Nos regards
Une histoire de cheveux trop longs et de fins de mois un peu trop courts !

> 14 janvier 2023

Une histoire de cheveux trop longs et de fins de mois un peu trop courts !

Plongées,1 sans bouteille, sans scaphandre, en apnée, dans les grandes profondeurs… Voilà ce que nous propose François Mauriac avec ce recueil de nouvelles paru en 1938. Plongée au cœur de la jalousie, plongée au sein de la rancœur, plongée dans le cœur d’un enfant trahi par sa mère.

Plongée au cœur de la jalousie

Une jeune femme qui boit du champagne, fait du genou à son voisin de table, qui se remaquille en public (« Elle passa de la salle à manger au salon sans rien voir, que dans la petite glace à main, sa bouche, ses joues repeintes. »), en se déplaçant d’une pièce à l’autre. Louis, l’amoureux transi, n’en dort plus. Au petit matin, recru de fatigue, il « baigne dans l’inconscience » ! Cette jeune femme le fait souffrir en faisant fi de son amour. Elle va, elle vient, ne lui laisse aucun répit. Et Louis s’imagine le pire, dès lors qu’elle est loin de lui.

Plongée au cœur de la rancœur

Auguste Duprouy, le cousin d’Hector Bellade, a perdu sa vie par excès de délicatesse. Afin de permettre à ses sœurs de ne pas travailler, il a renoncé à des études prestigieuses et, en même temps, au mariage. Tout ça pour se retrouver seul, comme un idiot, à la fin de sa vie, pour se retrouver mourant de faim… Alors que tous les siens sont morts et enterrés, Auguste vivote. Vivote, au point de se trouver mal, lorsque Hector vient prendre des nouvelles. Et même pas une bouteille « d’eau de Cologne » pour ranimer le pauvre homme. Le dénuement complet et tout ça pour ne « pas déroger » !

Plongée au cœur de la trahison

Lorsque l’on est un charmant petit garçon de 8 ans, aux belles boucles de fille, lorsque l’on se fait moquer de soi à l’école à cause de ses boucles et parce que l'on croit encore au père Noël alors que les autres n’y croient plus depuis longtemps, il y a vraiment de quoi être malheureux. Lorsque Jean de Blaye (le bel enfant bouclé) apprend qu’on lui ment depuis longtemps, il y a de quoi prendre rendez-vous chez le coiffeur. Finies les boucles de bambin. Finies le bel enfant à sa maman. Dans la cour de l’école, Jean n’a désormais plus peur de rien. Pas plus du puissant Campagne (c’est le nom d’un de ses anciens bourreaux), que des autres. En se faisant couper les cheveux, Jean a perdu sa faiblesse. « A dix heures, lorsque nous fûmes lâchés dans la cour, je partis à sa recherche et le trouvai dressé comme un petit David devant le grand Campagne, comme si c’eût été sa faiblesse et non sa force qu’il eût perdu avec sa chevelure. »

Plongées, en bref

Lorsque François Mauriac nous emmène tout au fond de l’océan de nos sentiments, il manque nous faire étouffer. De l’air… Les femmes frivoles se maquillent d’instinct, les pauvres manquent de tout et même d’eau de Cologne, les jeunes garçons, aux allures de petit Lord Fauntleroy, perdent foi en la vie le soir de Noël…

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Mauriac F., Plongées, Les chefs d’œuvre de François Mauriac, Tome 1, Cercle du bibliophile, Bernard Grasset, Paris, 443 pages

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