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Le divin Auguste, l’empereur qui met ses courtisans au parfum !

> 17 juin 2023

Le divin Auguste, l’empereur qui met ses courtisans au parfum !

Le successeur de Jules César est né sous de bons auspices… L’écrivain Suétone dans son ouvrage Vies des douze Césars se plaît, toutefois, à souffler le chaud et le froid concernant ce personnage d’importance né sous le signe du Capricorne, d’ascendance divine.1 Suétone nous livre le portrait d’un homme actif qui use les coiffeurs par dizaine et se parfume avec délectation.

Où l’on en dit pis que pendre !

Concernant ses parents, les mauvaises langues tentent de jeter le discrédit sur eux, en mettant en avant des professions jugées inadéquates avec une charge aussi prestigieuse que celle d’un empereur. Un père « courtier », un bisaïeul côté maternel ayant « exploité un négoce de parfumerie » ou bien « exercé le métier de boulanger à Aricie » ! Bref, la honte la plus totale !

Où l’on s’en laisse pousser les cheveux

Peu de déconvenues durant le règne de cet auguste Auguste ! Toutefois, « les revers de Lollius et de Varus », avec la perte de « trois légions » (dans le cas du désastre de Varus), mirent l’empereur dans un état effroyable. « On rapporte que si grande était sa consternation qu’il resta des mois sans se faire tailler les cheveux ni raser la barbe et que souvent il allait cognant de la tête contre les portes, hurlant : « Quintilius Varus, rends-moi mes légions. » »

Où l’on frémit de sa dureté

En lisant Suétone, on est pris de sueurs froides en apprenant le caractère irritable d’Auguste. Faire briser les jambes d’un secrétaire pour son manque de discrétion… Il avait, dit-on, divulguer le contenu d’une de ses lettres. Un peu radical tout de même.

Où l’on s’étonne de son appétit

Auguste, aurait, disent certains, organisé un somptueux festin, Le festin des Douze Dieux, alors même que le peuple criait famine. Médisance… que tout cela assure Auguste, qui se présente comme un homme aux goûts modestes. Modestes et même « frustes », nous souffle à l’oreille Suétone, qui évoque des menus réduits à l’essentiel : « du pain de ménage, des sardines, du fromage de vache pressé à la main, des figues fraîches »… Bref pas de quoi fouetter… un esclave ! Pas très réglo sur les horaires, cet Auguste qui mange très vite, un peu tout le temps (il aurait inventé le grignotage !) et boit très sobrement, remplaçant parfois l’eau par le jus d’un concombre !

Où l’on s’insurge sur son appétit… pour les vierges

On fait la moue, en constatant son appétit pour les choses de la chair, avec un goût prononcé pour les jeunes vierges, vers « la fin de sa vie », en particulier. Ben voyons ! « […] il raffolait de vierges qu’il se procurait même avec le concours de son épouse. »

Où l’on s’interroge sur sa beauté

« Il était d’une beauté exceptionnelle, dont le charme demeura inaltéré au cours des différents âges de la vie, quoiqu’il négligeât tout artifice de séduction et qu’il fût si indifférent aux soins de sa chevelure qu’il se faisait rapidement tailler les cheveux par plusieurs coiffeurs à la fois, et tantôt tondre, tantôt raser la barbe, occupé lui-même à lire ou à écrire pendant ce temps. » Une sorte d’hyperactif qui ne veut pas perdre une minute en somme !

Des yeux clairs, un teint entre deux (« le teint de son épiderme entre le brun et le blanc »), une chevelure « légèrement ondulée et d’un châtain sombre »… mais des dents « gâtées » et le corps « couvert de taches » !  On pense alors que l’origine des « durillons dartreux » qui pullulent sur sa peau sont à mettre sur le compte de l’emploi d’un « racloir », utilisé afin de calmer « des prurits » incessants.

