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Quand un expert en droit criminel américain croit en remontrer à l’un de ses homologues européens

> 14 mai 2022

Quand un expert en droit criminel américain croit en remontrer à l’un de ses homologues européens

Cyrus A. William Leacok est un policier sûr de lui, sûr de ses méthodes et ce n’est pas ce commissaire Tarchinini de Vérone qui va lui apprendre son métier… c’est toutefois ce qu’il pense en arrivant en Italie !1 Les circonstances vont l’amener à pas mal changer d’avis et à se remettre en question…

Leacok, un sujet brillant

Diplômé de Harvard, Leacok est un jeune trentenaire, « grand et blond », qui ne badine pas avec l’hygiène. « Depuis son débarquement sur le vieux continent, il vivait dans un mépris profond à l’égard d’un monde dont la crasse semblait faire partie intégrante. » Cet état d’esprit va jusqu’à lui faire tremper les lèvres, presque avec dégoût, « dans le bardolino », ce vin rouge italien, « dont la violence lui rendait plus chère l’hygiénique insipidité du coca-cola ». Cela va sans dire que dès le réveil, il se « rince la bouche » et « se donne un coup de peigne ».

Tarchinini, un commissaire véronais parfumé

Même de bon matin, Roméo Tarchinini laisse dans son sillage des « effluves parfumés ». Nous n’en saurons pas plus…

Le mort, quelqu’un de « sympathique »

Quand Leacok vit le cadavre, il « le trouva sympathique », ce « corps replet qui ne portait aucune marque de violence. » « Un homme pas beau », « Rasé presque de frais, tout en lui disait l’homme de mesure ». Tarchinini va savoir exploiter des précieux indices : « Notre homme avait des traces minimes de savon à barbe dans les replis de l’oreille gauche, du savon de coiffeur ». La victime s’est-elle suicidée ? On verrait quand même mal « un homme décidé à mourir se rendre chez le coiffeur pour se faire raser… »

La signora Mica Rossi, la toute récente veuve

Une drôlesse celle-là… De l’avis même de sa concierge, « Ses robes, ses cheveux, ses ongles, voilà son seul souci. » Si son défunt mari était plutôt laid, Mica, en revanche, « est vraiment mignonne » ; elle « se révélait charmante ». Une « trop jolie veuve », en fait ! « Les marques laissées par le rouge à lèvres de Mica » sur le visage de Leacok ne seront vraiment pas du goût de sa fiancée américaine, Valérie Pearson, arrivée à l’improviste des Etats-Unis. Et on comprend, ô combien, sa réaction !

Le coiffeur du mort

Eugenio Rossi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, peu de temps avant sa mort « avait découvert un magasin de coiffure fort sympathique ». S’agissait-il du « salon de coiffure di Martino », situé sur la « via Stella ». Le patron « était un bel homme encore plus parfumé que Tarchinini »… c’est dire ! Mais ne faudrait-il pas chercher plutôt du côté du « salon de coiffure » de Vincenzo Matteini ? « Curieux personnage, doué d’une remarquable exubérance pileuse se traduisant par une chevelure romantique grisonnante, une moustache épaisse et des joues bleues, sans oublier les poils qui lui sortaient des oreilles et des narines. Sur les doigts, un duvet sombre s’étendait jusqu’à la racine des ongles. » On pouvait dire de lui que c’était un « coiffeur poilu » ! Dans ses vitrines, scintillaient « toutes sortes de flacons et de tubes. »

La signora Grinda, une accorte fille de coiffeur

« Elle se présentait sous l’aspect d’une robuste femme, grande, avec des épaules larges, le visage à peine marqué. Le sourcil épais rappelait l’exubérance pileuse de son père. Elle avait de beaux yeux et un sourire qui la rajeunissait. »

Celle qui fera oublier Valérie

Leacok, par hasard, rencontre une toute jeune femme « rudement jolie », alors qu’elle est en train de se faire voler son sac. Nous apprendrons qu’elle s’appelle Giulietta (cela ne s’invente pas à Vérone !) et « qu’elle était encore plus jolie dans la lumière du jour que dans l’ombre de la rue nocturne. »

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour l'illustration de cette enquête italienne.

Bibliographie

1 Exbrayat. Chewing-gum et spaghetti, Les classiques du masque, 2008, 478 pages

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