> 11 octobre 2023
« Un démaquillant qui se vend comme des petits pains… », nous dit Gala, le 25 février dernier. Le tarif du pain a visiblement augmenté dans de grandes proportions, sans que l’on s’en rende bien compte. En effet, l’eau démaquillante en question est vendue au tarif de 19,90 euros les 290 mL,1 soit 69 euros le litre !
Quid de cette eau démaquillante What Matters ?
Pour cette coquette somme, on dispose d’une eau micellaire à la base lavante douce (c’est indéniable, puisque c’est un ester de sucre qui a été choisi), riche en glycérine, un humectant que l’on ne présente plus.2 Un peu d’extrait d’aloe vera, un parfum, un adaptateur de pH (l’acide citrique) et un drôle d’ingrédient au nom à rallonge complète la formule !
Leuconostoc/Radish Root Ferment Filtrate. Quesaco ? L’inventaire européen, qui en connaît un rayon en matière d’ingrédients cosmétiques, n’est pas sec sur le sujet… Cette matière première consiste en « un filtrat du produit obtenu par la fermentation des racines de Raphanus sativus par le micro-organisme Leuconostoc ». Raphanus sativus… le radis. Un radis qui sert de substrat (sans beurre, sans sel) à une bactérie lactique du genre Leuconostoc, afin de mettre au point une soupe d’ingrédients aux propriétés « anti-séborrhéique » et « antimicrobiennes »,3 pas complètement sans reproche si l’on en croit certaines sources.
En ce qui concerne ce filtrat, on ne pourra pas passer sous silence cet intéressant article paru en 2015 dans la revue J. Agric. Food Chem. Les auteurs (des Américains et des Canadiens) y font part de leur doute quant à la naturalité de ce « conservateur » présenté comme un ingrédient à large spectre. Partant du constat que certains extraits de pamplemousse, présentés, eux aussi, comme des conservateurs à la naturalité indéniable renfermaient en réalité du chlorure de benzéthonium (un tensioactif cationique, à caractère antiseptique, listé en Annexe V du Règlement (CE) N°1223/2009),4 les auteurs s’interrogent quant à la « virginité » du produit de fermentation dudit radis. Ingrédient adultéré à l’aide de conservateurs bien connus ou bien soupe moléculaire renfermant des molécules à propriétés antimicrobiennes telles que des peptides fabriqués avec amour par le germe sélectionné ? La question est finalement simple : quelle est la composition de ce filtrat ? Les molécules antimicrobiennes qui y sont retrouvées sont-elles à mettre sur le compte d’une bactérie laborieuse exploitée par l’Homme afin de combler les désirs de naturalité de consommateurs chez qui le mot « radis », « bactérie », « biotechnologie » raisonnent comme les cloches tibétaines appelant à la méditation ou bien sont-elles tout bêtement ajoutées, secrètement, dans le jus afin d’en augmenter la valeur ajoutée en passant par la case « pétrochimie » est-il bon de préciser ?
Pour en avoir le cœur net, les auteurs de l’étude se sont procuré un extrait de filtrat (Leucidal liquid®),5 puis l’ont soumis à la question en lui faisant faire connaissance avec une résine échangeuse d’ion, avec une colonne de HPLC, des spectromètres de masse. Un laboratoire anglais d’archéologie a même été associé à la recherche, afin de dater au carbone 14 les molécules retrouvées dans le filtrat.
Selon les lots testés, les teneurs en acide salicylique et en chlorure de didécyldiméthylammonium variaient respectivement de 0,12 à 0,31 g/50 mL et de 8 à 16 mg/50 mL. Par ailleurs, les archéologues chargés de dater ces deux ingrédients flairèrent dans ces ingrédients la trace d’ancêtres pétrolifères, ayant quelques années au compteur (entre 20 000 et 50 000 ans au bas mot !).
Les auteurs concluent en indiquant avoir échoué à trouver des peptides antimicrobiens d’origine microbienne.6
Nous pouvons à notre tour conclure qu’il ne faut pas forcément se gargariser en voyant dans la liste des noms INCI un filtrat bactérien. Certains cachent en leur sein des ingrédients ajoutés après coup, histoire de booster un effet conservateur un peu trop mou par ailleurs.
Que dire encore au sujet de cette formule ? Qu’elle ne nous semble pas accessible à celles et ceux n’ayant pas un radis… ou n’aimant pas les radis ou ne supportant pas les radis.
A la place, on conseillera plutôt l’eau micellaire hydratante Jonzac (21 euros le litre),7 ou l’eau micellaire hydratante Diadermine (13,5 euros le litre) !8
3 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=57171
4 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=32132
5 https://www.ulprospector.com/fr/asia/PersonalCare/Detail/30341/599741/Leucidal-Liquid
6 Li J, Chaytor JL, Findlay B, McMullen LM, Smith DC, Vederas JC. Identification of didecyldimethylammonium salts and salicylic acid as antimicrobial compounds in commercial fermented radish kimchi. J Agric Food Chem. 2015 Mar 25;63(11):3053-8
8 https://www.carrefour.fr/p/eau-micellaire-hydratante-diadermine-3178041317566
Eau démaquillante bio What Matters : Aqua, glycerin, coco-glucoside, leuconostoc/radish root ferment filtrate, parfum, citric acid, aloe barbadensis leaf extract* *ingrédient issu de l'agriculture biologique
Eau micellaire hydratante Jonzac : Aqua, anthemis nobilis flower extract, glycerin, polyglyceryl-4 caprate, betain, sodium levulinate, lactobacillus ferment, sodium benzoate, parfum, lactic acid, sodium hydroxide.
Eau micellaire Diadermine hydratante : Aqua, dipropylene glycol, glycerin, poloxamer 184, panthenol, cocamidopropyl betaine, sodium hyaluronate, camellia sinensis leaf extract, PEG-40 hydrogenated castor oil, sodium chloride, citric acid, propylene glycol, pantolactone, parfum, sodium benzoate.
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