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Une campagne anti-tabac par la comtesse de Ségur

> 10 septembre 2020

Une campagne anti-tabac par la comtesse de Ségur

Dans Comédies et proverbes,1 la comtesse de Ségur nous entraîne, au gré de son imagination, dans l’atelier d’un menuisier, dans un château à la campagne ou une demeure toute parisienne. Chaque lieu permet à cette grand-mère pédagogue de dresser le décor d’un théâtre qui n’a rien d’imaginaire. On croise ici une institutrice un peu trop sévère (plus vraie que nature), un galérien franchement héroïque (une vraiment belle nature) et un jeune noble (au naturel détestable) guéri de sa fâcheuse tendance au mensonge. L’eau de Cologne est toujours à portée de main. Le baume du Commandeur est immuablement dans la mallette du médecin. Saignées et vésicatoires traitent de la noyade de manière vraiment radicale.

Une éducatrice rigide comme un corset, un peu d’eau de Cologne pour revenir à soi

Mme d’Atale a confié ses deux filles, Alice (10 ans) et Berthe (12 ans) à Mme d’Embrun, une femme dont la réputation n’est plus à faire en matière d’éducation, pendant qu’elle prend les eaux à Vichy avec Mme d’Ulsac. La vieille institutrice a basé tout son système éducatif sur la terreur, les punitions et les privations. A la moindre insolence, les fillettes sont placées dans un cagibi tout noir ; on leur enferme le corps dans une « ceinture de bonne tenue » en fer, importé de New-York. Ce corset, muni d’une mentonnière, meurtrit le corps plus sûrement qu’il ne le redresse. Voyant le supplice enduré par ses petites maîtresses, le vieux et fidèle domestique Guillaume s’empresse de voler l’un de ces objets de torture dans le tiroir du meuble où il est conservé. Il n’a malheureusement pas vu qu’il entraînait en même temps un billet de 1000 francs... On crie au voleur ! Guillaume se trouve mal. Il est soigné par les petites filles qui lui baignent le front et les tempes « d’eau de Cologne et d’eau fraîche ». Melle Octavie, la charmante institutrice de Mathilde et Clémence d’Ulsac, se charge de régler la triste affaire. Au retour de Mme d’Atale, consternation ! Les fillettes sont devenues impossibles ! Le système de Mme d’Embrun ne convient visiblement pas à la comtesse de Ségur qui préfère la manière douce à la manière forte.

Un ex-galérien anti-tabac, beaucoup de baume du Commandeur pour soigner une plaie

Valentin, un ancien forçat, a payé sa dette à la société. Le bagne est derrière lui ; il est désormais un honnête artisan qui se plaît à donner de bons conseils aux jeunes du village. C’est ainsi, par exemple, qu’il tente de convaincre les jeunes de ne pas se mettre à fumer. Il réalise pour ce faire une véritable campagne anti-tabac. « Vous ne savez pas le mal qu’il fait ? les maladies qu’il donne ? et l’argent qu’il coûte ? » A un jeune de 13 ans qui veut sauter le pas, il ajoute : « Si tu m’en crois, tu ne fumeras jamais. Le fumeur dépense son argent, perd son temps, ruine sa santé. »

Alors qu’il vit paisiblement du fruit de son travail, Valentin est rattrapé par son passé à l’occasion d’une rencontre avec un ancien camarade de galère, un surnommé l’Ermite. Celui-ci n’est pas comme Tristan (c’était le nom donné à Valentin au bagne), il continue à vivre de rapines. En s’interposant entre l’Ermite et un gendarme, Valentin reçoit le coup de couteau qui lui est destiné et prouve à tout le village qu’il a bien tourné le dos à ses années crapuleuses. Le médecin, appelé en urgence, comprime la plaie, puis la suture. Après avoir rapproché les chairs, il « verse sur la plaie du baume du Commandeur mélangé d’eau, met une compresse mouillée du même mélange, la maintient fortement au moyen de deux serviettes. »2

Un menteur invétéré, saignées et vésicatoires à la folie

Léonce de Pontisse est un garçon de 14 ans qui ne vit que dans le mensonge ; rien ne semble pouvoir le guérir. Il fait ainsi croire, un jour, à Mme de Ramière, qu’il est enragé, après avoir été soi-disant mordu par le petit chien de sa sœur Gudule. Après s’être rendu compte de la gravité de son acte, il se sauve en cassant un carreau et se trouve dans l’obligation de continuer à mentir... tout ceci mène Gudule au fond d’un puits (elle s’y est jetée afin de retenir Léonce qui manquait d’y tomber). Sauvé par M. de Ramière, Gudule est soumise à un traitement de choc qui la laisse pantelante : 2 saignées, 4 vésicatoires et « 3 semaines sans manger, sans quitter son lit » ! Heureusement Gudule qui a une bonne constitution survit à ses médecins ; Léonce, quant à lui, est guéri définitivement de son horrible défaut.

Un peu, beaucoup, à la folie... la comtesse de Ségur nous fait effeuiller avec jubilation son carnet de recettes médicales. Elles sont toutes là ces recettes démodées qui utilisent selon le cas de la chandelle, du vinaigre, de l’eau de Cologne, des sangsues, des potions et des baumes. Notre bonne grand-mère a réponse à tout et propose des solutions aussi bien pour traiter l’âme que le corps !

Bibliographie

1 Comtesse de Ségur, Comédies et proverbes, Hachette, 1981, 188 pages

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/chez-la-comtesse-sortez-vos-ombrelles-apres-la-pluie-le-beau-temps-1495/

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