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Les cosmétiques, des produits indispensables au service du patient acnéique

> 22 mars 2018

Les cosmétiques, des produits indispensables au service du patient acnéique La définition du cosmétique est claire. Si un cosmétique permet de nettoyer, de parfumer, de modifier l’aspect, de protéger, de maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/au-fait-c-est-quoi-un-cosmetique-172/), il ne peut nullement prétendre prévenir ou guérir une quelconque maladie, à moins de tomber dans le domaine du « médicament ».

Ceci étant dit, nous rappellerons qu’un cosmétique peut jouer un rôle important dans l’accompagnement de beaucoup de patients. La personne souffrant de rosacée, de psoriasis, d’eczéma ou d’acné vulgaire est une personne comme une autre qui a besoin de se laver, de s’hydrater, de se maquiller… Il est donc important de mettre à sa disposition les cosmétiques les plus adaptés possibles à leur état. De manière analogue au célèbre jeu du « Ni oui Ni non », un certain nombre de mots et d’expressions seront à proscrire dans l’argumentaire des produits concernés. Toute allusion à une pathologie sera évitée. Ceci oblige parfois à quelques contorsions… le recours à des acronymes ou à des abréviations sibyllines pour le consommateur mais totalement transparentes pour le médecin ou le pharmacien constitue un moyen simple pour l’industrie de s’adresser aux professionnels de santé (https://theconversation.com/c-koi-c-ksmtik-acronymes-abreviations-et-cosmetiques-71199).

Certaines personnes souffrant d’acné considèrent que l’origine de leur pathologie est liée à un problème d’hygiène ; elles recherchent donc, pour se laver, les produits les plus détergents possibles. C’est une erreur qui ne date pas d’aujourd’hui et qu’il faut apprendre à corriger. En 1878, par exemple, Robert Living place le savon au centre du traitement ; le mot d’ordre est ENERGIE. Afin d’éviter la formation des comédons, il propose de frictionner énergiquement la peau avec un savon. Chaque soir, on placera le visage au-dessus d’une bassine d’eau chaude, afin de traiter la peau par la vapeur qui en émane. La peau est ensuite frottée avec une flanelle et du savon pendant 5 à 10 minutes. Si l’on ne dispose pas de flanelle, on pourra utiliser une brosse à ongles (!!!) qui fera aussi bien l’affaire. Une fois la peau séchée, on appliquera une lotion à base de soufre, de glycérine, d’esprit de vin et d’eau de rose. Cette lotion ne sera pas rincée. Elle agira durant toute la nuit. Sachant que les pommades sont plus efficaces que les lotions, on peut transformer la lotion précédente en onguent par adjonction de corps gras (saindoux, huile d’amande douce, vaseline). Quelle que soit la solution envisagée, le visage est nettoyé au matin à l’aide d’une pâte formée d’eau chaude et de farine d’avoine ou de gruau. L’auteur de ces prescriptions considère que, dans ces conditions, on a toutes ses chances d’éradiquer l’acné ; seule une mauvaise observance pourra expliquer d’éventuels échecs ! (Robert Living, On the treatment of acne, The Lancet, 111, 2838, 1878, 83-84). Ferdinand von Hebra opte, quant à lui, pour un savon mou (obtenu par saponification d’un corps gras par de la potasse) éventuellement additionné de soufre. « Une pierre ponce glissée dans un gant de flanelle » constitue la main de fer dans un gant de velours, main qui nettoie la peau, sans ménagement, afin de prévenir efficacement toute rébellion « acnéique » (James Cumming, Remarks on acne, The Lancet, 112, 2867, 1878, 182-183).

On oubliera les conseils venus tout droit du XIXe siècle et on rappellera que toute action traumatisante réalisée sur les points noirs, tout port de masque ou d’articles divers qui exercent une pression sur les papules ou les pustules sera évitée afin de se prémunir de la survenue de cicatrices d’acné (Supriya Ramanathan, Adelaide A. Hebert, Management of Acne Vulgaris, Journal of Pediatric Health Care, 25, 5, 2011, 332-337).

