> 27 octobre 2018
Agatha Christie, devenue Mrs Mallowan, accompagne son mari dans ses voyages en Syrie et participe activement aux campagnes de fouilles.1 Max, spécialiste de l’archéologie des tells, ces sortes de petits monticules qui recouvrent des cités oubliées et se superposent en strates successives, fait découvrir sa passion, à sa femme. L’époque romaine qui apparaît la première est jugée de piètre intérêt.
Agatha note, au jour le jour, tous les évènements qui se produisent depuis les préparatifs, jusqu’au retour à Londres. On la suit ainsi dans les magasins, à la recherche des vêtements les mieux adaptés aux conditions climatiques du désert, à la recherche d’un sac à fermeture-éclair... On voit Agatha faire ses valises, quelques vêtements et des tonnes de livres.
Les débuts sont difficiles, toute l’équipe campe et Max cherche à l’aide de fragments de poteries et d’objets divers le tell le plus prometteur. Les conditions sont rudes (55°C au thermomètre !) et Agatha souffre de ce qu’elle nomme pudiquement un mal de ventre. « Je souffre de ce que l’on appelle en Egypte « un mal de ventre égyptien » et à Bagdad un « mal de ventre bagdadi ». Enfin, après bien des hésitations, c’est le tell Chagar Bazar qui est choisi ; l’installation se fait dans une maison où grouillent cafards et souris ! Le cheikh local à « l’imposante barbe rouge teinte au henné » qui a des faux-airs de Henri VIII, leur a loué la maison à un détail près... les occupants précédents sont toujours là... A l’arrivée de la petite colonie, branle-bas de combat !
Puis, c’est l’épisode des puces... « Nous serons amenés à beaucoup souffrir de ce fléau. La puce déborde d’énergie, et sa vie semble malicieusement protégée. Inonder les lits de phénol ne fait que stimuler la résistance de ces bestioles. » Agatha avait pourtant pris la précaution d’emmener une poudre qui devait permettre d’éradiquer les punaises, mais pour les puces rien n’y fait. La poudre spéciale punaises lui avait valu un interrogatoire serré de la part du douanier. « A quoi, me demande-t-il ensuite, sert cette poudre dans cette petite boîte de métal. Je lui explique qu’elle sert à lutter contre les punaises mais je vois qu’il ne comprend pas ma réponse. Il fronce les sourcils, cela lui paraît louche. Manifestement, il me soupçonne de trafic de drogue. Si ça n’est pas de la poudre dentifrice, dit-il d’un ton accusateur, ni de la poudre de riz pour le visage, alors à quoi sert-elle ? » C’est en mimant l’action de saupoudrer un lit tout en se grattant énergiquement qu’Agatha arrive à convaincre le fonctionnaire zélé.
Agatha décrit la vie de tous les jours (la vaisselle est réalisée avec « des quantités faramineuses de savon et presque pas d’eau »), ses problèmes domestiques, les humeurs de ses voitures baptisées du nom de Queen Mary ou Le Poilu, qui tombent régulièrement en panne et toujours au meilleur moment, la distribution de la paye aux ouvriers tous les 10 jours, et le merveilleux faussaire demeuré inconnu qui, pour augmenter ses revenus, fabriquait des copies plus vraies que nature. Agatha s’attarde sur des détails amusants comme la constipation d’Ab-es-Salam (« Aucun doute possible : aujourd’hui la constipation occupe tous les esprits. ») et s’émerveille devant un coquillage qui ornait peut-être une boîte à maquillage.
Cette chronique rédigée de 1934 à 1939 sent le bonheur... Certes les conditions sont difficiles. On voit, par exemple, Agatha se réjouir à l’idée de prendre un bain ou de réaliser un shampooing lorsqu’elle arrive à Alep. C’est pourtant le temps d’une certaine insouciance... le temps du bonheur comme le constate Agatha lorsqu’elle rédige son épilogue après la guerre.
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour sa vision épique d'Agatha Christie aux prises avec les puces !
Bibliographie
1 Agatha Christie. La Romancière et l’archéologue, Petit bibliothèque Payot, 2016, 320 pages