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Fin et début, l’été 1914 est crucial chez les Thibault !

> 13 août 2023

Fin et début, l’été 1914 est crucial chez les Thibault !

L’été 1914 n’en finit pas chez Roger Martin du Gard… Gallimard en a jugé ainsi, tronçonnant le texte en deux parties, deux volumes.1 On y retrouve Jacques Thibault, toujours aussi tourmenté. Jacques et Jenny se sont enfin avoués leur amour. Pourtant, Jacques va préférer le combat politique à la vie de couple. Il y trouvera la mort. Antoine Thibault est, quant à lui, mobilisé. Loin de fuir, Antoine se prépare à servir son pays, le stéthoscope à la main !

Antoine Thibault, avec Anne c’est fini !

Depuis qu’Antoine a rencontré Simon Battaincourt, il ne vit plus. Le remord le tenaille. Pas question, dans ces conditions, de répondre à l’appel de sa maîtresse. Avec Anne, c’est fini ! Depuis qu’Antoine a pris la décision de rompre, tout va pour le mieux. « Oui, il lui semblait être lavé d’une sorte de souillure. »

Antoine Thibault, avec la guerre ça commence

Antoine est mobilisé. Il ne reculera pas. Bien décidé à être utile, il vide sa malle des vêtements qui y étaient soigneusement rangés, pour les remplacer par des « bandes, compresses, pinces, seringues, anesthésiques et désinfectants. »

Anne de Battaincourt, avec Antoine c’est fini !

Anne l’a bien compris. « Tony » ne veut plus d’elle ! Tony ne répond plus au téléphone, ne répond plus à ses courriers. Tony est un « cœur sec » ! La belle Anne se sent vieillie. Un bain, peut-être, pour chasser le chagrin ? Oui, Anne tente d’endormir sa peine dans un « bain très chaud » ! Mais, elle n’y parvient pas. Antoine occupait une place beaucoup trop importante dans sa vie pour qu’elle puisse s’en passer du jour au lendemain !

Jacques Thibault, avec la politique ce n’est qu’un début

Jacques continue à patrouiller entre la Suisse et la France, tentant de soulever la classe ouvrière, afin d’enrayer les menaces de guerre. Le découragement le saisit souvent… Un bain, à l’eau tiède, dans un établissement du boulevard Montparnasse… et voilà Jacques qui repart en guerre… contre la guerre ! Et le voilà qui se propose de survoler la ligne de front en avion, afin de distribuer aux soldats des « manifestes » pacifistes.

Avant d’embarquer, Jacques voit, toutefois, défiler sa courte vie. Et le directeur « du pénitencier de Crouy » s’invite dans sa mémoire… « Jeune et blond, avec ses joues rondes, rasées de près et poudrées » ! Finalement, le bon vieux temps !

Et pour ce qui est de la réussite de l’opération… précisons que celle-ci tourne au drame. Un crash, des tracts brûlés, un pilote mortellement touché… Et Jacques projeté hors du cockpit.

M. Chasle, avec les inventions ce n’est que le début

Avec le capital qui lui a été alloué par Antoine à la mort de son père, le fidèle secrétaire de celui-ci a monté un petit commerce qui fait la part belle aux inventeurs de toutes sortes. « Les trucs nouveaux, les lubies, les petites inventions. Toujours du neuf, c’est notre devise. » Les rumeurs concernant les risques d’une guerre sont propices aux inventions militaires. « Un filtre portatif pour eaux de mares et pluies », un « appareil de pointage automatique muni d’un déclencheur de départ », pour soldat à mauvaise vue ! Tout fait feu !

Meynestrel, avec Alfreda c’est fini

La belle Alfreda, qui vivait jusqu’à présent avec Meynestrel, dit « le pilote », a disparu un beau matin. Le chef révolutionnaire n’a désormais plus de raison de prendre soin de lui (« Il était mal tenu, presque sale : ses cheveux, trop longs, relevaient du bout, formant sur la nuque un retroussis plumeux, pareil au croupion des canards. » ; ses ongles sont « noirs ».), n’a désormais plus de raison de se ménager. Il peut tout à fait s’offrir en sacrifice… Pourquoi pas, par exemple, survoler la ligne de front en avion et disperser dans les airs des « manifestes » pacifistes… Pour une belle mort ce sera une belle mort !

Mourlan, avec le savon, c’est une habitude

L’un des collègues de Jacques, un dénommé Mourlan, est un gars qui se lave les cheveux au savon (« Mourlan avait le torse nu, la barbe et les cheveux tout mousseux de savon. »), qui se « bouchonne la tête à grands coups de serviette »… Bref, un gars énergique, qui n’est pas du genre à chipoter sur l’hygiène !

Et des histoires de comptoir

Pour se rassurer, les Français se racontent des histoires de soldats héroïques. Certains parlent d’un « aviateur français » ayant piqué « droit sur un zeppelin » et l’ayant crevé « comme une bulle de savon » ! A les écouter on va gagner la guerre… et vite, encore !

L’été 1914, en bref

Eté 1914, Jacques trouve l’amour au fond des yeux de Jenny. Il va trouver la mort sur la ligne de front. Ejecté de son avion, il est recueilli par des soldats français qui le prennent pour un espion allemand, un « alboche » ! Les « tibias fracturés », Jacques est placé sur un brancard, puis abandonné lors d’un repli. Une balle dans la tempe, voilà la fin de celui qui voulait dire « non » à la violence.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Roger Martin du Gard, Les Thibault, III, Gallimard, 2021, 635 pages

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