Nos regards
Le cosmétique protège-peau ou protège-lèvres qui annule l’effet délétère des cosmétiques !

> 28 février 2024

Le cosmétique protège-peau ou protège-lèvres qui annule l’effet délétère des cosmétiques !

On connaît tous, depuis notre petite enfance, le protège-cahier, destiné à protéger nos cahiers d’écolier. On connaît l’utilité de ce genre d’article, à savoir protéger le cahier des taches, des écornures, de toutes les misères qui peuvent lui arriver, alors qu’il est trimballé quotidiennement d’un sac informe à un bureau surpeuplé.

Dans le même genre, on connaît également le protège-carnet de santé (une variante du protège-cahier), le protège-pied (cette mini-chaussette qui se glisse dans le mocassin et donne l’impression d’un pied nu), le protège-slip, le protège-matelas, le protège-tibia, le protège-dents, autant d’articles qui protègent une partie d’un individu (pied, tibia, dent) ou un bien de consommation comme un slip ou un matelas (et on voit bien dans les deux cas de quel genre de protection on parle).

Une curieuse publication parue en novembre 2023 vient nous proposer un protège-peau,1 susceptible de protéger notre peau des effets délétères des cosmétiques (désignés parfois dans le texte sous le nom de produits de beauté). Forcément, cela nécessite d’aller gratter un peu.

Le cosmétique, un produit dangereux

Les auteurs de la publication n’y vont pas par quatre chemins ; à leur avis, les produits cosmétiques constituent des produits dangereux et ce, aussi bien, du fait de la présence dans ceux-ci d’ingrédients interdits comme les métaux lourds, que d’ingrédients autorisés comme les conservateurs antimicrobiens ou les filtres UV. Ces ingrédients, présentés comme délétères, vont passer dans la circulation sanguine, se distribuer dans l’organisme et éventuellement y rester (s’y accumuler) ou bien au contraire être excrétés par le rein. Sous l’action des UV, ces ingrédients seraient également capables d’être dégradés en espèces réactives de l’oxygène, susceptibles d’induire un stress oxydant au niveau cutané, assorti de pathologies générales ou cutanées. Les termes de « cancer cutané » et de « mélanome » sont même franchement lâchés !

Le terme de « menace sérieuse » pour la santé humaine est également avancé. Les auteurs considèrent que seulement 20 % des ingrédients cosmétiques employés par les industriels sont sûrs d’emploi, ce qui, forcément, refroidit un peu l’atmosphère. Entre les ingrédients qualifiés de « perturbateurs endocriniens », de « cancérigènes » ou de « neurotoxiques » on a, à lire cette publication, que l’embarras du choix si l’on souhaite en finir avec la vie.

Le cosmétique à base de Tamarix, un produit salutaire

Afin de contrecarrer l’effet délétère des ingrédients « chimiques » incorporés dans les cosmétiques (les auteurs insistent sur le fait que la nocivité des cosmétiques est à mettre en lieu avec leur contenu « synthétique »), les auteurs de ce travail surprenant proposent l’incorporation dans les cosmétiques d’un extrait de Tamarix articulata, bourré de polyphénols, à activité antiradicalaire. Selon les tests in vitro, réalisés sur fibroblastes (les tests ont été effectués avec des rouges à lèvres), tout va pour le mieux, dès lors que l’on annule les effets délétères des ingrédients cosmétiques, grâce à un extrait végétal bien choisi.

Donc deux possibilités : soit on prépare une sous-couche, placée sous le cosmétique visé (fond de teint, rouge à lèvres), c’est-à-dire un cosmétique ne contenant qu’un excipient à base de Tamarix (ce que nous avons appelé malicieusement un protège-peau ou un protège-lèvres), soit on incorpore directement dans le cosmétique délétère le précieux extrait de Tamarix.

