Nos regards
L’acide pyrrolidone-carboxylique, un hydratant de compétition !

> 18 septembre 2019

L’acide pyrrolidone-carboxylique, un hydratant de compétition !

Avec un nom INCI (PCA), qui ressemble à un nom code, l’acide pyrrolidone-carboxylique, également retrouvé sous le nom d’acide pidolique, est une molécule naturellement présente dans l’organisme. Il est obtenu par déshydratation de l’acide glutamique, un acide aminé très répandu dans la nature et considéré par le département de l'Énergie des États-Unis comme l’un des ingrédients rentrant dans le « Top 12 » des matières premières impliquées dans des réactions de transformations chimiques ou biochimiques.1 D’obtention facile, cette molécule, dont on connaît le rôle hydratant au niveau cutané depuis les années 1960, est largement retrouvée dans les produits cosmétiques où elle exerce le rôle d’agent humectant et hydratant.2 Des produits Melvita3 aux produits Bioderma,4 en passant par les produits Cosmia,5 on remarquera la grande ouverture d’esprit de cet ingrédient, qui s’invite aussi bien dans les produits biologiques que conventionnels, dans les produits vendus en pharmacie qu’en GMS.

Un peu d’histoire

L’acide pyrrolidone-carboxylique (Pyrrolidone carboxylic acid ou PCA) est connu comme un dérivé cyclique de l’acide glutamique depuis la fin du XIXe siècle.6 Il est d’ailleurs également désigné sous le nom d’acide pyroglutamique du fait de son mode d’obtention. C’est en 1956 que Gertrud Pascher démontre sa présence dans le tissu épidermique et émet l’hypothèse de sa formation au cours du processus de kératinisation.7

Une molécule naturellement présente dans la peau

L’acide pyrrolidone-carboxylique, l’acide urocanique et différents acides aminés résultent de la dégradation enzymatique par la caspase 14 (cysteinyl aspartate-specific proteinase 14), la calpaïne-1 et la bléomycine-hydrolase de la filaggrine. Les acides aminés, l’acide urocanique et le PCA sont des molécules hygroscopiques qui retiennent l’eau dans la couche cornée et jouent un rôle de plastifiant. C’est sous le nom de NMF (Natural Moisturizing Factor) que l’on désigne un ensemble de molécules hydratantes comprenant entre autres des acides aminés, le PCA, l’urée, l’acide urocanique, des sels minéraux. Ce NMF représente 10 % de la masse cellulaire.8,9 L’acide pyrrolidone-carboxylique est présent dans l’épiderme de nombreux Mammifères en quantité variable. Dans une publication datant de 1973, le cochon d’Inde apparait comme le champion toute catégorie avec une teneur de 186 micromoles/grammes de poids frais, vient ensuite l’homme (45 micromoles/grammes de poids frais), puis le chien (31 micromoles/grammes de poids frais), le rat (21 micromoles/grammes de poids frais) et la souris (19 micromoles/grammes de poids frais).10 Encore faut-il que cette souris soit élevée dans des conditions confortables. En cas de surpopulation, on a effectivement noté que le stress engendré par cette situation entraîne un certain nombre d’effets à type d’amaigrissement, de réduction de la fonction barrière cutanée et de diminution des taux de céramides et de PCA au niveau de la peau.11

Une teneur qui varie selon l’ethnie

Selon l’ethnie, le taux d’hydratation de la couche cornée sera plus ou moins important. Les Asiatiques, par exemple, auraient, ainsi, globalement, la peau plus sèche que les Africains ou les Caucasiens. La teneur en acide pyrrolidone-carboxylique au niveau de la couche cornée serait plus élevée chez l’Africain que chez le Caucasien.9

Une teneur qui varie selon les sujets

Les sujets à peau sensible (cette sensibilité est déterminée à l’aide d’un test d’irritation réalisée avec de la capsaïcine) présentent une teneur en PCA plus faible que les sujets à peau normale. L’activité de la bléomycine-hydrolase est diminuée de 34 % chez les sujets à peau sensible.12

Une teneur qui varie en fonction de certaines pathologies

Dans les années 1970, on constate une variation de la teneur en PCA chez des sujets atteints de psoriasis ou d’ichtyose (ichthyosys vulgaris). Chez le sujet normal, la teneur en PCA déterminée en mg/g de tissu frais est de 16,5 ± 5,2 (n = 5). Lorsque l’on considère les squames de psoriasis la teneur est beaucoup plus faible soit 1,9 ± 1,2. Même constat chez le patient souffrant d’ichthyose avec une teneur de 3,0 ± 1,2.7 En cas de dermatite atopique, on constate également une réduction de la teneur en PCA au niveau des lesions.13,14 Celle-ci est de l’ordre de 41 % par rapport aux zones de peau saine des mêmes sujets. La diminution de teneur observée par rapport au groupe témoin ne souffrant pas d’eczéma est de 48 %.15

Une teneur qui varie selon les traitements médicamenteux

La prise en charge de la dermatite atopique peut se faire de différentes façons. Selon le protocole médicamenteux choisi les conséquences sur la fonction barrière de la peau seront différentes. On constate ainsi qu’un traitement de 4 semaines par une crème renfermant 0,1 % de valérate de bétaméthasone réduit la teneur en PCA dans la couche cornée ainsi que la fonction barrière de la peau. L’utilisation d’une pommade renfermant 0,1 % de tacrolimus en revanche ne modifie pas la teneur en PCA et respecte la fonction barrière de la peau.16

Un actif antimicrobien d’intérêt ?

