Nos regards
Le phénoxyéthanol, saga d’un conservateur sûr d’emploi

> 09 septembre 2020

Le phénoxyéthanol, saga d’un conservateur sûr d’emploi

Le phénoxyéthanol (nom INCI : Phenoxyethanol, nom IUPAC : 2-phenoxyethan-1-ol, CAS 122-99-6 , EC 204-589-7) est un conservateur retrouvé dans un grand nombre de cosmétiques car bien utile du fait de son efficacité.1 Cet alcool primaire peut également être classé dans le groupe des ingrédients de parfum. C’est un liquide incolore avec une légère odeur de rose, mais que l’on peut qualifier aussi de « métallique », de tenue assez médiocre.2

Les polémiques au centre desquelles il se trouve nous obligent à nous intéresser de près à lui et à faire toute la lumière sur cet ingrédient.

Le phénoxyéthanol, des usages parfumés

Le phénoxyéthanol, un conservateur antimicrobien à large spectre, est autorisé dans l’Union Européenne. Il est efficace vis-à-vis de diverses bactéries, aussi bien à Gram négatif (Pseudomonas aeruginosa, par exemple) que Gram positif (comme Staphylococcus aureus), mais aussi vis-à-vis de levures telles que Candida albicans.1 En raison de son efficacité, le phénoxyéthanol est utilisé depuis longtemps dans des médicaments (des vaccins) dont il permet d’assurer la conservation.

Le phénoxyéthanol est un ingrédient odorant, utilisé dans de nombreuses compositions parfumantes. On le retrouve ainsi dans de nombreux cosmétiques, mais également dans des produits nettoyants ménagers et des détergents, dans lesquels sa présence a deux finalités.

Le phénoxyéthanol, un conservateur qui ne perturbe pas le microbiote

Même à des concentrations où il est susceptible d’inhiber Staphylococcus aureus ou Escherichia coli, le phénoxyéthanol est sans conséquences sur les bactéries résidentes de la peau.3

Des études unanimes au sujet du phénoxyéthanol

Toutes les études réalisées sur le phénoxyéthanol sont extrêmement rassurantes.

Commençons par le commencement : par une étude de toxicité aiguë par voie orale chez le rat, la DL50 du phénoxyéthanol a été évaluée à 2,0 g/kg.4 Chez le rat, le phénoxyéthanol à dose non létale est complètement absorbé après administration par voie orale et l’excrétion par les urines est rapide, sous forme d’acide phénoxyacétique et de ses conjugués. Il en est de même après administration topique, le phénoxyéthanol est rapidement absorbé par la peau et métabolisé et excrété dans l’urine.5,6

On n’a pas à craindre de phénomène d’irritation. En effet, aucune réaction n’a été observée lors d’un patch-test réalisé avec 1,0 % de phénoxyéthanol dilué dans de la vaseline chez 2736 patients. Il n’y a pas non plus de réactions chez 130 patients chez qui ont été testées des préparations renfermant respectivement 1,5 et 10,0 % de phénoxyéthanol.7

Lors d'une étude réalisée il y a une vingtaine d’années avec 1 % de phénoxyéthanol chez 8521 patients et portant sur un test diagnostique, on a observé seulement 8 réactions.8 Ces résultats sont conformes à ce que l’on peut observer en pratique avec de très rares cas de sensibilisation au phénoxyéthanol.

On aboutit également à la conclusion que le phénoxyéthanol n’est ni phototoxique,8 ni mutagène.9

Mais alors, que lui reproche-t-on ?

Le phénoxyéthanol est incriminé à tort, suite à une confusion faite entre lui et d’autres éthers de glycol, comme l’éther éthylique d’éthylène glycol ou l’éther méthylique d’éthylène glycol qui sont considérés comme toxiques pour la reproduction et ont, de ce fait, été interdits en Europe par le règlement européen (CE) N° 1272/2008. On doit avoir présent à l’esprit que les éthers de glycol sont une vaste famille de solvants divisée en deux sous-familles, celle des éthers d’éthylène-glycol (série E) et celle des éthers de propylène-glycol (série P). Dans la série E, on trouve un certain nombre de molécules pour lesquelles des effets préoccupants (atteintes hématologiques et toxicité pour la reproduction) ont été démontrés, alors même qu’ils pénètrent facilement par voie cutanée.10 Sont ainsi concernés l’EGME (Ethylène Glycol méthyl Ether), l’EGEE (Ethylène Glycol Ethyl Ether), le DEGDME (DiEthylène Glycol DiMéthyl Ether), le EGDME (Ethylène Glycol Diméthyl Ether) et leurs acétates qui peuvent provoquer des effets sur la reproduction avec infertilité masculine et/ou le développement du fœtus.11

… mais ce n’est pas parce qu’on appartient à une même famille, que l’on a tous les défauts des autres membres…

Que les personnes à qui le phénoxyéthanol fait peur cessent immédiatement de consommer des avocats, des endives, des mangues et de boire du thé… le phénoxyéthanol étant présent dans ces aliments et boisson !12

Bibliographie

1 Puschmann J, Herbig ME, Müller-Goymann CC. Correlation of antimicrobial effects of phenoxyethanol with its free concentration in the water phase of o/w-emulsion gels. Eur J Pharm Biopharm. 2018;131:152-161.

2 Arctander, S., 1969. Perfume and Flavor Chemicals (Aroma Chemicals). Volume I, No. 1223. S. Arctander, Montclair, New Jersey.

3 Wang Q, Cui S, Zhou L, et al. Effect of cosmetic chemical preservatives on resident flora isolated from healthy facial skin. J Cosmet Dermatol. 2019;18(2):652-658.

4 RIFM (Research Institute for Fragrance Materials Inc.), 1978a. Acute toxicity studies in rats, mice, rabbits, and guinea pigs. RIFM report number 1699, October 03 (RIFM, Woodcliff Lake, NJ, USA).

5 Howes D. Absorption and metabolism of 2-phenoxyethanol in rat and man. Cosmet. Toiletries 1988 ; 103 (9) 75.

6 Howes, D., 1988b. Absorption and metabolism of 2-phenoxyethanol in rat and man. Presented at IFSCC Congress – London, Sept. 26–29, 1988. Paper No. 30, 415–434.

7 Scognamiglio J, Jones L, Letizia CS, Api AM. Fragrance material review on 2-phenoxyethanol. Food Chem Toxicol. 2012;50 Suppl 2:S244-S255.

8 Goossens A, Claes L, Drieghe J, Put E. Antimicrobials: preservatives, antiseptics and disinfectants. Contact Dermatitis. 1998 ; 39 (3) 133-134.

9 Maron D, Katzenellenbogen JAmes BN. Compatibility of organic solvents with the salmonella/microsome test. Mutat. Res.-Reviews Mutat. Res. 1981 ; 88, 343-350.

10 Inrs, Les éthers de glycols, Fiche solvants ED 4222

11 https://travail-emploi.gouv.fr/sante-au-travail/prevention-des-risques-pour-la-sante-au-travail/autres-dangers-et-risques/article/ethers-de-glycol

12 VCF (Volatile Compounds in Food): database/Nijssen, L.M., Ingen-Visscher, C.A. van Donders, J.J.H. Eds., – Version 11.1.1 – Zeist (The Netherlands): TNO Quality of Life, 1963–2009.

 

Retour aux regards