Donc une beauté toute relative pour un être issu… d’Apollon. La légende dit, en effet, que sa mère fut prise de sommeil dans le temple d’Apollon et y fut fécondée par un serpent. Elle en garda, soi-disant, la trace indélébile sur son ventre… une trace si imposante et si étrange que, par la suite, elle « s’abstint de se montrer dans les bains publics » !

Où l’on s’interroge sur sa santé

En apprenant que toute sa vie Auguste a pignoché, étant « languissant » chaque année, au moment de souffler les bougies de son gros gâteau d’anniversaire. Ne supportant ni le grand froid ni les fortes chaleurs, Auguste doit porter un maillot de corps l’hiver (« un dessous de laine thoracique », comme on disait à l’époque), sous sa chemise et être ventilé l’été par une personne de bonne constitution tout le long du jour… et la nuit aussi.

Quelques coups durs aussi avec des calculs biliaires douloureux traités de manière empirique (et « inefficace ») par des « topiques chauds », puis des « topiques froids » !

Où l’on apprend son aversion pour le soleil

Et à ce sujet, Auguste est intraitable. Jugé « intolérable », le soleil est fui avec méthode… En cas de besoin, Auguste s’affuble d’un « chapeau à large bord » afin d’être protégé des effets néfastes des UV !

Où l’on découvre son goût pour les parfums

En matière d’hygiène ou de soin, les bains… point trop n’en faut. Auguste se tient à distance. Sachant sa grande « fragilité corporelle », Auguste ne se baigne que « rarement ». Il raffole, en revanche, des frictions parfumées ou des séances de transpirarium (on ne garantit pas l’exactitude de l’expression), en se plaçant à côté d’un bon feu. Il ne dit pas non à des « ablutions », réalisées avec de « l’eau tiédie ou fortement réchauffée au soleil » ! Pas facile à contenter le bonhomme ! Pour les bains, on l’a dit c’est niet ! Pas plus les bains de mer, que les bains d’eau thermale ; il ne consent - et encore doit-on l’en prier - qu’à tremper les mains et les pieds dans une « baignoire en bois », sur le bord duquel il pose son auguste fessier !

Ce goût pour les parfums se rencontre jusque dans son vocabulaire. Celui-ci est trié sur le volet. Il s’agit de choisir les mots les plus justes, les moins « tarabiscotés ». Il se refuse à user de « mots obscurs et vieillis qui exhalent comme une odeur de moisissure ». Il se moque d’ailleurs, gentiment, de son ami Mécène dont la préciosité du vocabulaire lui fait monter la poésie aux lèvres. Cet ami qui s’exprime en « papillotes parfumées » le fait profondément rire. Simplifiant l’orthographe, Auguste parle comme il écrit (ou plutôt l’inverse). Cet homme pressé va droit au but… tout simplement. Et il nous laisse quelques expressions de son cru, tels que être « solvable aux calendes grecques », « en moins de temps qu’il n’en faut pour cuire des asperges »…

Où l’on apprend à mourir en toute beauté

L’une des dernières phrases d’Auguste fut : « Passez-moi un miroir ». Il s’y mira, puis se mit « à arranger sa chevelure et à remettre en place sa mâchoire déjà pendante ».

Auguste dans les yeux de Suétone, en bref

Ah, il faut être bien malin pour se faire une idée du tempérament d’Auguste en lisant Suétone. Cruel, affable, généreux, hyperactif, souffreteux, lubrique, mais chaste (!!!) selon les paragraphes, cet Auguste-là aime avec passion les gommages mécaniques (un peu trop même) et les frictions de parfums. Son langage franc et direct étonne les courtisans au langage châtié et virevoltant. Des papillotes parfumées, voilà ce qui est mis sur la langue de ces gens-là et non pas sur leurs chevelures ! Une expression à retenir !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour ce portrait d'Auguste.

Bibliographie

1 Suétone, Vies des douze Césars, Bartillat, 2010, 558 pages

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