A l’heure où les agents antimicrobiens sont regardés avec circonspection par une partie des consommateurs il peut être intéressant de trouver des alternatives à certains conservateurs jugés peu sûrs, nous pensons tout particulièrement aux générateurs de formol. L’association de PCA (4 %) et de sulfate de cuivre penta-hydraté (0,002 %) constitue un système bactéricide efficace vis-à-vis d’un certain nombre de germes pathogènes et en particulier vis-à-vis de 12 souches de staphylocoques. On note une réduction de 5 log 10 du nombre de staphylocoque doré résistant à la méticilline en 5 minutes ; on observe la même réduction au bout de 3 minutes seulement dans le cas de Staphylococcus epidermis.17 Il faut, toutefois, préciser que d’autres auteurs considèrent le PCA (à 0,2 %) non comme un agent antimicrobien mais plutôt comme un substrat azoté utile au développement microbien et propice au développement de 46 souches bactériennes, 27 souches de moisissures et 4 souches de levures.18 Il conviendra donc de faire attention à ne pas mettre au point un bouillon de culture en lieu et place d’un cosmétique sûr d’emploi.

Phytosphingosine et PCA, une amitié inaltérable

La phytosphingosine est une molécule retrouvée au niveau de la peau, des intestins et du rein des animaux. C’est la molécule de base des phytocéramides NP (céramide 3), AP (céramide 6) et EOP (céramide 9), le céramide 3 étant le céramide le mieux représenté au niveau du Stratum corneum. La phytosphingosine présente un intérêt en tant qu’ingrédient cosmétique du fait de ses propriétés antimicrobiennes et anti-inflammatoires. On sait également de manière récente que cet ingrédient est, en outre, capable d’augmenter l’activité des protéases cutanées responsables de la production des molécules constitutives du NMF. L’application chez des volontaires pendant deux semaines d’une préparation composée de phytosphingosine (1 %) permet d’augmenter la quantité de PCA au niveau cutané de 43% par rapport au groupe témoin.19

Un actif cosmétique qui en irrite certains

Des travaux datant de 1989 mettent en évidence l’effet irritant du sel de sodium de l’acide pyrrolidone-carboxylique en solution aqueuse à 12,5, 25,0 et 50,0 % chez 3 étudiants en médecine parmi les 13 inclus dans l’expérience. A la concentration de 6,25 %, deux étudiants déclenchent un érythème au niveau du dos. Aucune réaction n’est notée au niveau de la joue, du front ou du cou. L’érythème apparait en 5 minutes et disparait en 30 minutes.20

Et qui en réjouit d’autres

Dans les années 1980, Clar et Fourtanier du laboratoire Unilever nous font part de 8 années de recherche concernant cet actif et nous révèlent qu’une dose d’emploi de 2 % d’acide pyrrolidone-carboxylique ou de son sel de sodium est suffisante et nécessaire dans un excipient bien choisi (exclure à ce titre les solutions aqueuses) pour observer un effet hydratant.18 Une trentaine d’années plus tard, ce sont les laboratoires Galderma qui font les louanges de cet actif incorporé dans un produit d’hygiène destiné au sujet atopique (Cetaphil).21

L’acide pyrrolidone-carboxylique, en bref

Le PCA est disponible chez un grand nombre de fournisseurs. Il est commercialisé le plus souvent sous sa forme sodée (sodium PCA, Aminosyl NL50, Jarchem Industries, INC). On le trouve également associé à d’autres ingrédients actifs dans des cocktails hydratants. C’est le cas par exemple de AC Moisture-Plex Advanced PF (Glycerin, aqua, sodium PCA, urea, trehalose, polyquaternium-51, sodium hyaluronate - Active concepts) ou bien de Hydroviton plus (Aqua, pentylene glycol, glycerin, fructose, urea, citric acid, sodium hydroxide, maltose, sodium PCA, sodium chloride, sodium lactate, trehalose, allantoin, sodium hyaluronate, glucose - Symrise). Utilisé généralement à moins de 10 %, cet ingrédient est très bien toléré. Il conviendra aussi bien au sujet à peau sensible qu’au sujet atopique. Cet ingrédient qui fait l’unanimité est un ingrédient « grand public » qui pourra faire son show dans tous types de produits !

