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Métavers... sortez vos parapluies !

> 29 novembre 2022

Métavers... sortez vos parapluies !

Le métavers, tout le monde en parle. Et pourtant, personne ne sait exactement ce que cela signifie. Dans le domaine cosmétique, le groupe L’Oréal n’est pas le dernier à vouloir nous faire consommer tous azimuts et à se placer sur les rangs des sociétés susceptibles de nous faire faire joujou avec des cosmétiques virtuels.1 L’achat de parfums, de produits de soin, de produits de maquillage devient, désormais, un jeu, un jeu qui rapporte de l’argent (à certains !) et en coûte (à d’autres !). Pour accélérer le processus, le groupe s’est d’ailleurs associé à Meta (le bébé du fondateur de Facebook) pour créer un accélérateur de talents dans le monde des univers 100 % factices. Les start-up ainsi biberonnées pourront mettre en place tous leurs univers virtuels, en bénéficiant des conditions les plus favorables à leur bouillonnement intellectuel.2 De quoi frémir !

Le métavers, un mot valise… qui donne envie de prendre ses cliques et ses claques !

Un mot valise, inventé, en 1992, par l’écrivain Neal Stephenson, dans son roman Snow Crash (le samouraï virtuel). Un mot qui dérive de deux mots « meta » et « universe », qui permet de désigner un univers fictif, dépassant de beaucoup l’univers palpable, bien réel accessible à l’aide d’outils, comme des lunettes et des écouteurs. Neal Stephenson se projette dans un futur noir de charbon. La violence règne en maître dans une société qui semble bien avoir égaré sa précieuse boussole ; afin d’échapper à un quotidien morose, les livreurs de pizza se font héros du quotidien. Petit génie informatique, sabreur émérite, bien caché derrière son avatar, chacun est à même de se forger une personnalité à la hauteur de ses aspirations. Un univers qui grandit l’Homme, qui le transcende, le rend capable d’exécuter les tâches qu’il ne saurait effectuer dans le monde réel… voilà ce que nous propose Neal Stephenson dans son roman de science-fiction,3,4 qui place le bonheur de l’humanité dans la paume de la main d’un informaticien. Encore faut-il que tout roule comme sur des roulettes car le jour où le système informatique s’emballe, c’est la cata !

Le métavers, une grande cour d’école… qui donne envie d’être privé de récré !

Pour François-Gabriel Roussel, les métavers sont des « univers numériques, accessibles uniquement en ligne (sur Internet), ouverts simultanément à plus de 128 joueurs ; ils sont persistants, c’est-à-dire accessibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et continuent d’évoluer en permanence, sous l’action conjuguée des éditeurs de jeux et des autres joueurs ». Bref, une sorte de grande cour d’école où il serait possible de jouer « au loup », en utilisant les règles de l’Epervier ou de 1,2,3 Soleil. Un jeu dont les règles peuvent changer au gré des envies des participants et/ou des joueurs,5 des joueurs répartis sur l’ensemble du globe terrestre et séparés par des milliers, voire des millions de kilomètres.6 Un jeu addictif auquel on peut participer sans restriction toute la sainte journée. Une sorte de longue récréation qu’aucune cloche salvatrice n’est susceptible d’arrêter. Un jeu qui mobilise différents sens, (la vue, l’ouïe et même le toucher) si l’on est prêt à investir ses économies dans un gant haptique.7 Bref, une sorte d’éternité en miniature, qui coupe du monde réel. Bref, un univers qui donne envie de faire des bêtises, afin d’être privé de récré !

