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L’histoire d’une organisation secrète qui avance masquée !

> 08 septembre 2020

L’histoire d’une organisation secrète qui avance masquée !

Quatre ans après les évènements survenus à Chimneys,1 la propriété de lord Caterham est à nouveau le théâtre d’un drame.2 L’excentrique lord Caterham, un peu à court de liquidités, a loué sa belle demeure historique à Sir Oswald. Lors d’un week-end, lady Coote, épouse de ce dernier, a invité 3 jeunes filles - 2 brunes et 1 blonde, toutes 3 « les cheveux coupés à la garçonne » - et 3 jeunes hommes, Bill Eversleigh, Ronald Devereux et Gerald Wade. Il y a également un certain Jimmy Thesiger, visage poupin, « blond aux allures de chérubin », qui se promène dans les parages. Tous ces jeunes gens font la grasse matinée et le champion en la matière est certainement Gerry (Gerald Wade). Afin de lui faire une farce, 8 réveils sont cachés dans sa chambre. Malgré un tintamarre incroyable, Gerry reste profondément enfoui sous ses draps... pour cause « d’abus de chloral » ! Voilà pour le premier meurtre... Le second, c’est celui de Ronny (Ronald Devereux) ; une balle de révolver ! En trépassant, Ronny a le temps de murmurer : « Les Sept Cadrans » !

Lady Eileen Caterham, une jeune demoiselle brune et mince, surnommée, de manière incongrue, « Bundle-la-Boulotte » et considérée comme une personne « comme il faut », va mener sa petite enquête, en parallèle de celle du superintendant Battle. Et pour commencer, Bundle va se glisser dans un placard du club de nuit des Sept Cadrans, afin de surprendre les plans d’une organisation secrète, plutôt étrange. Dans ce club, une « odeur de friture entêtante » se mêle curieusement à une odeur d’aventure enivrante.

Dans ce roman, il y a des secrets industriels à protéger (un procédé qui décuple la solidité de l’acier vient d’être mis au point), des réunions au sommet, de belles aventurières bien maquillées... Il y a de l’amour, de la passion et la vengeance d’une brune !

Une organisation secrète qui prône le port de drôles de masques

Dans le club des Sept Cadrans, point de masques chirurgicaux, mais des masques en tissu qui cachent le visage et donnent l’heure, enfin seulement 2 fois par jour seulement… car cette heure est fixe ! Mr Mosgorovsky, le patron de ce club plus que louche, est le N°6. (« Celui-ci ne moulait pas la figure c’était un simple morceau d’étoffe qui pendait de son front comme un rideau, percé de deux trous pour les yeux. Il était rond et orné d’un cadran dont les aiguilles marquaient 6 heures ».)

Une femme séduisante qui porte un masque qui donne l’heure : 3 heures

Parmi les 7 membres de l’organisation secrète, le N°3 est une femme. Celle-ci, très séduisante, aime les tenues vaporeuses, les décolletés profonds. Sa peau blanche est marquée d’un « minuscule grain de beauté sous l’omoplate droite ». Cette femme, à l’accent slave prononcé et à la peau mate, est dotée « d’immenses yeux bleus », de « cheveux d’un noir de jais » et d’une bouche arrogante teintée par un « rouge à lèvres agressif ». La comtesse Anna Radzsky - c’est ainsi qu’elle se présente dans le monde - use d’une grande quantité de « produits de beauté » (pour s’en convaincre il suffit de faire un tour dans sa chambre et d’observer les cosmétiques alignés sur sa coiffeuse) semble bien avoir tourné la tête de Bill Eversleigh.

Une fille amoureuse non masquée qui arrive toujours à la bonne heure

Bundle a bien remarqué le petit manège de la belle aventurière... Lorsqu’elle s’évanouit, Bundle se précipite : « Et d’une main experte, elle aspergea d’eau bien froide l’exquis maquillage de la comtesse. » Ainsi trempée, la belle est nettement moins séduisante. Et un point pour Bundle !

Une femme non masquée qui vit à l’heure de sa jeunesse

Lady Coote, une hôtesse qui ne supporte pas que l’on arrive en retard au petit-déjeuner (celui-ci est servi à 8 heures précises), est une « femme à la beauté tragique ». Son ascension sociale lui coûte cher. N’aimant rien moins que sa tranquillité, Lady Coote se souvient avec tendresse de sa rencontre avec Oswald, « le commis du magasin de cycles jouxtant la quincaillerie paternelle ». Cette rencontre se situe à une époque où les jeunes filles ne coupaient pas leurs cheveux. En signe d’amour, elles pouvaient, de ce fait, réaliser des travaux de couture en utilisant leur capillaire en lieu et place de laine à broder. « Moi du temps de nos fiançailles, je brodais des mouchoirs pour Sir Oswald avec mes propres cheveux. »

Les Sept Cadrans, des masques, des cadrans, des horaires

Ce roman d’Agatha Christie paru en 1929 n’est pas très digeste. A défaut d’être passionnant, il nous propose une nouvelle option pour les masques utilisés actuellement dans le cadre de la prévention de la COVID. Après le masque transparent (pour voir les lèvres et le sourire), le masque cadran qui donne l’heure (pour être toujours en phase avec son temps) !

Un garnd merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour sa vision toute artistique sur le port du masque !

Bibliographie

1 Christie A. Le secret de Chimneys, Editions du masque, 2002, 255 pages

2 Christie A. Les Sept Cadrans, Librairie des Champs-Elysées, 1990, 221 pages

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