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Les cosmétiques, des produits de camouflage indispensables !

> 17 décembre 2023

Les cosmétiques, des produits de camouflage indispensables !

L’armée des ombres… toute une armée de combattants qui, en France, contrecarrent les actions de l’occupant allemand.1 Des hommes, des femmes qui se lèvent, qui se mettent en action pour chasser l’occupant. Plus qu’un roman, un reportage qui nous fait entrer dans le monde de la Résistance.2 Celui des femmes du peuple, qui sacrifient leurs vies et leurs familles, celui des coiffeurs qui, tout en coupant les cheveux, proposent, à leur clientèle, des journaux « subversifs »…

Philippe Gerbier, le héros du roman !

Gerbier est le chef d’un groupe de résistants (plutôt le sous-chef, en réalité). Incarcéré dans un camp de prisonniers, il y rencontre différents personnages détenus pour des raisons variées et parfois saugrenues. Pendant que les uns jouent aux dominos (le colonel Duplessis, le pharmacien Aubert et le voyageur de commerce Octave Bonnafous), les autres rêvent d’évasion.

Le pharmacien Aubert, un héros malgré lui !

C’est « l’ignorance générale » qui est à l’origine de son incarcération. Le malheureux pharmacien disposait, pour son travail, d’obus… Malher. « Un récipient de forme ogivale, destiné à faire des réactions chimiques sous pression. » En bon chimiste, le pharmacien Aubert dispose de ce genre d’obus pourtant bien inoffensif… Détenteur d’obus… voilà ce qui a fait tomber l’honorable et paisible apothicaire !

Des matons recrutés dans la lie de la société

Ces matons diminuent les rations alimentaires pour en faire commerce ; ces matons vendent, à prix d’or, des produits de première nécessité, comme le « savon » ou les « menus objets de toilette » ! Ce qui explique que l’on croise dans les camps tant de personnes « pas rasés, mal lavés » et dénutris.

Des bains anglais voluptueux

Régulièrement, Gerbier part rendre des comptes en Angleterre. Là, il peut manger à sa faim et prendre un « bain chaud tous les matins avec le savon qui mousse sur le corps ». Un vrai bonheur après des semaines et des semaines de privation !

Des coiffeurs français héroïques

En Angleterre, Luc Jardie, dit Saint-Luc, le chef du réseau dont fait partie Gerbier, ne tarit pas d’éloges en ce qui concerne les coiffeurs français. Pas question pour cette raison de confier sa longue chevelure grise à un british figaro ! Et Saint-Luc de justifier son admiration pour les professionnels français. Le patron d’un salon de coiffure trouve, ainsi, un beau jour, un exemplaire d’un journal clandestin dans sa boite aux lettres. Au lieu de le mettre au feu par précaution, le brave homme fait faire, au journal, le tour de ses clients. « Et tout le monde, qui le visage enduit de savon, qui sous les ciseaux ou la tondeuse, tout le monde approuva. »

Des coiffeurs français encore et toujours héroïques

Jean-François, le frère de Luc Jardie, arrêté par la police, se réfugie chez un coiffeur, qui traîne la savate et possède une vraie tête « d’indicateur » ! Pourtant, lorsque Jean-François demande à se faire raser la moustache et à se faire teindre en noir des cheveux jusque-là blond cendré (« Une blague que j’ai préparée. Un pari avec une petite amie. »), le coiffeur obtempère… et passe une heure complète à travailler la tête de son client. Le regard fuyant, le coiffeur en question semble bien être un collabo de première. Sûrement, au lieu de rapporter la monnaie comme il l’a indiqué à la fin de la coupe, il risque fort d’appeler la police. Pas du tout ! Le brave homme tend à Jean-François un vieil imperméable passepartout, afin de mieux se fondre dans la foule !

Désormais, le tendre et blond Jean-François est transformé en une jeune brute à la « face dure, pénible à regarder » ! Seul son rire reste le même !

Et une jeune étudiante toute fraiche et une mère de famille défraichie

Sous la bannière de la résistance on trouve tous les styles : de l’étudiante en quête d’une bonne aventure, à la mère de famille exemplaire. Mathilde, l’un des piliers d’une de ces organisations, a été recrutée sur un coup de sang de sa voisine… Un tract anti-allemand glissé dans la poche du manteau de Mathilde… et tout peut commencer.

Mathilde attrape l’étudiante par le bras et la pousse dans son logement exigu. Au milieu des « boîtes de maquillage, des ustensiles de toilette très personnels », Mathilde, peu à l’aise (cette femme, au demeurant excellente ménagère, n’apprécie guère le manque de rigueur domestique de sa voisine) prend contact avec un membre de la Résistance. Enfin, elle va pouvoir servir son pays !

Et la Mathilde encore et toujours

Mathilde, une paisible mère de famille nombreuse, se donne corps et âme à l’organisation ; elle change d’aspect en un tournemain et est prête à courir tous les dangers. Un jour, vieille femme austère aux cheveux poudrés (« Tantôt, elle se poudrait les cheveux et mettait une robe noire austère). Le lendemain, fardée comme une « vieille grue » (Tantôt, elle se maquillait et s’habillait d’une manière voyante.»). Le surlendemain, en femme enceinte, les « cheveux au henné » ! Mathilde établit des contacts avec d’autres organisations, transporte des courriers, va et vient sans arrêt !

Et des jeunes gens qui retournent à l’état sauvage

Dans le maquis, les jeunes gens « ne peuvent pas se laver ». Ils ne peuvent pas non plus « se raser ». Barbes et cheveux longs deviennent la norme !

Et des familles entières qui retournent à l’état sauvage

Des femmes, des enfants, qui fuient la police et se cachent dans les campagnes, dans des baraques abandonnées sans aucun confort. « Elles sont restées des mois sans pain, sans feu, sans linge, sans savon » !

Et puis Félix, Le bison, Lemasque, Jean-François, dit bébé

Autant de figures de l’ombre qui œuvrent en secret pour la libération de la France.

Et des cosmétiques très utiles

On l’a vu avec le cas de Mme Mathilde, qui change de figure comme de chemise. On le voit également avec un professeur de Sorbonne, rencontré dans le métro par Saint-Luc. Un petit clin d’œil de reconnaissance… L’homme métamorphosé se fait reconnaître de Luc Jardie, par un simple clignement d’œil. Un dénommé Thomas, « admirablement maquillé ».

L’armée des ombres, en bref

« L’armée des ombres », « l’armée miraculeuse de l’amour et du malheur », une armée « sans soleil et sans gloire », qui chemine sur des chemins de traverse… Une armée, qui exécute les renégats, sans état d’âme, parce qu’il y a en jeu des dizaines de vie. Une armée, qui n’a qu’un seul objectif, retrouver la liberté !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Kessel J., L’armée des ombres, Pocket, 2022, 220 pages

2 https://resistance-deportation18.fr/accueil/ressources/comptes-rendus-de-conferences-lectures/lecture-joseph-kessel-larmee-des-ombres#:~:text=Un%20ouvrage%20paru%20fin%201943&text=L'arm%C3%A9e%20des%20ombres%20n,auxquels%20il%20se%20veut%20fid%C3%A8le

 

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