> 10 décembre 2017
Louise, une jeune fille de quinze ans à la « bouche framboisée », est un modèle cosmétique pour Colette (Le tendron, 1944). Cette jeune fille « authentique » a toutes les caractéristiques d’un fruit...
Louisette semble sortir d’un ouvrage de botanique. Colette emploie, pour la décrire, un vocabulaire plutôt habituellement réservé à la description des plantes grasses. « Louisette n’était qu’une jeune fille fleurie de toutes parts [...] ». Elle possède « une rondeur » « portée à un point de succulence extraordinaire. »
Louisette ne trafique pas sa beauté. Elle est rousse et pleine d’éphélides qu’elle ne cherche pas à faire disparaître. « Une blonde, même un peu plus que blonde, à la limite de la rousseur, des grains de son sur les joues et le front, les cils couleur de feu. Mais rien des roux albinos, au contraire une vigueur extraordinaire de teint sous une volée de taches de son, et les yeux sablés, comme les joues, de petits grains marron sur un iris gris-vert. »
Louisette ne connaît pas les produits de protection solaire. Elle se laisse bronzer par le soleil. Cette jeune paysanne n’est, toutefois, pas à confondre avec une « fille bronzée des plages ». Son bronzage est de type agricole, c’est-à-dire limité aux parties découvertes de son corps. D’ailleurs, elle ignore le maillot de bain. Le soleil hâle son visage (« coloris triomphant de la figure ») et lui donne cet effet « bonne mine » promis par les terres de soleil. Le rayonnement ultra-violet se glisse dans son décolleté, pour y dessiner un « petit triangle hâlé dans l’ouverture de la chemisette ».
Louisette ne connaît pas le parfum. « Pas d’autre parfum que la fragrance un peu roussotte des cheveux. Aux instants d’émotion, je respirais sur elle l’odeur de cette plante... allons cette papilionacée à fleurs roses... qui sent la blonde en moiteur... La bugrane, merci. » Pour Colette la « blonde qui transpire » possède une odeur animale. La bugrane n’est pas une plante traditionnellement utilisée en parfumerie. On lui prête une odeur fade, rance ou bien de bouc ou même encore de crottes d’ânes ! Louisette est une femme odoriférante. Conseillons-lui si, toutefois, elle consent un jour à se parfumer à ne pas faire de « gaffe » et à choisir un parfum pour blondes, c’est-à-dire un parfum « suave », à base de violette, de lys, de rose, de jasmin, d’oeillet, de magnolia, de lilas blanc, d’héliotrope, de vanille, de muguet des bois... tel est le conseil de Paul Devaux dans son ouvrage « Les auxiliaires de la beauté » (1887) !
Louisette ne connaît que le khôl, ce cosmétique à la mine dure qui permet d’agrandir le regard en deux temps trois mouvements. « [...] elle avait prolongé l’angle extérieur de ses paupières au moyen de deux petits traits de crayon. »
La morale de l’histoire est toute simple : pour être belle comme un tendron... une seule solution « être un tendron ». Aucun cosmétique aussi gourmand soit-il ne pourra permettre d’atteindre la succulence des jeunes années !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, qui nous offre aujourd’hui un collage que l’on n'ose pas dire « beau comme un camion » !!!