> 23 mars 2024
Tout n'est pas rose dans la vie de... M. Rose,1 puisque le voilà jeté sur les routes de France, au décours de la Seconde Guerre mondiale. Lui qui a accumulé une fortune, n’a vécu que pour son bon plaisir, lui qui vit dans l’aisance, entretenant une jolie maîtresse, « stupide », mais peu encombrante… le voilà comme un vagabond, ne sachant pas où il reposera la tête le soir ! Une transformation va s’opérer…
Autrefois, M. Rose, un fringant jeune homme, a failli épouser une tendre jeune fille, Lucie Maillard. Une jeune fille, toute simple, qui mettait un « y » à la fin de son prénom, pour faire plus chic. Une fille qui ne boudait pas les cosmétiques pour sortir… « Quand il revit la jeune fille, il la plaisanta sur sa manière d’orthographier son nom et sur le vernis rouge dont elle recouvrait ses ongles. » Ces ongles rouges, que la jeune fille porte parfois à sa bouche comme une écolière. Des ongles qui, sans le vernis, seraient, impitoyablement rongés ! Une jeune fille dont les lèvres ont un goût sucré de « praline » et dont le parfum émeut le brave M. Rose ! Une émotion fugace, qui n’aboutit, toutefois, pas à un mariage. Bien qu’ayant promis le mariage à la fraîche jeune fille, M. Rose recule devant l’avancée de l’ennemie. Surtout, ne pas se faire avoir, conserver sa liberté !
Aujourd’hui, en juin 1940, M. Rose a réuni ses affaires les plus précieuses, est monté dans sa voiture avec chauffeur et a pris la route de l’exode. Au bout de 48 heures d’errance, le pauvre homme, qui a perdu son chauffeur dans la cohue, se retrouve en bien piètre situation. « […] avec son linge gris, son costume froissé, ses souliers poudreux, M. Rose qui ne s’était ni lavé ni rasé depuis l’avant-veille, ressemblait à un clochard. »
Sur la route, M. Rose rencontre un jeune étudiant, Marc Beaumont. Tous deux se soutiennent dans l’adversité, trouvant le réconfort dans une fraternité de chaque instant.
Il a fallu une guerre pour que M. Rose s’humanise. Pendant que d’autres devenaient fous et inhumains, M. Rose, ni lavé, ni rasé, ni peigné, retrouvait la part d’humanité, bien cachée dans un repli de son âme ! En 48 heures chrono, cet homme a changé du tout au tout !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.
1 Némirovsky I., M. Rose in Dimanche et autres nouvelles, Stock, 2005, 371 pages
Retour aux regards