ce doit être la notion de « probiotiques » ! Oui et non.

Tout d’abord une définition, celle des probiotiques : « micro-organismes vivants qui, lorsqu'ils sont administrés en quantités adéquates, confèrent un avantage pour la santé de l'hôte ».3 Ces micro-organismes bons pour la santé ont été très en vogue au début du XXe siècle, suite à un certain nombre de travaux concernant la flore intestinale. L’industrie se met alors à produire ce que l’on appelle les « bouillons lactiques », qui sont destinés à la voie orale. Le but de ces bouillons est d’apporter à l’intestin une charge importante de « bons germes », capables de combattre les germes pathogènes présents in situ. A défaut d’arriver à combattre la maladie de l’intérieur, on se dit qu’il est possible d’envoyer des bataillons de mercenaires venus de l’extérieur et habitués à traquer l’ennemi. Pour préparer ces bouillons, on utilise de la viande stérilisée, des pommes de terre ou des semences de légumineuses sur lesquelles on ensemence le ferment lactique choisi (« Bacillus acidi paralacti »). On scelle vivement le flacon ainsi rempli. On porte à l’étuve à 30°C, afin de permettre aux bacilles de se multiplier. Au bout de 48 heures, les cultures sont jugées « abondantes », on peut répartir alors le bouillon dans des flacons individuels. Ceux-ci permettront de reconstituer la flore commensale du malade et traiteront aussi bien les diarrhées, que les affections cutanées comme l’eczéma ou la furonculose ou encore des pathologies comme la goutte ou la gravelle. Champ d’action large donc, pour ces bouillons, qui doivent être conservés au froid, avant emploi et nécessitent une vigilance particulière en matière de traitements associés (antiseptiques intestinaux prohibés !). Inconvénient lié à ce type de produit selon le pharmacien René Cerbelaud, une propension à transformer le bouillon lactique en un bouillon de culture généralisé. Le public peu aguerri en ce début de XXe siècle manipule ces bouillons avec une grande légèreté contaminant les flacons multi-doses à disposition avec les germes présents dans l’air et sur sa peau !4 Un beau carnage dans certains cas !

Donc résumons, les bacilles lactiques (des bacilles susceptibles de former de l’acide lactique lors de la mise dans un bouillon de culture adéquat) sont utilisés d’un point de vue thérapeutique depuis le début du XXe siècle. On suppose alors que leur multiplication au niveau intestinal va permettre de traiter un certain nombre de pathologies. C’est également ce que l’on croit, un siècle plus tard.

En ce début de XXIe siècle, les probiotiques ne se présentent plus sous forme de bouillons, mais investissent les rayons consacrés aux compléments alimentaires et aux cosmétiques.

Une publication datant de mars 2021 montre à quel point cette allégation « probiotique » est à la mode dans le domaine cosmétique. Plus de 50 références ont en effet été trouvées sur le marché canadien par les auteurs qui montrent que cet élément marketing est mis en avant aussi bien dans le cas de produits d’hygiène que dans des déodorants, des exfoliants, des masques ou des fonds de teint. Les noms INCI relevés sur les emballages correspondent aux noms suivants : Lactococcus ferment lysate, Lactobacillus ferment, Bifida ferment lysate, Streptococcus thermophilus ferment, Bacillus coagulans, Saccharomyces ferment filtrate et Yogurt. Dans le cas des filtrats, les cellules bactériennes sont éliminées avec, éventuellement, d'autres molécules de poids moléculaires plus importants (par exemple, des peptides), par conséquent, les filtrats sont exclus de la définition des probiotiques, puisqu’ils ne contiennent plus de cellules bactériennes. Dans le cas des lysats, cellules dont la membrane externe a été détruite par des processus chimiques ou physiques, on ne répond pas non plus à la définition du probiotique puisque la cellule n’est plus vivante.

Probiotiques et cosmétiques... un vrai casse-tête en matière de formulation, très clairement expliqué par Scarlett Puebla-Barragan et par Gregor Reid qui s’interrogent sur la viabilité des bactéries dans un milieu cosmétique complexe. Il conviendra de lyophiliser les souches probiotiques visées et de les maintenir dans un milieu protecteur à base, par exemple, de glycérol, de tréhalose ou de PEG (chose aisée puisque ces ingrédients sont couramment employés dans le domaine cosmétique), en faisant attention à ne pas les exposer à l’eau, afin qu’elles ne se réhydratent pas prématurément, engendrant une multiplication intempestive. Autre problème, la présence de conservateurs ou d’autres ingrédients à fonctions variées dans le milieu susceptible de perturber les bactéries incorporées dans l’excipient.

