Nos regards
Extrait de sornet, substitut du rétinol, sornette ou pas sornette ?

> 15 avril 2024

Extrait de sornet, substitut du rétinol, sornette ou pas sornette ?

L’extrait de sornet (Bidens pilosa) est présenté, sur certaines sources comme du bio-rétinol,1 à l’heure même où le rétinol tremble sur ses bases. Black-Jack pour les Anglais (c’est son nom vernaculaire),2 qui ne demande qu’à devenir Jackpot pour l’industrie cosmétique. Celle-ci est, en effet, en recherche active de substituts du rétinol et a déjà, dans ses tiroirs, le bakuchiol,3 la chirette verte (Andrographis paniculate) et le Buchu.4 On se méfie du rétinol et de l’acide rétinoïque (et on a raison), sachant que ce dernier est interdit en cosmétologie. Mais, malgré tout, on essaie de trouver des extraits végétaux qui renferment des molécules susceptibles d’activer les récepteurs aux rétinoïdes. On se méfie de l’agoniste naturel à ces récepteurs et, tout naturellement, on va chercher, dans la nature, des agonistes qui pourront se faire passer pour l’acide rétinoique, au niveau de cellules cutanées, qui auraient oublié de mettre leurs lunettes sur le nez !

Allez, on y va, on fait le tour de la question concernant le sornet !

Qu’est-ce que le sornet ?

Bidens pilosa de son nom botanique. Une plante originaire d’Amérique du Sud, retrouvée dans presque tous les pays des zones tropicales et subtropicales. Pas vraiment la plante qu’il est nécessaire de bichonner avec soin, mais bien plutôt la plante « envahissante », qui vient semer la zizanie dans les zones de culture ou agrémenter le bord des routes de ses petites fleurs jaunes et blanches.5 Cette plante pousse bien, trop bien.6 De quoi donner envie d’exploiter ce végétal qui ne demande qu’une chose, pousser !

Que fait le sornet sur la table de la salle à manger ?

Le sornet est une plante comestible, consommée par certaines populations du globe. En Amazonie, on mange la plante et on… la boit sous forme de tisane. En Afrique, les feuilles et les jeunes pousses constituent une forme de salade, qui n’est pas forcément consommée telle quelle, mais qui est plutôt bouillie dans du lait aigre, avant de faire son entrée dans la cuisine. En outre, dans diverses régions comme l’Himalaya ou l’Australie, on connaît le sornet comme une plante à « thé ».7

Que fait le sornet pour la santé ?

Le sornet est très largement utilisé dans le cadre de médecines traditionnelles de diverses contrées. En Martinique, on prend la plante en bloc, sans différencier la racine, les tiges, les feuilles ou les fleurs. On met le tout à bouillir dans de l’eau et l’on obtient une décoction, qui servira pour traiter toutes sortes d’inflammations, en bloc, sans faire le détail, ainsi que comme hypoglycémiant. Les Zoulous, quant à eux, préfèrent réaliser des extraits à partir des feuilles uniquement, pour traiter des troubles digestifs (diarrhées, coliques…). En médecine chinoise, le sornet est un ingrédient permettant de confectionner de la tisane, utile pour traiter les pathologies inflammatoires et infectieuses, mais également des troubles métaboliques, comme le diabète. En Amazonie, ce sont les racines qui sont préférées. Elles permettent, nous dit la littérature, de traiter le paludisme et les tumeurs de manière générale, sans plus de précisions.6

Un effet anti-inflammatoire d’extraits de sornet est effectivement documenté8 et relié à la présence de flavonoïdes dans la plante.9

Quelle est la composition phytochimique du sornet ?

Forcément, le sornet, très étudié depuis le début du XXe siècle, possède un CV long comme le bras. On retrouve dans cette plante des hydrocarbures linéaires saturés comportant, selon le cas, entre 21 et 33 atomes de carbone, des alcools gras avec 24 et 31 atomes de carbone, des acides gras saturés (comme les acides palmitique et stéarique), des hydrocarbures aromatiques, des aldéhydes (comme la vanilline), des dérivés de l’acide benzoïque (comme l’acide salicylique), des polyphénols à la pelle…6 Bref, beaucoup de molécules de structures et de fonctions variées.