Une idée déjà ancienne

L’idée d’appliquer une sous-couche, destinée à protéger la peau d’un éventuel effet délétère d’un produit de maquillage ne date pas d’hier, si l’on en croit Emile Zola. En effet, l’actrice, mise en scène par l’écrivain dans son roman Nana, use de cette technique pour préserver sa peau des effets délétères d’un fard de théâtre certainement saturé en plomb. Avec force détails, Emile Zola nous explique la façon dont Nana procède avant d’entrer en scène. La première étape consiste à placer sur sa peau un cold cream ; cette couche protectrice de composition anodine est appliquée au doigt (l’on ne risque rien puisque le cold cream n’est composé que de bons ingrédients). Une fois cette précaution prise, on peut passer à l’émaillage du visage, à l’aide, cette fois-ci, d’un produit nettement moins sympathique, un fard blanc gras, qui est déposé à l’aide d’un coin de serviette (Nana n’a nullement envie d’appliquer ce produit sur une surface de peau non préalablement protégée). Cette étape délicate une fois effectuée, reste à appliquer la poudre de riz, le mascara, le fard à joue, le rouge à lèvres. Et pour ce faire, Nana utilisera selon le cas une houppette, un pinceau, ou bien tout simplement ses doigts (dans le cas du fard à joues et du rouge à lèvres).2

Alors, le cosmétique protège-peau ou protège-lèvres, bonne ou mauvaise idée ?

Une idée saugrenue, pour le moins. On nous vend, il est vrai, des compléments alimentaires anti-gueule de bois (Alcoool)3… il n’est donc pas impossible que des petits malins se jettent dans le créneau du cosmétique protège-peau ou protège-lèvres.

Le cosmétique protège-peau ou protège-lèvres, il existe déjà

Les auteurs de la publication mettent en avant les propriétés protectrices d’un extrait de Tamarix. Il suffit donc d’incorporer dans un cosmétique un extrait végétal riche en polyphénol à activité antiradicalaire pour sauver sa peau ou ses lèvres. Ah ben dit comme ça, c’est tout de suite plus rassurant. En effet, la grande majorité des produits cosmétiques du marché renferment ce genre d’ingrédient.

Démonstration, un extrait d’édelweiss4 est présent dans des produits Helena Rubinstein,5 Garancia,6 Nuxe7... Et bien d’autres encore.

Alors ?

Si l’on doit toujours améliorer la qualité des cosmétiques (et bien évidemment les métaux lourds ne doivent pas être présents dans ce type de produits), le salut ne viendra pas d’un ingrédient-miracle venu annuler l’effet délétères des autres ingrédients. Le salut viendra d’une formule irréprochable. Il serait bien de s’en convaincre, avant de mettre au point des parades plutôt fumeuses !

Bibliographie

1 Alnuqaydan AM, Zainy FMA, Almutary AG, Sadier NS, Rah B. Tamarix articulata extract offers protection against toxicity induced by beauty products in Hs27 human skin fibroblasts. PLoS One. 2023 Nov 16;18(11):e0287071

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/enquete-discrete-sur-la-nana-d-emile-zola-956/

3 https://nonnalab.com/products/bouteille-alcoool-pack-de-6

4 Pralea IE, Moldovan RC, Țigu AB, Petrache AM, Hegheș SC, Mitoi M, Cogălniceanu G, Iuga CA. Profiling of Polyphenolic Compounds of Leontopodium alpinum Cass Callus Cultures Using UPLC/IM-HRMS and Screening of In Vitro Effects. Plants (Basel). 2021 Dec 29;11(1):100

5 https://www.marionnaud.fr/soin-visage/anti-rides-et-anti-age/serum/prodigy-cellglow-serum-cure-anti-age-global-helena-rubinstein/p/102074326

6 https://garancia-beauty.com/blogs/conseils-beaute/ledelweiss-la-fleur-etoile

7 https://fr.nuxe.com/super-serum-10-yeux-le-concentr%C3%A9-yeux-anti-age-universel-15ml/14866678.html

 

Retour aux regards