Probiotiques et cosmétiques... un vrai casse-tête réglementaire, tant un cosmétique se doit d’être propre d’un point de vue bactériologique. Des tests sont d’ailleurs prévus afin de dénombrer les germes présents et de vérifier la capacité du cosmétique à résister à la contamination microbienne, lors de l’utilisation par le consommateur. Pour résumer si l’on veut le cosmétique le plus propre possible ce n’est pas pour le contaminer intentionnellement au moment de sa fabrication.5 Gros dilemme donc pour le formulateur qui veut jouer ici avec le feu.

Probiotiques et cosmétiques... du flou… un loup. Donc méfiance, lorsque l’on nous parle de cosmétiques renfermant des probiotiques.

Dans la poudre B Radiance, le probiotique en question est dénommé lactobacillus ferment, connu à l’inventaire européen comme « le produit issu de la fermentation de Lactobacillus ». On n’est guère plus avancé. Ce germe est-il endormi dans ce mélange de poudres (mica, amidon, kaolin) et de corps gras ou bien complètement out ? Dans quel état est-il, tant il est englué entre un savon métallique (zinc stearate), un tensioactif non ionique (coco-caprylate caprate) et un extrait de fruit de raisinier, un fruit comestible du Burkina Faso, riche en polyphénols ?6

Convaincues ? Non, pas plus que Scarlett et Gregor.

Bibliographie

1 Madame Rubinstein, dans les yeux de Patrick O’Higgins | Regard sur les cosmétiques (regard-sur-les-cosmetiques.fr)

2 https://theconversation.com/des-cremes-qui-nourrissent-un-concept-a-boire-et-a-manger-76680

3 Hill C, Guarner F, Reid G, Gibson GR, Merenstein DJ, Pot B, Morelli L, Canani RB, Flint HJ, Salminen S, Calder PC, Sanders ME. Expert consensus document. The International Scientific Association for Probiotics and Prebiotics consensus statement on the scope and appropriate use of the term probiotic. Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2014 Aug;11(8):506-14

4 Cerbelaud R., Formulaire des principales spécialités de parfumerie et de pharmacie, Paris, 1912, 1190 pages

5 Puebla-Barragan S, Reid G. Probiotics in Cosmetic and Personal Care Products: Trends and Challenges. Molecules. 2021 Feb 26;26(5):1249

6 Lamien-Meda A, Lamien CE, Compaoré MM, Meda RN, Kiendrebeogo M, Zeba B, Millogo JF, Nacoulma OG. Polyphenol content and antioxidant activity of fourteen wild edible fruits from Burkina Faso. Molecules. 2008 Mar 6;13(3):581-94

Composition

Duo Poudre+Enlumineur enrichi en Probiotiques :

POUDRE : MICA, MARANTA ARUNDINACEA ROOT POWDER, TAPIOCA STARCH, KAOLIN, MAGNESIUM MYRISTATE, MORINGA OLEIFERA SEED OIL, SQUALANE, HELIANTHUS ANNUUS (SUNFLOWER) SEED OIL, ZINC STEARATE, COCO-CAPRYLATE/CAPRATE, LACTOBACILLUS FERMENT, LANNEA MICROCARPA FRUIT EXTRACT, PROTIUM HEPTAPHYLLUM RESIN, TOCOPHERYL ACETATE, BENTONITE, CAPRYLYL GLYCOL. MAY CONTAIN/PEUT CONTENIR (+/-) : CI 77891 (TITANIUM DIOXIDE), CI 77491 (IRON OXIDE), CI 77492 (IRON OXIDE), CI 77499 (IRON OXIDE), CI 19140 (YELLOW 5 LAKE), CI 77007 (ULTRAMARINES)

ENLUMINEUR : MICA, COCO-CAPRYLATE/CAPRATE, TAPIOCA STARCH, ZINC STEARATE, BUTYROSPERMUM PARKII (SHEA) BUTTER, SIMMONDSIA CHINENSIS (JOJOBA) SEED OIL, CAPRYLYL GLYCOL, TOCOPHERYL ACETATE - MAY CONTAIN/PEUT CONTENIR (+/-) : CI 77891 (TITANIUM DIOXIDE), CI 77491 (IRON OXIDE), CI 77492 (IRON OXIDE), CI 77499 (IRON OXIDE), CI 77007 (ULTRAMARINES), CI 16035 (RED 40 LAKE), CI 77861 (TIN OXIDE).

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