Quelle est l’action du sornet au niveau du cheveu ?

Les parties aériennes sont utilisées traditionnellement en Polynésie française pour les soins de la peau et des cheveux. Il semblerait que les extraits réalisés à l’acétate d’éthyle seraient capables de provoquer une prolifération des cellules de la papille dermique pilaire, ce qui mériterait des études approfondies pour une utilisation fructueuse dans le domaine du soin capillaire.10,11

Quelle est l’action du sornet au niveau de la peau ?

Pour certains auteurs, ce sornet constitue un substitut possible des rétinoïdes, du fait de la capacité de certaines de ses molécules constitutives à se fixer sur les récepteurs aux rétinoïdes. Les molécules en question, l’acide phytanique et l’acide docosahexaénoïque sont, en particulier, présentées comme tel. Sur culture cellulaire, on constate que l’extrait de sornet permet d’augmenter la synthèse du collagène par les fibroblastes de 32 %, pour une dose d’emploi de 0,05 mg/mL. Valeur qui est à relativiser, puisque l’acide rétinoïque permet, quant à lui, une augmentation de cette synthèse de 62 % pour une dose d’emploi de 10 micromolaire.12

Attention à la pureté des extraits utilisés

On sait, en effet, que cette plante est un bioaccumulateur de cadmium,13,14 de plomb15 et d’uranium,16 ce qui peut être utile aux agriculteurs en matière de phytoremédiation (la plante porte alors très bien son nom vernaculaire d’ami des fermiers),17 mais qui passe dans le camp des inconvénients, dès lors que l’on souhaiter exploiter cette plante à d’autres fins.

Attention au caractère perturbateur endocrinien des extraits utilisés

Une publication de 2007 pointe, en effet, du doigt le caractère œstrogénique et ocytocique de l’extrait de sornet.18

Le sornet, en bref

On cherche, actuellement, à substituer le rétinol (celui-ci est obtenu par synthèse) par des ingrédients végétaux (ces fameuses plantes ou molécules présentées sous le nom de « biorétinol »), susceptibles d’agir sur les récepteurs aux rétinoïdes présents au niveau cutané. On nous dit que l’effet sera le même (pas tout à fait, pourtant si l’on en croit les résultats des études publiées) ; on nous dit qu’il y aura une meilleure tolérance (c’est à prouver). On nous présente des extraits qui peuvent être considérés pour certains d’entre eux comme des perturbateurs endocriniens… On gomme cet aspect de leur personnalité ! A vous de juger ! Les sornettes en cosmétique… on n’a pas entendu le sornet pour nous en raconter !

Bibliographie

1 https://www.cosmetikwatch.com/fr/actualites/eco-innover-une-alternative-vegetale-au-retinol-103.htm

2 Quaglio AEV, Cruz VM, Almeida-Junior LD, Costa CARA, Di Stasi LC. Bidens pilosa (Black Jack) Standardized Extract Ameliorates Acute TNBS-induced Intestinal Inflammation in Rats. Planta Med. 2020 Mar;86(5):319-330

3 Le bakuchiol, héros ou anti-héros ? | Regard sur les cosmétiques (regard-sur-les-cosmetiques.fr)

4 Sadgrove NJ, Oblong JE, Simmonds MSJ. Inspired by vitamin A for anti-ageing: Searching for plant-derived functional retinoid analogues. Skin Health Dis. 2021 May 27;1(3):e36

5 Yang WC. Botanical, Pharmacological, Phytochemical, and Toxicological Aspects of the Antidiabetic Plant Bidens pilosa L. Evid Based Complement Alternat Med. 2014;2014:698617

