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Des belles dames et de beaux messieurs

> 24 janvier 2021

Des belles dames et de beaux messieurs

Allez, on prend sa respiration… et on se retrouve au XVIe siècle, au temps d’Henri III et de ses mignons.

Tout ce qu’il faut pour être l’héroïne d’un roman historique

Diane [de Méridor] avait « dix-huit ou dix-neuf ans, c’est-à-dire qu’elle était dans ce premier éclat de la jeunesse et de la beauté, qui donne son plus pur coloris à la fleur, son plus charmant velouté au fruit ». C’est elle, l’héroïne du roman éponyme.1 Elle est la Dame de Monsoreau !

Ce qu’il faut pour être simplement « une figure d’esprit »

Melle de Cossé-Brissac était « une adorable créature […] avec des cheveux tombant sur ses épaules, avec des yeux noirs comme du jais, avec de longs cils veloutés, avec une peau sous laquelle il [lui] semblait voir circuler le sang qui la teintait de rose. » « Melle de Brissac n’était pas une beauté, mais elle avait de charmants yeux noirs, des dents blanches, une peau éblouissante ». Elle répond au doux nom de Jeanne et est l’amie intime de Melle de Méridor. Elle va rapidement devenir Mme de Saint-Luc.

Tout ce qu’il faut pour être le héros d’un roman historique

M. de Bussy était un homme jeune, beau et fier, qui marchait le front haut, l’œil insolent, la lèvre dédaigneusement retroussée ». Nous venons de dire que Bussy était beau… « beau comme Alcibiade » ! Vous l’aurez compris, c’est lui le héros du récit !

Ce qu’il faut pour être le méchant de l’histoire

Le « méchant », c’est M. de Monsoreau. « C’était un homme de trente-cinq ans environ, de haute taille ; son visage marqué de petite vérole, et son teint nuancé de taches fugitives, selon les émotions qu’il ressentait, prévenait désagréablement le regard ». Ce qui fait dire à Bussy « Fi ! La laide figure que vous nous avez ramenée de votre gouvernement, Monseigneur », à l’attention du duc d’Anjou. Ce à quoi ce dernier répliqua « Je n’avais pas entendu dire […] qu’il fallût être moulé sur le modèle de l’Apollon ou de l’Antinoüs pour occuper les charges de la cour ». Dans le cas présent, il s’agit de la charge de grand veneur.

Où l’on nous décrit la routine beauté du roi Henri III

Le soir « Le roi, les pieds nus posés sur les fleurs qui jonchaient le parquet, était assis sur sa chaise d’ébène incrustée d’or. » « Deux serviteurs triaient et frisaient ses cheveux retroussés comme ceux d’une femme, sa moustache à crochet, et sa barbe rare floconneuse ». « Un troisième enduisait le visage du prince d’une couche onctueuse de crème rose d’un goût tout particulier et d’odeurs des plus appétissantes. » On en déduit donc que les crèmes gourmandes existaient déjà au XVIe siècle !

Le fou Chicot ne rechignerait pas à avoir également sa dose, mais Henri III n’est pas de cet avis et, suite à la requête, la réponse fuse « […] votre peau est trop sèche et absorberait une trop grande quantité de crème ; à peine y en a-t-il assez pour moi ; et votre poil est si dur, qu’il casserait mes peignes. » C’est avec beaucoup de délicatesse, Sire, que nous allons essayer de rétablir la vérité : c’est plutôt quand la peau est bien hydratée qu’elle est susceptible d’une absorption importante… mais nous comprenons que Votre Altesse n’est pas prêteuse !

Qu’à cela ne tienne ! Maître Chicot va prendre sa « crème à l’intérieur », en engloutissant un « double souper […] tout en dégustant le contenu d’une tasse de porcelaine du Japon. » La réaction d’Henri III est alors immédiate et « en faisant un demi-tour de tête si malencontreux que le doigt pâteux du valet de chambre emplit de crème la bouche du roi ». Une fois Chicot sorti de la chambre, ainsi que les quelques « personnes qui avaient assisté au coucher », « il ne resta près du roi que les valets qui lui couvrirent le visage d’un masque de toile fine enduite de graisse parfumée. Des trous pour le nez, pour les yeux et la bouche, étaient aménagés dans ce masque. » […] Le soin des mains n’était pas négligé non plus. Le roi enfila des « gants [qui] montaient jusqu’aux coudes, et [qui] étaient oints intérieurement d’une huile parfumée qui leur donnait cette élasticité dont à l’extérieur on cherchait inutilement la cause. » Il ne lui restait plus qu’à regagner « son lit bassiné avec de la coriandre, du benjoin et de la cannelle. » Gare aux allergies !

