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Le rétinaldéhyde, l’ingrédient anti-âge qui nous en met plein les yeux !

> 06 mai 2024

Le rétinaldéhyde, l’ingrédient anti-âge qui nous en met plein les yeux !

Plus puissant que le rétinol,1 moins puissant que l’acide rétinoïque,2 utilisé seul ou bien associé à des extraits végétaux ou à des molécules possédant des effets rétinol-mimétique,3 le rétinaldéhyde est présenté, par certains auteurs, comme un excellent actif anti-âge.4 Il est, de ce fait, employé dans le domaine cosmétique depuis les années 1990.5 En 2023, il est adoubé par des équipes suisses qui le font entrer dans le cercle fermé des substances sérothérapeutiques, c’est-à-dire capable d’agir sur les cellules sénescentes.6 Sachant que cet actif anti-âge possède également un effet antibactérien7 et que le rétinol est en passe d’être réglementé, l’industrie cosmétique risque fort de se tourner plus largement vers cet ingrédient qui, pour l’instant, échappe à toute réglementation. Un petit tour dans la littérature scientifique s’impose donc !

Une histoire de statut

Lorsque l’on met les pieds dans le domaine de la vitamine A, il est question de génération, de récepteur, de conversion et de statut… en effet, si le rétinol (vitamine A) peut être utilisé dans le domaine cosmétique de même que sa forme aldéhyde ou ses esters (palmitate, propionate, acétate, rétinoate, N-formylaspartamate…), il n’en est pas de même de l’acide rétinoïque (vitamine A acide ou trétinoïne) qui est interdit et réservé au domaine médical.

La trétinoïne (acide trans-rétinoïque), l’isotrétinoïne (acide 13-cis-rétinoïque) et l’alitrétinoïne (acide 9-cis-rétinoïque) constituent avec le rétinol, le rétinaldéhyde et les esters de rétinyle, les rétinoïdes de première génération. Pour être actifs, ces ingrédients doivent être convertis en acide rétinoïque (sauf pour la trétinoïne qui n’est autre que de l’acide rétinoïque).

Les rétinoïdes de deuxième génération sont l’étetrinate, l’acitrétine et le motrétinate. Pour la troisième génération, on signale le tazarotène, l’adapalène, le baxarotène. Enfin, en quatrième génération, le trifarotène et le sélétinoïde G.8 Ces substances sont directement actives, sans avoir besoin d’être transformés au niveau de l’organisme.

Une histoire de conversion

Pour les rétinoïdes de première génération, il est bon de rappeler que tout converge vers l’acide rétinoïque. Les esters appliqués localement sont hydrolysés au niveau cutané, afin de libérer le rétinol, qui va être oxydé en rétinaldéhyde, puis en acide rétinoïque, le composé biologiquement actif, par des enzymes (les déshydrogénases). Pour aboutir à la molécule active, il faut donc mobiliser selon les cas deux ou trois enzymes. Les esters de rétinyle sont hydrolysés par une estérase (et de 1 !). Le rétinol ainsi libéré est oxydé par une alcool-déshydrogénase (et de 2 !). Le rétinaldéhyde qui en découle est, lui-même, oxydé par une aldéhyde-déshydrogénase, afin de donner naissance au si attendu acide rétinoïque.

On comprendra dans ces conditions que plus l’on se tient loin de l’acide rétinoïque, moins l’action est importante.

On peut donc classer les rétinoïdes par ordre d’efficacité croissante et on trouve logiquement dans l’ordre : les esters de rétinyle, le rétinol, le rétinaldéhyde et l’acide rétinoïque.