La toilette énergique d’antan sera donc remplacée par une toilette « en douceur ». Les savons seront proscrits (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/le-savon-quesaco-72/) dans la mesure où ils élèvent le pH cutané, où ils altèrent la fonction barrière du Stratum corneum, où ils modifient la composition de la flore cutanée, où ils sont susceptibles de créer une irritation. Ajoutons qu’en « décapant » la peau de manière trop importante, les détergents sont susceptibles de provoquer une hyperséborrhée réactionnelle nullement recherchée (Hywel C Williams, Robert P Dellavalle, Sarah Garner, Acne vulgaris, The Lancet, 379, 9813, 2012, 361-372).

Les syndets (produits nettoyants composés de tensioactifs moins irritants que le savon) seront en revanche privilégiés (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/pour-remplacer-le-savon-le-pain-dermatologique-32/) (Jacquelyn Levin, The Relationship of Proper Skin Cleansing to Pathophysiology, Clinical Benefits, and the Concomitant Use of Prescription Topical Therapies in Patients with Acne Vulgaris, Dermatologic Clinics, 34, 2, 2016, 133-145).

Certaines personnes considèrent que leur acné est liée à l’utilisation de cosmétiques comédogènes. Elles ont souvent raison (Afifa Qidwai, Manisha Pandey, Sarvesh Pathak, Rajesh Kumar, Anupam Dikshit, The emerging principles for acne biogenesis: A dermatological problem of puberty, Human Microbiome Journal, 4, 2017, 7-13). Il convient d’attribuer la paternité de la notion d’acné cosmétique à Kligman et à Mills. Tous deux ont établi, dans les années 1970, une relation entre l’acné de la femme adulte et l’utilisation de certains cosmétiques. Un test pratiqué sur l’oreille du lapin est rapidement mis en place (à cette époque les tests sur animaux sont largement pratiqués) ; la détection de micro-comédons et de macro-comédons suite à l’application de telle ou telle substance permet de classer les ingrédients cosmétiques en deux catégories. En 1989, l’Académie Américaine de Dermatologie tient un congrès, l’Invitational Symposium on Comedogenicity, sur le thème de la comédogénicité. Concernant les tests sur animaux, ceux-ci sont jugés fiables ; lorsqu’une matière première s’avère non comédogène pour l’animal, le résultat est transposable chez l’homme. En 2006 la dermatologue Zoé Draelos teste sur 6 « cobayes » humains différents cosmétiques du commerce et en déduit leur caractère plus ou moins comédogène. Les produits (poudre pour le visage, nettoyant visage, hydratant visage, produit solaire SPF 8, produit solaire SPF 25) étaient appliqués pendant 48 ou 72h (selon qu’un week-end venait s’intercaler dans l’étude !) chaque semaine pendant 4 semaines ; une biopsie permettait, en fin d’étude, de comptabiliser le nombre de comédons formés. Tous les produits testés s’avéraient alors comédogènes, à des degrés variables, toutefois. Parmi les ingrédients comédogènes, on peut citer la cire d’abeille, le beurre de cacao, la lanoline… le butylène glycol était, quant à lui, blanchi de tout soupçon (Zoe Diana Draelos, Joseph C. DiNardo, A re-evaluation of the comedogenicity concept, Journal of the American Academy of Dermatology, 54, 3, 2006, 507-512). Globalement, les huiles végétales, les esters gras (myristate d’isopropyle, stéarate de butyl stéarate, oléate de décyle, palmitate d’octyle…) et les dérivés de la chimie des pétroles sont considérés comme des matières premières comédogènes (A.C. Katoulis, E.M. Kakepis, H. Kintziou, M.E. Kakepis, N.G. Stavrianeas, Comedogenicity of cosmetics: a review, Journal of the European Academy of Dermatology and Venereology, 7, 2, 1996, 115-119). Actuellement, les tests sur animaux étant interdit dans le domaine cosmétique, les tests de comédogénicité se font sur volontaires. On peut tester soit des matières premières, soit des produits finis. La zone d’application retenue est le dos ou le visage (Baek JH, Ahn SM, Choi KM, Jung MK, Shin MK, Koh JS, Analysis of comedone, sebum and porphyrin on the face and body for comedogenicity assay, Skin Res Technol., 2016, 22, 2, 164-169).

