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Leçon de maquillage ou comment se peinturlurer avec talent !

> 13 juin 2020

Leçon de maquillage ou comment se peinturlurer avec talent !

A l’occasion de son décès, un auteur de théâtre, Antoine de Saint-Flour,1 décide de réunir pour la dernière fois les acteurs de sa vie. De l’une de ses premières maîtresses, la charismatique Carlotta, à sa dernière conquête, la toute jeune Frida, en passant par Marcellin, le médecin de famille au diagnostic approximatif, ou Cravatar, le critique à la langue bien acérée... ils sont venus, ils sont tous là... pour le papa, le papa de centaines d’œuvres, le papa des enfants d’Estelle et celui de Gabrielle.

Le notaire, chargé des dernières volontés de son client, est un peu aussi son dernier ami. Ils ont, ensemble, vidé d’« innombrables verres de bière », à la recherche de la vérité qui se cache, peut-être, dans le fond de certains d’entre eux.

Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez Antoine ? Tout et rien. La cinquantaine ne lui réussit pas, un point c’est tout... Trop de succès, trop de critiques, trop de conquêtes. Une sorte de trop-plein qui finit par déborder et engendre une crue qui ravage tout sur son passage.

Autour du notaire, les uns et les autres échangent des banalités, se heurtent un peu, s’attendrissent beaucoup. Il y a des égratignures, des échanges de conseils cosmétiques, des conseils médicaux...

Echange de conseils cosmétiques

La vieille Carlotta est une actrice sur le retour. Elle ignore les miroirs et ne se regarde plus, pour se maquiller, depuis quelques années, que dans d’anciens portraits. Ironie d’Estelle : « C’est peut-être pour cela que vous vous mettez toujours un peu trop de rouge, Carlotta. » Réponse bien envoyée de Carlotta : « Ma chère, c’est exact, je me peins. » Cette peinture nécessite des couleurs tranchées. Ce maquillage-peinture doit être à la hauteur des attentes de son public. Un maquillage naturel (nude - effet peau nue) conviendrait à une petite-bourgeoise comme Estelle, pas à une actrice à forte personnalité. Passe d’armes entre les femmes de la vie d’Antoine !

Echange de recettes médicamenteuses

Echange de recettes médicamenteuses aussi, autour d’un genou enflé... Le baume des Brahmanes est un remède souverain pour débloquer les articulations capricieuses. Gabrielle en a dans sa valise. Elle s’empresse d’aller chercher la fabuleuse pommade, afin de masser le genou malade. Civilités entre les femmes de la vie d’Antoine !

Bataille d’oreillers et barbe en coton

Retour en arrière sur la journée d’anniversaire d’Antoine. 50 ans ! Impossible à admettre. Les enfants y ont, pourtant, mis du leur. En cadeau, une « grande barbe blanche » en coton hydrophile, « une canne d’infirme et 50 boîtes de pastilles pour la toux. » Le kit complet. Et pour finir une bataille d’oreillers avec des plumes qui volent partout, comme un gamin de 5 ans...

Avant de quitter la scène, Antoine mélange les rôles... Chaque comédien découvre son texte et questionne l’auteur. Evidemment, Carlotta a obtenu le rôle de la « vieille peau » !

Autour de la tombe de ce cher Antoine, chacun y va de son lieu commun... puis l’on s’entasse dans une voiture et l’on cause de tout et de rien, d’une histoire de mésusage, celle d’une « petite fille qui avait avalé un savon ».

Ce soir, on cloue les volets de la dernière demeure d’Antoine. Sortons vite, il ne s’agirait pas de rester bloqué à l’intérieur !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette illustration le jour de la fête d'un Antoine qui nous est cher !

Bibliographie

1 Anouilh J. Cher Antoine ou l’amour raté, in Pièces baroques, La table ronde, 392 pages, 2007

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