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Les sels d’aluminium, des ingrédients qui méritent une réglementation

> 15 janvier 2020

Les sels d’aluminium, des ingrédients qui méritent une réglementation

Aujourd’hui, avant de refermer le chapitre consacré aux sels d’aluminium, nous réalisons un point sur la réglementation de cette catégorie d’ingrédients et présentons brièvement les recommandations que nous préconisons.

Les sels d’aluminium, une absence cruelle de réglementation

Les sels doubles d’aluminium et de zirconium sont, actuellement, les seuls à avoir une dose d’emploi limitée. Pour en savoir plus, il suffit de se rendre au numéro d’ordre 50 de l’Annexe III du Règlement (CE) N°1223/2009. On y apprend que ces sels sont réglementés à hauteur de 20,0 %, soit 5,4 % en zirconium et ne peuvent pas être utilisés dans un produit présenté sous forme d’aérosol. En matière d’avertissement, on doit faire figurer sur le conditionnement du produit la mention « Ne pas appliquer sur la peau irritée ou endommagée ». Ces sels doubles sont généralement bien tolérés ; de rares cas de granulomes cutanés sont toutefois signalés.1 Les produits cosmétiques présents sur le marché en renfermant se comptent sur les doigts d’une main. Pour notre part, nous n’avons signalé à ce jour que le déodorant brut de Fabergé qui, à ce titre, porte bien son nom (de brute !).2

Rappelons qu’en 2011, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de santé (AFSSaPS) devenue depuis l’Ansm avait préconisé de restreindre « la concentration d’aluminium dans les produits anti-transpirants ou déodorants à 0,6 %. Cette valeur étant volontairement exprimée en aluminium, afin qu’elle puisse s’appliquer aux différentes formes utilisées dans les produits cosmétiques ; de ne pas utiliser les produits cosmétiques contenant de l’aluminium sur peau lésée étant donné la forte absorption rapportée dans ces conditions. Il était jugé nécessaire d’informer le consommateur que les produits anti-transpirants ou déodorants ne doivent pas être utilisés après le rasage ou en cas de lésion de la peau de type microcoupures. ».3 On peut s’étonner de l’évocation de l’aluminium dans les déodorants, ceux-ci ne devant logiquement pas être confondus avec les anti-transpirants.

En 2014, notre collègue, le professeur Alain Pineau appelait de ses vœux une réduction de la quantité d’aluminium contenue dans les anti-transpirants et souhaitait voir la dose limite de 0,6% proposée par l’AFSSaPS réellement imposée. Il espérait également voir figurer sur les emballages des avertissements concernant la peau rasée ou lésée.4

En 2019, le SCCS considère que les sels d’aluminium incorporés dans les cosmétiques sont sûrs d’emploi, dès lors que l’on respecte des doses limites d’emploi, à savoir 6,25 % d’aluminium pour les antitranspirants ne se présentant pas sous forme de spray, 10,60% d’aluminium pour les antitranspirants en spray, 2,65% d’aluminium dans les dentifrices et 0,77 % d’aluminium pour les sticks labiaux.5 On est loin de la concentration de 0,6 % évoquée un temps par les autorités de santé françaises !

Les sels d’aluminium, en bref, et avec quelques recommandations

Les cosmétiques destinés à lutter contre les odeurs corporelles appartiennent à deux catégories bien distinctes, que sont les déodorants (cosmétiques ne modifiant pas le volume de sueur émis) et les antitranspirants (cosmétiques modifiant le volume de sueur émis). Si la théorie est extrêmement claire et facile à comprendre, la pratique l’est nettement moins. En effet, l’industrie cosmétique propose un trop grand nombre de références de déodorants contenant des sels d’aluminium et qui sont donc en réalité des antitranspirants. C’est le cas, par exemple, de certains déodorants Bourjois,6 Rogé Cavaillès,7 Rexona,8 Nuxe,9 Poca bana,10 Fa11 etc etc… Dans les publications scientifiques, ce n’est guère mieux. C’est ainsi qu’au chapitre de l’hygiène, lorsque Ficheux et al s’intéressent au mode de consommation cosmétique, on trouve référence à des aérosols (antitranspirants) et à des déodorants (roll-on, stick) comme si la forme galénique était capable d’influer sur la nature du produit. Si cette étude met le doigt, une fois de plus, sur la difficulté de savoir, en vérité, ce que les Français utilisent réellement au quotidien, elle a l’avantage de montrer l’influence du conditionnement couplé à la galénique sur la quantité déposée sur la peau. La forme aérosol semble, contre toute attente, la forme la plus « généreuse » puisqu’elle entraîne le dépôt sur la peau de 1300 mg de produit par application chez la femme et de 1390 mg de produit chez l’homme. Le flacon à bille vient en deuxième position avec un dépôt de 1012 mg par application chez la femme et de 1008 mg chez l’homme. Le stick arrive bon dernier avec un dépôt de 607 mg par application chez la femme et de 627 mg chez l’homme.12 Ces résultats corroborent les résultats d’une enquête européenne menée sur la période 2004–2005 (3,72 g appliquée en moyenne par jour dans le cas d’un spray et 0,898 g par jour pour les autres conditionnements).13

