> 05 mai 2024
C’est la leçon que nous donne Truman Capote, dans un très court roman intitulé La maison des fleurs.1 L’histoire se situe à Port-aux-Princes, dans une maison close dénommée « Les champs Elysées ».
Ottilie, une jeune fille pleine de qualités y est la coqueluche des habitués, qui apprécie la douceur de sa peau et la douceur de son caractère.
Ottilie a la peau claire. Une peau de métisse, qui fait dire à ses clients qu’elle est d’une « ravissante couleur à peine teintée ». Ses yeux sont « presque bleus » !
Baby est une pensionnaire de la maison close qui est toute en rondeur. Ses dents sont noires et ses ongles laqués.
Rosita est une pensionnaire de la maison close qui est grande et forte comme une armoire normande !
La patronne de la maison close est une vieille femme, qui garde la chambre. Une « invalide », qui reste cloitrée dans ses appartements, « en buvant de 10 à 20 Coca-Cola par jour » !
Lorsque Royal Bonaparte débarque aux Champs-Elysées, le cœur d’Ottilie se met à battre plus vite que de coutume. Ce client très beau la fait littéralement fondre, au point qu’elle décide de tout plaquer pour suivre le paysan en question.
Précisons que Royal est de « couleur de gingembre, la peau brillante comme un citron et lisse comme une feuille de goyave ». Comment résister, dans le fond, à un tel cocktail vitaminé ?
Royal et Ottilie s’aiment d’amour et se marient bien vite, même si la belle-mère n’est guère favorable à cette union et regarde ce couple d’un œil qui n’a rien de très bienveillant. Un mauvais œil, en somme !
Ottilie mène auprès de Royal une vie bien différente de celle qu’elle vient de quitter. Pourtant, rien n’y fait, elle restera fidèle à son époux.
Et ce n’est ni Baby ni Rosita qui fera flancher sa décision. Venues récupérer Ottilie, les deux amies repartiront bredouilles.
« Ottilie était impressionnée, elle aussi, car il y avait longtemps qu’elle n’avait vu des lèvres peintes ou respiré de parfum en flacon ».
Ottilie ne cédera pas aux sirènes du passé. Elle restera sourde aux promesses cosmétiques, qui lui sont faites. Désormais, elle n’a besoin de rien d’autres que de quelques feuilles d’eucalyptus à mâcher, afin de « parfumer l’haleine » !
Ottilie n’a pas eu une vie facile, jusqu’à ce que ses pas croisent ceux de Royal. Un amour fou, qui ne demande rien aux cosmétiques. Rien, si ce n’est quelques feuilles à mâcher, pour lutter contre l’halitose et conserver une haleine de rêve !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.
1 Capote T., La maison des fleurs in Petit déjeuner chez Tiffany, Folio, Gallimard, 2010, 188 pages
Retour aux regards