Tout en sachant qu’au niveau cutané, le rétinaldéhyde est également capable d’être estérifié pour donner naissance à des esters de rétinyle qui, au fur et à mesure, pourront être convertis en acide rétinoïque constituant donc, au niveau cutané, un réservoir de vitamine A.9-11

Et si l’on s’intéresse cette fois à l’innocuité de ces substances, on raisonnera en sens inverse avec du moins bien toléré ou mieux toléré : l’acide rétinoïque, le rétinaldéhyde, le rétinol et les esters de rétinyle.8

En matière de conversion du rétinol ou du rétinaldéhyde en acide rétinoïque, il est difficile de savoir ce qui se passe concrètement, puisque l’on sait que certains ingrédients cosmétiques comme le citral sont capables d’inhiber cette conversion.12

Une histoire d’efficacité anti-âge

Les effets anti-âge des cosmétiques renfermant des rétinoïdes sont liés à la promotion de la prolifération des kératinocytes et à l’augmentation de la synthèse de collagène,13 ainsi qu’à l'inhibition de sa dégradation.

Les rétinoïdes agissent via les récepteurs de l'acide rétinoïque (RAR-α, -β, -γ) et des rétinoïdes-X (RXR-α, -β, -γ).8

On note également un effet éclaircissant,14,15 intéressant dans le cadre du traitement des taches cutanées (lentigines solaires) liées à l’âge.16 Des cocktails éclaircissants peuvent ainsi associer le rétinaldéhyde à différents actifs comme le nicotinamide, l’arbutine et le bisabolol17 ou des dérivés de résorcinol.18

Une histoire de comparaison

En 2018, les laboratoires Pierre Fabre ont démontré l’efficacité d’une crème anti-âge dosée à 0,1 % en rétinaldéhyde (les autres actifs associés étaient un précurseur de vitamine E et le Glycylglycine Oleamide). Les tests in vivo réalisés montrent la supériorité de cette crème par rapport à un peeling séquentiel à l’acide glycolique (ce peeling consiste en la réalisation d’une série de 3 exfoliations réalisées avec des préparations dosées à 20, 50 et 70 % d’acide glycolique). Mieux tolérée et efficace sur les rides de la patte d’oie,19,20 tel est le verdict !

Après avoir été associés, dans le cadre de la prise en charge de l’acné (on trouve en effet des publications qui montrent l’intérêt d’associer acide glycolique et rétinaldéhyde), ces deux substances sont ainsi comparées, opposées, cette fois-ci dans le domaine cosmétique et non plus dans le domaine médical.21

Une histoire d’efficacité à faible dose

Pour les équipes coréennes, ce pourcentage d’emploi peut être réduit pour passer de 0,1 % à 0,05 %.22,23 Une information que nous donnait déjà d’autres équipes qui avait déjà testé cette plus faible dose de rétinaldéhyde, en association avec des hydrolysats d’acide hyaluronique.24 Sachant que l’on peut également associer cet actif à des ingrédients antiradicalaires,25 au co-enzyme Q1026

Et puis une synthèse verte

Les rétinoïdes peuvent être obtenus par voie biotechnologique.27

Et un nom INCI

Un nom INCI qui n’est pas retinaldehyde mais « retinal ».28

Et enfin un mystère !

Un ingrédient idéal bien toléré, non phototoxique, non photoallergique, selon certains auteurs.29-31 Un ingrédient moins irritant que l’acide rétinoïque, mais irritant tout de même, pour d’autres, qui établissent le classement dont nous avons déjà parlé un peu plus haut.32 Pour d’autres encore, le rétinaldéhyde est mieux toléré que le rétinol et l’acide rétinoïque, si l’on considère le nombre d’effets à type d’érythème et de prurit, mais est tout de même responsable de phénomènes de desquamation.33 Difficile d’y voir clair dans tout cela !

Le rétinal, en bref

L’activité du rétinaldéhyde est liée à sa capacité à se transformer in vivo en acide rétinoïque,34 c’est-à-dire à se transformer en un ingrédient interdit dans le domaine cosmétique. Ça commence bien…

Ingrédient très étudié dans les années 1990, le rétinaldéhyde mériterait que l’on s’intéresse encore et toujours à lui, en particulier en ce qui concerne sa biotransformation. Des études qui prendraient en compte la nature complexe des formules cosmétiques (le rétinaldéhyde est associé à toutes sortes d’ingrédients, des excipients, des actifs, des additifs) seraient vraiment utiles, afin de vérifier les interactions possibles entre les différents ingrédients. On nous signale déjà le citral, comme étant un ingrédient à éviter !