Le métavers, un Big Brother… qui donne envie de relire Orwell

Le métavers de Mark Zuckerberg est terrifiant. Le fondateur du réseau social Facebook, rebaptisé Meta (depuis que son illustre créateur a décidé de le faire entrer dans la 4e dimension) est un informaticien comblé, qui rêve d’un monde toujours plus dématérialisé, toujours moins humanisé, toujours plus augmenté ! Dans cet univers recréé à l’aide de lunettes, d’écouteurs, de gants, de vêtements… connectés, l’individu lambda pourra, sans jamais se déplacer de son bureau, « travailler, apprendre, jouer, acheter, créer… ». Il pourra bien évidemment se cultiver, aller chez le médecin, prendre conseil auprès de son pharmacien, acheter des cosmétiques adaptés à sa carnation, à son type de peau… Il pourra faire du sport - en restant assis - il pourra apprendre des danses bretonnes - scotché sur son canapé, il pourra s’inscrire à un atelier cuisine (et sûr qu’un jour il pourra pleurer en pelant un oignon à distance et sans oignon) ! Evidemment, on pourrait continuer longtemps… Et on commence à apercevoir les limites de ce merveilleux jouet. Et on commence à se douter du nombre de données susceptibles d’être générées, d’être piratées, d’être exploitées.8 Oui, le Big Brother de Georges Orwell n’est pas loin… Le Big Brother qui épie les amoureux dans leur chambre et vérifie, chaque matin, que vous pratiquez bien votre gymnastique quotidienne n’est pas loin.9 On nous promet de « l’épanouissement » à la pelle. Réduit à l’état de pur esprit, le corps, engoncé dans tout un attirail connecté, l’individu lambda serait censé réussir sa vie grâce à un « avatar » plus vrai que nature, plus réussi que nature. L’eugénisme est un concept ancien, dépassé… L’essentiel désormais n’est pas de concocter des individus idéaux dans des tubes à essais, mais de mettre au point des avatars les plus réussis possibles.10 Jusqu’où iront-ils s’interrogent certains ?

Le métavers cosmétique, un concept… qui donne envie de prendre ses valises...

... et de retourner vivre dans les temps anciens.

Un univers où un avatar (le personnage qui vous représente le mieux, celui que vous avez toujours rêvé d’être) pourra tester des rouges à lèvres, des crèmes de soin, des fonds de teint, sans se déplacer, sans effort.11 L’achat de cosmétiques pourra d’ailleurs concerner votre avatar (il est tout à fait possible de se procurer toutes sortes de produits cosmétiques « virtuels » pour votre double… tout aussi « virtuel » !) ou pour vous-même (dans ce cas, après avoir réalisé les x essais nécessaires, vous pourrez opter pour le produit idéal et passer à la caisse virtuelle pour un retrait bancaire bien réel).

Quel dommage de ne plus pouvoir faire ses courses en magasin, pour de vrai, avec de vraies vendeuses et de vrais clients. Quel dommage de ne plus risquer de croiser Colette et M. Z au détour d’un rayon !12

Le métavers, en bref

Le métavers, en bref… La goutte qui fait déborder le vase. Il serait peut-être encore temps de dire stop à ce genre d’élucubrations polluantes, déshumanisantes, etc. etc. Il serait peut-être temps d’arrêter de jouer au docteur ou à la marchande par écran interposé.13 Tant que nous avons des jambes pour marcher et des mains pour se saluer il serait, sans doute, temps de continuer à s’en servir avant que l’évolution ne nous rattrape et ne nous prive de ces membres devenus inutiles.

Le métavers, en bref… Cet univers-là ne nous donne qu’une envie. Sortir notre parapluie pour nous protéger des regards indiscrets. Une fois l’averse passée, on pourra toujours s’en servir d’ombrelle !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration !

Bibliographie

1 https://fr.fashionnetwork.com/news/L-oreal-regarde-vers-le-metavers,1380590.html

2 https://www.lsa-conso.fr/metavers-l-oreal-et-meta-creent-un-accelerateur-de-start-up-a-station-f,423176

3 https://www.noosfere.org/livres/niourf.asp?numlivre=2146572651

4 https://www.cairn.info/revue-servir-2022-5-page-46.htm

5 https://www.cairn.info/revue-questions-de-communication-2016-1-page-459.htm

6 https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2012-1-page-53.htm

7 https://www.cairn.info/magazine-socialter-2022-2-page-84.htm

8 https://www.cairn.info/revue-realites-industrielles-2022-3-page-67.htm

9 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/big-brother-un-lavage-de-cerveau-avec-un-savon-greseux-1575/

10 https://www.cairn.info/revue-humanisme-2022-2-page-61.htm

11 https://www.biotyfullbox.fr/cosmetique-bio/actualite-bio/metaverse-cosmetique/

12 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/reflexions-esthetiques-et-cosmetiques-au-fil-des-saisons-1820/

13 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/asmr-qu-est-ce-que-c-est-encore-que-ce-machin-2388/

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