6 Silva FL, Fischer DC, Tavares JF, Silva MS, de Athayde-Filho PF, Barbosa-Filho JM. Compilation of secondary metabolites from Bidens pilosa L. Molecules. 2011 Jan 26;16(2):1070-102

7 Xuan TD, Khanh TD. Chemistry and pharmacology of Bidens pilosa: an overview. J Pharm Investig. 2016;46(2):91-132

8 Tsuruta K, Shidara T, Miyagishi H, Nango H, Nakatani Y, Suzuki N, Amano T, Suzuki T, Kosuge Y. Anti-Inflammatory Effects of Miyako Bidens pilosa in a Mouse Model of Amyotrophic Lateral Sclerosis and Lipopolysaccharide-Stimulated BV-2 Microglia. Int J Mol Sci. 2023 Sep 5;24(18):13698

9 Xin YJ, Choi S, Roh KB, Cho E, Ji H, Weon JB, Park D, Whang WK, Jung E. Anti-Inflammatory Activity and Mechanism of Isookanin, Isolated by Bioassay-Guided Fractionation from Bidens pilosa L. Molecules. 2021 Jan 6;26(2):255

10 Hughes K, Ho R, Greff S, Filaire E, Ranouille E, Chazaud C, Herbette G, Butaud JF, Berthon JY, Raharivelomanana P. Hair Growth Activity of Three Plants of the Polynesian Cosmetopoeia and Their Regulatory Effect on Dermal Papilla Cells. Molecules. 2020 Sep 23;25(19):4360

11 Hughes K, Ho R, Greff S, Herbette G, Filaire E, Ranouille E, Berthon JY, Raharivelomanana P. Feature-Based Molecular Networks Identification of Bioactive Metabolites from Three Plants of the Polynesian Cosmetopoeia Targeting the Dermal Papilla Cells of the Hair Cycle. Molecules. 2021 Dec 24;27(1):105

12 Dieamant G, Pereda Mdel C, Nogueira C, Eberlin S, Facchini G, Checon JT, Cesar CK, Mussi L, Polezel MA, Martins-Oliveira D Jr, Di Stasi LC. Antiageing Mechanisms of a Standardized Supercritical CO 2 Preparation of Black Jack (Bidens pilosa L.) in Human Fibroblasts and Skin Fragments. Evid Based Complement Alternat Med. 2015;2015:280529

13 Yang WC. Botanical, Pharmacological, Phytochemical, and Toxicological Aspects of the Antidiabetic Plant Bidens pilosa L. Evid Based Complement Alternat Med. 2014;2014:698617

14 Dou X, Dai H, Skuza L, Wei S. Bidens pilosa L. hyperaccumulating Cd with different species in soil and the role of EDTA on the hyperaccumulation. Environ Sci Pollut Res Int. 2019 Sep;26(25):25668-25675

15 Salazar MJ, Wannaz ED, Blanco A, Miranda Pazcel EM, Pignata ML. Pb tolerance and accumulation capabilities of Bidens pilosa L. growing in polluted soils depend on the history of exposure. Chemosphere. 2021 Apr;269:128732

16 Imran M, Hu S, Luo X, Cao Y, Samo N. Phytoremediation through Bidens pilosa L., a nonhazardous approach for uranium remediation of contaminated water. Int J Phytoremediation. 2019;21(8):752-759

17 Dai H, Wei S, Pogrzeba M, Krzyżak J, Rusinowski S, Zhang Q. The cadmium accumulation differences of two Bidens pilosa L. ecotypes from clean farmlands and the changes of some physiology and biochemistry indices. Ecotoxicol Environ Saf. 2021 Feb;209:111847

18 Frida L, Rakotonirina S, Rakotonirina A, Savineau JP. In vivo and in vitro effects of Bidens pilosa L. (Asteraceae) leaf aqueous and ethanol extracts on primed-oestrogenized rat uterine muscle. Afr J Tradit Complement Altern Med. 2007 Oct 27;5(1):79-91

 

Retour aux regards