Bibliographie

1 Suganuma S, Otani A, Joka S, Asako H, Takagi R, Tsuji E, Katada N, One-Step Conversion of Glutamic Acid into 2-Pyrrolidone on a Supported Ru Catalyst in a Hydrogen Atmosphere: Remarkable Effect of CO Activation, ChemSusChem., 2019, 5, 12, 7, Pages 1381-1389

2 http://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=77186

3 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/melvita-entre-la-theorie-et-la-pratique-198/

4 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/les-cosmetiques-et-la-haute-tolerance-202/

5 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/masque-capillaire-cosmia-un-exemple-parfait-de-tout-ce-qu-il-ne-faut-pas-faire-461/

6 Wilk S, Orlowski M, The occurrence of free L-pyrrolidone carboxylic acid in body fluids and tissues, FEBS Lett., 1973, 1, 33, 2, Pages 157-160

7 Marstein S, Jellum E, Eldjarn L, The concentration of pyroglutamic acid (2-pyrrolidone-5-carboxylic acid) in normal and psoriatic epidermis, determined on a microgram scale by gas chromatography., Clin Chim Acta., 1973, 27, 49, 3, Pages 389-395

8 Marty JP, NMF and cosmetology of cutaneous hydration, Ann Dermatol Venereol., 2002, 129, 1 Pt 2, Pages 131-136

9 Raj N, Voegeli R, Rawlings AV, Summers B, Munday MR, Lane ME, Variation in the activities of late stage filaggrin processing enzymes, calpain-1 and bleomycin hydrolase, together with pyrrolidone carboxylic acid levels, corneocyte phenotypes and plasmin activities in non-sun-exposed and sun-exposed facial stratum corneum of different ethnicities, Int J Cosmet Sci., 2016, 38, 6, Pages 567-575

10 Wolfersberger MG, Tabachnick J, Finkelstein BS, Levin M, J Invest Dermatol., L-pyrrolidone carboxylic acid content in mammalian epidermis and other tissues, 1973, 60, 5, Pages 278-281

11 Aioi A, Okuda M, Matsui M, Tonogaito H, Hamada K, Effect of high population density environment on skin barrier function in mice, J Dermatol Sci., 2001, 25, 3, Pages 189-197

12 Raj N, Voegeli R, Rawlings AV, Doppler S, A fundamental investigation into aspects of the physiology and biochemistry of the stratum corneum in subjects with sensitive skin, Imfeld D, Munday MR, Lane ME, Int J Cosmet Sci., 2017, 39, 1, Pages 2-10

13 Pham DL, Lim KM, Joo KM, Park HS, Leung DYM, Ye YM, Increased cis-to-trans urocanic acid ratio in the skin of chronic spontaneous urticaria patients, Sci Rep., 2017, 2, 7, 1, 1318

14 Kezic S, O'Regan GM, Yau N, Sandilands A, Chen H, Campbell LE, Kroboth K, Watson R, Rowland M, McLean WH, Irvine AD, Levels of filaggrin degradation products are influenced by both filaggrin genotype and atopic dermatitis severity, Allergy., 2011, 66, 7, Pages 934-940

15 Jung M, Choi J, Lee SA, Kim H, Hwang J, Choi EH, Pyrrolidone carboxylic acid levels or caspase-14 expression in the corneocytes of lesional skin correlates with clinical severity, skin barrier function and lesional inflammation in atopic dermatitis, J Dermatol Sci., 2014, 76, 3, Pages 231-239

16 Danby SG, Chittock J, Brown K, Albenali LH, Cork MJ, The effect of tacrolimus compared with betamethasone valerate on the skin barrier in volunteers with quiescent atopic dermatitis, Br J Dermatol., 2014, 170, 4, Pages 914-921

17 Governa P, Miraldi E, De Fina G, Biagi M, Effectiveness of 5-Pyrrolidone-2-carboxylic Acid and Copper Sulfate Pentahydrate Association against Drug Resistant Staphylococcus Strains, Nat Prod Commun., 2016, 11, 4, Pages 453-455

18 Clar EJ, Fourtanier A, Pyrrolidone carboxylic acid and the skin, Int J Cosmet Sci., 1981, 3, 3, Pages 101-113

19 Choi HK, Cho YH, Lee EO, Kim JW, Park CS, Phytosphingosine enhances moisture level in human skin barrier through stimulation of the filaggrin biosynthesis and degradation leading to NMF formation., Arch Dermatol Res., 2017, 309, 10, Pages 795-803

20 Larmi E, Lahti A, Hannuksela M, Contact Dermatitis., Immediate contact reactions to benzoic acid and the sodium salt of pyrrolidone carboxylic acid. Comparison of various skin sites, 1989, 20, 1, Pages 38-40

21 Brandt S, Meckfessel MH, Lio PA, Tolerability and cosmetic acceptability of a body wash in atopic dermatitis-prone subjects, J Drugs Dermatol., 2014, 13, 9, Pages 1108-1111

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces sujets peuvent vous intéresser :

Retour aux regards