Où un mignon est victime de vilains farceurs

« Schomberg, des pieds à la tête, sans exception d’aucune partie de ses vêtements ou de sa personne, Schomberg était du plus beau bleu roi qu’il fût possible de voir. » L’explication est toute simple : il a été plongé « dans une cuve d’indigo. » Ce qui fit dire à Quélus qui ne manquait pas de sens pratique « C’est très cher l’indigo, et tu leur emportes au moins pour vingt écus de teinture. » Une seule solution, un bain le plus rapidement possible ! Mais pas si facile… « au dire de l’étuviste, [la teinte bleuâtre] ne s’en irait tout à fait qu’à la suite de plusieurs bains de vapeur. » Pendant ce temps, un autre mignon, « Quelus se bassinait les yeux avec de l’eau de vigne ». Comme quoi on n’est même pas certain que la marque Caudalie soit une innovation du XXe siècle…

Où il est brièvement question de Mme de Montpensier, sœur de M. de Guise

Elle offrait « la plus charmante tête de femme que jamais Léonard de Vinci ait transportée sur la toile ». « C’étaient des yeux noirs ». « C’étaient une petite bouche vermeille et fine, un nez dessiné avec une correction rigoureuse ; c’était enfin un menton arrondi, terminant l’ovale parfait d’un visage un peu pâle sur lequel ressortait, comme deux arcs d’ébène, un double sourcil parfaitement dessiné. »

Ainsi que de la « Belle Fosseuse »

Françoise de Montmorency-Fosseux, dite « la belle Fosseuse » pouvait avoir, dans les années qui nous intéressent, « de vingt à vingt-deux ans ; elle était fort belle et fort pâle ». Elle était blonde… évidemment ! Et pour l’heure, la maîtresse du Béarnais…

Et encore plus brièvement de la reine

Il nous sera dit simplement que « Louise de Lorraine, blonde et douce créature » « mena la vie d’une sainte sur cette terre ».

Qui dit blessure à l’épée, dit médecin

Le médecin, c’est « Monsieur Rémi » ou « le Haudouin », un habile praticien, capable de « raccommoder les trous » faits à la « peau », avec une extrême dextérité. Il a, nous dit-on « la main légère comme une main de femme, et avec cela le baume de Ferragus. »

Sans oublier le frère Gorenflot

Le frère Gorenflot n’avait pas un physique avantageux. C’était « un énorme moine, aux sourcils épais, aux lèvres rouges et charnues, aux larges mains, aux vastes épaules ». Si l’on ajoute « son double menton » et « le bout carré d’un nez de dogue »… vous voyez un peu le tableau… En outre, il raffole de la bonne chair et dit rarement non à un bon cru…

Où il nous est rappelé qu’il faut faire attention aux gants parfumés

Il convient de se rappeler que « Jeanne d’Albret, la mère du Béarnais […] est morte par le nez pour avoir respiré une paire de gants parfumés qu’elle achetait au pont Saint-Michel, chez le Florentin ».

La dame de Monsoreau, en bref

En lisant la Dame de Monsoreau, on relativise le caractère innovant de certains cosmétiques du moment. Les crèmes hydratantes, émollientes, les masques pour le visage, pour les mains... on connaît tout cela depuis longtemps ! Alexandre Dumas, nous offre ici, de jolies descriptions cosmétiques qui pourraient inspirer, encore aujourd’hui, des sociétés en mal d’idées !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette évocation, en image de la routine beauté de Henri III !

Bibliographie

1 Dumas A. La Dame de Monsoreau, folio classique, 2019, 1031 pages

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