Nos regards
Les recettes de cosmétiques–maison, surtout… on oublie !

> 10 octobre 2019

Les recettes de cosmétiques–maison, surtout… on oublie !

L’idée de réaliser ses cosmétiques soi-même n’est pas une idée récente. En effet, en parallèle de l’artisan, de l’apothicaire ou de l’industriel, la fraction de la population susceptible de pouvoir lire des ouvrages, de comprendre les formules proposées et de les faire exécuter en cuisine ou de les réaliser soi-même s’est adonnée, depuis déjà fort longtemps, aux joies de la création.

Au XIIIe siècle, Aldebrandin de Sienne nous propose, par exemple, un « Régime du corps » éminemment cosmétique. Ce médecin, qui a passé un peu de temps à compiler des recettes ancestrales, sait parfaitement prendre soin du nouveau-né en l’enduisant d’un onguent à base de roses et de sel ou réaliser un dentifrice en poudre à base de corne de cerf, de semences végétales, de sel et de parfum…1

Au XVIIe siècle, la sage-femme Louise Bourgeois publie un « Recueil de secrets » médicamenteux et cosmétiques. Les belles dames désœuvrées qui souhaitent éclaircir leur teint ou redresser une poitrine défaillante n’hésitent pas à recourir à ces recettes à base de beurre, de lard, d’œufs frais, de cire d’abeille et de végétaux.2

Au début du XXe siècle, la femme lettrée aime à flâner chez le libraire en quête de formules miracles. La femme en mal de voyages se laisse berner par une poudre dentifrice « péruvienne », à base de « sucre, de magnésie, d’amidon, de cannelle, de macis, de crème de tartre, de sulfate de quinine, de carmin, d’essences de rose et de menthe ». La femme dont les fins de mois sont un peu difficiles se contente de récolter la suie du foyer et d’y adjoindre de la poudre de racine de fraisier et quelques gouttes d’eau de Cologne pour se concocter un produit que l’on ne saurait recommander...3

Au milieu du XXe siècle, la femme au foyer qui veut savoir « comment devenir belle et comment le rester » fait l’acquisition de L’Encyclopédie de la femme de Fernand Nathan.4 Le volumineux ouvrage, peu maniable, est bourré d’informations utiles pour qui veut apprendre à broder, à dresser la table, à réchauffer un rôti de bœuf, à soigner son enfant, à réaliser des produits de beauté maison. La crème nourrissante à base d’axonge, de vaseline et de teinture de benjoin est à faire soi-même. Le lait de beauté (acide stéarique, triéthanolamine, huile d’amandes douces et eau), en revanche, devra être « exécuté par un pharmacien », nous est-il précisé !

Au début du XXIe siècle, la recherche de la beauté et de la santé est, bien sûr, toujours d’actualité. Alors même que le nombre de gammes cosmétiques disponibles sur le marché n’a jamais été aussi important, un certain nombre de femmes se tournent vers le DIY (Do It Yourself) - cela fait toujours mieux in English ! - ou le fait-maison, en indiquant que ce choix est effectué pour des raisons économiques et/ou écologiques. Au moins, nous disent-elles, on sait ce qu’il y a dans nos cosmétiques.

Au XXIe siècle, les formulaires de recettes existent toujours. S’y sont ajoutées les recettes compilées sur la toile.

Dans le domaine bucco-dentaire, alors même que l’on trouve de tout sur le marché, il est possible de trouver des recettes datant d’un autre âge. Pas besoin de connaître les « sciences dites dures », nous dit-on pour enfiler un tablier4 et pour semer les conseils aux quatre vents !

Le « dentifrice zéro déchet » de Chantal à base d’huile de coco, de bicarbonate de soude, d’argile et d’huiles essentielles à foison5 ne manquera pas de consterner toute personne ayant un minimum d’expertise dans le domaine. Les ingrédients sont incorporés à la cuillère à soupe et les huiles essentielles au compte-goutte (encore heureux mais encore trop risqué) !

Le dentifrice « Consommons sainement » à base de savon de Marseille de qualité (« attention à ne pas acheter le « mauvais » savon de Marseille ! Pour cela, regarder mes conseils dans l’article « Comment bien choisir son savon de Marseille ? ») et d’huile essentielle de menthe poivrée est encore plus simple.6

Le dentifrice au citron « d’amande et basilic » est composé d’argile verte, de sel gris, d’huile d’olive, de jus de citron, de thym, d’huile essentielle de citron.7

On pourrait continuer encore longtemps… car malheureusement les recettes abondent et ce tant dans le domaine bucco-dentaire que dans le domaine de l’hydratation, du maquillage ou de la protection solaire.

Revenons sur terre, formuler des produits sûrs et efficaces est un métier et non un passe–temps. Une connaissance approfondie des ingrédients est nécessaire ; ceux-ci doivent être contrôlés à réception, incorporés à dose précise (et non à la cuillère ou à la louche), mélangés avec soin selon un protocole établi rigoureusement. Des contrôles physico-chimiques (détermination de la viscosité, du pH, dosage de certains ingrédients…) doivent ensuite être réalisés. Des tests d’innocuité et d’efficacité enfin s’imposent.

Les personnes qui encouragent la réalisation de ce type de recettes sont bien audacieuses. Elles nous font croire que moins l’on a de notions de chimie et plus l’on réalise des cosmétiques sûrs. Drôle de concept !

Ne tombons pas dans le panneau. C’est en croyant préserver sa santé, sa planète et son porte-monnaie via la réalisation de cosmétiques–maison que l’on prend le plus de risques.

Bibliographie

1 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/regime-cosmetique-aldebrandinesque-ou-lecons-pour-prendre-soin-de-soi-au-xiiie-siecle-516/

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/louise-bourgeois-avec-un-g-comme-gaiete-363/

3 Nathan F. L’Encyclopédie de la femme, 1950, 298 Pages

4 https://amandebasilic.com/dentifrice-au-citron/

5 https://lestrappeus.es/dentifrice/                                                                                                                                

6 https://consommonssainement.com/2015/12/13/un-dentifrice-gratuit-et-sans-produits-dangereux-a-se-mettre-sous-la-dent/

7 https://amandebasilic.com/dentifrice-au-citron/

Ces sujets peuvent vous intéresser :

Retour aux regards