Le rétinol est mort… ou tout au moins subclaquant… Vive le rétinaldéhyde. Vive le rétinal… Enfin, c’est encore à voir !

Bibliographie

1 Sorg O, Antille C, Kaya G, Saurat JH. Retinoids in cosmeceuticals. Dermatol Ther. 2006 Sep-Oct;19(5):289-96

2 Spierings NMK. Evidence for the Efficacy of Over-the-counter Vitamin A Cosmetic Products in the Improvement of Facial Skin Aging: A Systematic Review. J Clin Aesthet Dermatol. 2021 Sep;14(9):33-40

3 Brown A, Furmanczyk M, Ramos D, Ribes A, Pons L, Bustos J, de Henestrosa ARF, Granger C, Jourdan E. Natural Retinol Analogs Potentiate the Effects of Retinal on Aged and Photodamaged Skin: Results from In Vitro to Clinical Studies. Dermatol Ther (Heidelb). 2023 Oct;13(10):2299-2317

4 Babamiri K, Nassab R. Cosmeceuticals: the evidence behind the retinoids. Aesthet Surg J. 2010 Jan;30(1):74-7

5 Sachsenberg-Studer EM. Tolerance of topical retinaldehyde in humans. Dermatology. 1999;199 Suppl 1:61-3

6 Kaya A, Saurat JH, Kaya G. Senotherapeutic Effect of Retinaldehyde and Hyaluronate Fragments in Dermatoporosis. Dermatopathology (Basel). 2023 Jun 2;10(2):168-172

7 Pechère M, Germanier L, Siegenthaler G, Pechère JC, Saurat JH. The antibacterial activity of topical retinoids: the case of retinaldehyde. Dermatology. 2002;205(2):153-8

8 Milosheska D, Roškar R. Use of Retinoids in Topical Antiaging Treatments: A Focused Review of Clinical Evidence for Conventional and Nanoformulations. Adv Ther. 2022 Dec;39(12):5351-5375

9 Sorg O, Didierjean L, Saurat JH. Metabolism of topical retinaldehyde. Dermatology. 1999;199 Suppl 1:13-7

10 Sass JO, Didierjean L, Carraux P, Plum C, Nau H, Saurat JH. Metabolism of topical retinaldehyde and retinol by mouse skin in vivo: predominant formation of retinyl esters and identification of 14-hydroxy-4, 14-retro-retinol. Exp Dermatol. 1996 Oct;5(5):267-71

11 Kurlandsky SB, Xiao JH, Duell EA, Voorhees JJ, Fisher GJ. Biological activity of all-trans retinol requires metabolic conversion to all-trans retinoic acid and is mediated through activation of nuclear retinoid receptors in human keratinocytes. J Biol Chem. 1994 Dec 30;269(52):32821-7

12 Didierjean L, Tran C, Sorg O, Saurat JH. Biological activities of topical retinaldehyde. Dermatology. 1999;199 Suppl 1:19-24

13 Boisnic S, Branchet-Gumila MC, Le Charpentier Y, Segard C. Repair of UVA-induced elastic fiber and collagen damage by 0.05% retinaldehyde cream in an ex vivo human skin model. Dermatology. 1999;199 Suppl 1:43-8

14 Katsambas AD. RALGA (Diacneal), a retinaldehyde and glycolic acid association and postinflammatory hyperpigmentation in acne--a review. Dermatology. 2005;210 Suppl 1:39-45

15 Sorg O, Kasraee B, Salomon D, Saurat JH. The potential depigmenting activity of retinaldehyde. Dermatology. 2013;227(3):231-7

16 Questel E, Durbise E, Bardy AL, Schmitt AM, Josse G. Follow-up of solar lentigo depigmentation with a retinaldehyde-based cream by clinical evaluation and calibrated colour imaging. Skin Res Technol. 2015 May;21(2):241-6

17 Crocco EI, Veasey JV, Boin MF, Lellis RF, Alves RO. A novel cream formulation containing nicotinamide 4%, arbutin 3%, bisabolol 1%, and retinaldehyde 0.05% for treatment of epidermal melasma. Cutis. 2015 Nov;96(5):337-42

