> 06 mars 2024
La Règlementation Reach a parlé… en ce qui concerne les polymères synthétiques solides.1 Ceux-ci devront désormais être mesurés, pesés, examinés, afin de savoir s’ils vont pouvoir être incorporés ou non dans les cosmétiques, avant de finir leur vie dans l’un ou l’autre des coins de la planète. On a parlé des solides… Maintenant, il reste la partie immergée de l’iceberg avec tout ce qui n’est pas solide… Exemple, aujourd’hui, avec quelques polymères de butylène.
Ces polymères résultent de la polymérisation de monomères d’isobutylène (pour le polyisobutène) (CAS no. 9003-27-4), d’un mélange d’isobutylène et de butylène normal (pour le polybutène) (CAS no. 9003-27-4) ; le polyisobutène hydrogéné (CAS no. 68937-10-0) est, comme son nom l’indique, la version « saturée » du polyisobutène. Ce dernier se présente sous la forme d’un solide caoutchouteux, blanc à jaunâtre ; la forme hydrogénée, considérée comme un substitut du squalène, se présente, quant à elle, sous la forme d’un liquide incolore. Le polybutène, enfin, se présente sous la forme d’un liquide clair. Il est à noter qu’il existe un grand nombre de spécialités correspondant à ces trois ingrédients qui peuvent présenter des degrés de polymérisations différents.2
Considéré comme un « agent liant et adaptateur de la viscosité » par l’inventaire européen,3 le polybutène laisse de marbre la littérature scientifique. Les fournisseurs d’ingrédients évoquent à son sujet des matières premières susceptibles d’exister dans une large gamme de viscosité (en fonction du degré de polymérisation), permettant de formuler divers types de produits de maquillage, du fait de leur caractère liant et filmogène.4 En tant qu’ingrédient ne provenant, bien sûr, pas d’une source animale (mais dérivé du pétrole), le polybutène est estampillé « ingrédient végan » par certains fournisseurs d’ingrédients qui souhaitent ainsi s’adresser aux sociétés mettant sur le marché des produits de soin ou de maquillage végans.5
Considéré comme un agent « liant, filmogène, adaptateur de viscosité » à l’inventaire européen,6 le polyisobutène, ne fait pas merveille dans la prise en charge de la rosacée. Toutefois, il faut bien reconnaitre que la joute organisée par Zoe Draelos et ses confrères en 2019 n’avait rien de très équitable. Il s’agissait en effet de savoir qui d’un traitement « naturel » à base d’huiles essentielles, de glycérine, d’actifs végétaux anti-inflammatoires ou bien d’un traitement « tout synthétique », à base de laurylsulfate de sodium7 et de polyisobutène serait le meilleur. C’est sans équivoque le traitement tout « naturel » qui s’est avéré le plus bénéfique… sans surprise, quand on connaît le caractère irritant du tensioactif de synthèse choisi.8,9
Présenté comme un solide gommeux, le polyisobutène est, selon certains fournisseurs, l’ingrédient de choix des formules destinées au sujet atopique ; il convient à tous et peut entrer dans la composition de nombreux cosmétiques.10
Considéré comme un « agent émollient, conditionneur cutané et adaptateur de viscosité » par l’inventaire européen,11 le polyisobutène hydrogéné peut entrer dans la composition d’un grand nombre de cosmétiques.
On peut en retrouver, par exemple, dans la composition de la phase grasse des émulsions de soin. Si l’on ajoute des polymères comme par exemple la PVP12 ou le polyacrylate, on peut mettre au point un produit anti-âge, qui tire les traits en moins de deux.13
Cet agent émollient, qui laisse une sensation agréable sur la peau, joue également les facteurs de consistance, en augmentant la viscosité des préparations dans lesquelles il est incorporé. Plus performant en matière d’hydratation cutanée que le célèbre triglycéride d’acide caprylique et caprique, le polyisobutène hydrogéné permet d’obtenir des émulsions formées de fines gouttelettes pour une dose d’emploi de 8 %. Les émulsions ainsi réalisées s’étalent bien et hydratent durablement la peau.14 A la fois facteur de stabilité pour la formule et actif susceptible de retenir l’eau dans la peau, ce substitut du squalène,15 semble particulièrement intéressant et ce d’autant plus, qu’étant saturé, il est particulièrement inerte et non rancescible.
Ces polymères sont considérés comme sûrs d’emploi.16
Dans les mascaras,17 dans les huiles solaires,18 dans les rouges à lèvres,19 dans les cold creams,20 etc… etc… on en trouve partout. Il semble bien, qu’en ce début de XXIe siècle, l’on ne sache plus formuler aucun cosmétique sans avoir recours à l’un ou l’autre de ces polymères. Visiblement, ils vont se couler sous les radars (c’est normal, car ils sont très souples)…
Bibliographie
2 https://online.personalcarecouncil.org/ctfa-static/online/lists/cir-pdfs/PRS455.pdf
3 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/78566
4 https://www.maprecos.com/matieres-premieres-cosmetiques/ingredients-fonctionnels/cires-polybutenes
5 https://www.interchimie.fr/produits/polybutenes/polybutene-10/
6 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/79008
8 Draelos ZD, Gunt H, Levy SB. Natural Skin Care Products as Adjunctive to Prescription Therapy in Moderate to Severe Rosacea. J Drugs Dermatol. 2019 Feb 1;18(2):141-146
9 Draelos ZD, Levy SB, Lutrario C, Gunt H. Evaluation of the Performance of a Nature-Based Sensitive Skin Regimen in Subjects With Clinically Diagnosed Sensitive Skin. J Drugs Dermatol. 2018 Aug 1;17(8):908-913
10 https://www.atamanchemicals.com/polyisobutene_u26916/?lang=FR
11 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/76643
13 de Mul MNG, Uddin T, Yan X, Hubschmitt A, Klotz B, Man Chan WK. Reducing Facial Wrinkle Size and Increasing Skin Firmness Using Skin Care Polymers. J Cosmet Sci. 2018 Mar/Apr;69(2):131-143
14 Dayan N, Sivalenka R, Chase J. Skin moisturization by hydrogenated polyisobutene--quantitative and visual evaluation. J Cosmet Sci. 2009 Jan-Feb;60(1):15-24
16 https://online.personalcarecouncil.org/ctfa-static/online/lists/cir-pdfs/PRS687.pdf
17 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/un-mascara-avec-un-nom-a-coucher-dehors-2559/
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