Comme on l’aura constaté, il serait imprudent d’imputer aux sels d’aluminium un rôle décisif dans la survenue de pathologies telles que la maladie d’Alzheimer ou le cancer du sein. On se rend compte, a contrario, que des antitranspirants peuvent permettre une meilleure tolérance de certains traitements.

En ce qui concerne l’industrie, il semble indispensable d’arriver à clarifier la situation entre déodorant (le VRAI, sans sel d’aluminium, sans molécules astringentes) et antitranspirant. Un effort d’étiquetage est attendu afin de pouvoir choisir ce type de produit en toute connaissance de cause. Un effort en matière de formulation s’avère également nécessaire afin de choisir parmi différentes formules réalisées celle qui présente le risque de passage transdermique le plus faible.

En ce qui concerne le consommateur, il semble indispensable d’apprendre à se connaître et de vérifier si l’utilisation d’un antitranspirant est vraiment nécessaire ou non. Il y a de fortes chances qu’un déodorant soit bien suffisant dans bon nombre de cas. Les problèmes survenant lors d’utilisation intensive (utilisation d’un antitranspirant tous les jours, plusieurs fois par jour, pendant des années, sur peau lésée), non habituelle et pouvant être considérée comme des formes de mésusage, il faudra s’astreindre à respecter le mode d’emploi et à ne pas associer épilation/dépilation/usage d’anti-transpirant.

Bibliographie

1 Andrew D. Montemarano, Purnima Sau, Frank B. Johnson, William D. James, Cutaneous granulomas caused by an aluminum-zirconium complex: An ingredient of antiperspirants, Journal of the American Academy of Dermatology, 37, 3, 1997, Pages 496-498

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/l-anti-transpirant-brut-de-faberge-il-a-tout-d-une-brute-829/

3 https://www.ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/ad548a50ee74cc320c788ce8d11ba373.pdf

4 Alain Pineau, Bernard Fauconneau, André-Pascal Sappino, Roger Deloncle, Olivier Guillard, If exposure to aluminium in antiperspirants presents health risks, its content should be reduced, Journal of Trace Elements in Medicine and Biology, 28, 2, 2014, Pages 147-150

5 https://ec.europa.eu/health/sites/health/files/scientific_committees/consumer_safety/docs/sccs_o_235.pdf

6 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/deodorant-bourjois-no-defaut-vraiment-148/

7 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/les-deodorants-roge-cavailles-ou-le-melange-des-genres-335/

8 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/deodorant-rexona-n-1-dans-le-monde-sans-doute-mais-pas-pour-nous-356/

9 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/deodorant-nuxe-longue-duree-cherchez-l-erreur-361/

10 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/poca-bana-by-roval-le-deodorant-qui-en-fait-est-un-anti-transpirant-862/

11 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/deodorants-et-anti-transpirants-fa-attention-a-faire-le-bon-choix-873/

12 A. S. Ficheux, G. Chevillotte, N. Wesolek, T. Morisset, A. C. Roudot, Consumption of cosmetic products by the French population second part: Amount data, Food and Chemical Toxicology, 90, 2016, Pages 130-141

13 B. Hall, S. Tozer, B. Safford, M. Coroama, M. Gibney, European consumer exposure to cosmetic products, a framework for conducting population exposure assessments, Food and Chemical Toxicology, 45,11, 2007, Pages 2097-2108

 

 

 

 

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