18 Cameli N, Abril E, Agozzino M, Mariano M. Clinical and instrumental evaluation of the efficacy of a new depigmenting agent containing a combination of a retinoid, a phenolic agent and an antioxidant for the treatment of solar lentigines. Dermatology. 2015;230(4):360-6

19 Rouvrais C, Baspeyras M, Mengeaud V, Rossi AB. Antiaging efficacy of a retinaldehyde-based cream compared with glycolic acid peel sessions: A randomized controlled study. J Cosmet Dermatol. 2018 Dec;17(6):1136-1143

20 Ribet V, Nobile V, Rossi AB. In situ antioxidant activity of a dermo-cosmetic product: A randomized controlled clinical study. Exp Dermatol. 2019 Nov;28(11):1219-1226

21 Bordat P, Chesnoy S. Mixing glycolic acid with retinaldehyde: RALGA, a technical achievement. Dermatology. 2005;210 Suppl 1:2-5

22 Kim J, Kim J, Jongudomsombat T, Kim Bs E, Suk J, Lee D, Lee JH. The efficacy and safety of multilamellar vesicle containing retinaldehyde: A double-blinded, randomized, split-face controlled study. J Cosmet Dermatol. 2021 Sep;20(9):2874-2879

23 Kwon HS, Lee JH, Kim GM, Bae JM. Efficacy and safety of retinaldehyde 0.1% and 0.05% creams used to treat photoaged skin: A randomized double-blind controlled trial. J Cosmet Dermatol. 2018 Jun;17(3):471-476

24 Cordero A, Leon-Dorantes G, Pons-Guiraud A, Di Pietro A, Asensi SV, Walkiewicz-Cyraska B, Litvik R, Turlier V, Mery S, Merial-Kieny C. Retinaldehyde/hyaluronic acid fragments: a synergistic association for the management of skin aging. J Cosmet Dermatol. 2011 Jun;10(2):110-7

25 Boisnic S, Branchet-Gumila MC, Nocera T. Comparative study of the anti-aging effect of retinaldehyde alone or associated with pretocopheryl in a surviving human skin model submitted to ultraviolet A and B irradiation. Int J Tissue React. 2005;27(3):91-9

26 Nayak K, Katiyar SS, Kushwah V, Jain S. Coenzyme Q10 and retinaldehyde co-loaded nanostructured lipid carriers for efficacy evaluation in wrinkles. J Drug Target. 2018 Apr;26(4):333-344

27 Jang HJ, Yoon SH, Ryu HK, Kim JH, Wang CL, Kim JY, Oh DK, Kim SW. Retinoid production using metabolically engineered Escherichia coli with a two-phase culture system. Microb Cell Fact. 2011 Jul 29;10:59

28 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/59127

29 Sachsenberg-Studer EM. Tolerance of topical retinaldehyde in humans. Dermatology. 1999;199 Suppl 1:61-3

30 Creidi P, Humbert P. Clinical use of topical retinaldehyde on photoaged skin. Dermatology. 1999;199 Suppl 1:49-52

31 Creidi P, Vienne MP, Ochonisky S, Lauze C, Turlier V, Lagarde JM, Dupuy P. Profilometric evaluation of photodamage after topical retinaldehyde and retinoic acid treatment. J Am Acad Dermatol. 1998 Dec;39(6):960-5

32 Sorg O, Saurat JH. Topical retinoids in skin ageing: a focused update with reference to sun-induced epidermal vitamin A deficiency. Dermatology. 2014;228(4):314-25

33 Fluhr JW, Vienne MP, Lauze C, Dupuy P, Gehring W, Gloor M. Tolerance profile of retinol, retinaldehyde and retinoic acid under maximized and long-term clinical conditions. Dermatology. 1999;199 Suppl 1:57-60

34 Bailly J, Crettaz M, Schifflers MH, Marty JP. In vitro metabolism by human skin and fibroblasts of retinol, retinal and retinoic acid. Exp Dermatol. 1998 Feb;7

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