Certaines cires permettant la fixation des cheveux peuvent aussi être à l’origine de lésions d’acné siégeant au niveau du front ou des tempes. Afin d’éviter cela, il faudra privilégier les cosmétiques ne renfermant aucun ingrédient comédogène. Les huiles végétales seront donc à exclure (Daniel P. Krowchuk, Managing acne in adolescents, Pediatric Clinics of North America, 47, 4, 2000, 841-857).

La sécheresse cutanée étant un effet indésirable fréquent en cas de traitement de l’acné, il est indispensable d’hydrater la peau à l’aide de produits adaptés. On optera pour des textures légères, exemptes de matières premières occlusives.

Le recours à des thérapies photo-sensibilisantes implique la nécessité de choisir un produit de protection solaire adaptée (Sonya K Brown, Alan R Shalita, Acne vulgaris, The Lancet, 351, 9119, 1998, 1871-1876). On choisira des émulsions de niveau de protection très élevé (SPF 50+). Les formules les plus simples, sans huiles végétales ou dérivés pétrochimiques, seront préférées. Les dérivés de silicone prendront ici toute leur importance.

Enfin, pour masquer les lésions il peut être intéressant d’avoir recours à du maquillage correcteur. Si certains dermatologues et patients voient les produits de maquillage d’un mauvais œil, estimant que ceux-ci peuvent aggraver les signes cliniques de la maladie, il n’en est pas de même des dermatologues de l’Université Frédéric II de Naples, qui sont, en effet, de fervents défenseurs d’un produit couvrant particulier qui permet de masquer les imperfections du visage. Non comédogène, couvrant, traitant, le produit en question possède toutes les qualités. Avec un taux de satisfaction de 100 % des volontaires recrutés pour le tester, on trouve ici LE produit de maquillage par excellence. Si sa composition complète n’est pas révélée, on saura simplement que les actifs incorporés sont des filtres UV (leurs noms ne sont pas précisés), un extrait de saule blanc (Salix alba), de la vitamine B3, des isoflavones de soja et des vitamines C et E (Giuseppe Monfrecola, Sara Cacciapuoti, Claudia Capasso, Mario Delfino, and Gabriella Fabbrocini, Tolerability and camouflaging effect of corrective makeup for acne: results of a clinical study of a novel face compact cream, Clin Cosmet Investig Dermatol, 2016, 9, 307–313). Les lecteurs qui nous sont fidèles savent que nous ne recommandons jamais (bien au contraire !) l’application journalière de filtres UV ; ils savent également que les isoflavones de soja ne font pas partie de nos ingrédients préférés…

Nous terminerons en évoquant quelques pratiques étonnantes. Un grand nombre de patients ont recours à des aliments particuliers, utilisés tels quels ou incorporés dans des recettes-maison pour traiter leur acné. Une étude réalisée en Arabie Saoudite sur 658 sujets acnéiques place le miel en tête de la liste des ingrédients plébiscités par les patients. Les yaourts viennent en deuxième position. Sont également évoqués le citron, la levure, les œufs, la papaye, le vinaigre de cidre, la cannelle. Différentes huiles végétales (huile d’olive, huile de bourrache), l’eau de rose, le dentifrice, l’eau de riz… font également partie de la longue liste des ingrédients et/ou préparations utilisés sans avis médical. La pommade Vicks Vaporub est également citée par certains auteurs (Ahmad Ahmad, Logain Alghanemi, Sumayyah Alrefaie, Shahad Alorabi, Sameer Zimmo, The use of complementary medicine among acne valguris patients: Cross sectional study, Journal of Dermatology & Dermatologic Surgery, 21, 2, 2017, Pages 66-71). Cette publication montre que le détournement de médicament et que le mésusage concernant les cosmétiques est un phénomène mondial !

Dans cette liste d’aliments, on trouve des substances caustiques (c’est le cas de la cannelle), des substances photo-sensibilisantes (c’est le cas du citron)… C’est sans compter les corps gras à caractère comédogène !

Non vraiment, le dentifrice, c’est pour se laver les dents, les yaourts pour terminer un repas, le citron pour agrémenter le poisson, l’eau de riz pour limiter le nombre de selles en cas de gastroentérite… tout ceci ne constitue nullement des moyens efficaces de lutter contre l’acné !

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