Nos regards
Histoire du «bas de soie », un fond de teint pour les jambes qui fait faire des économies...

> 27 octobre 2018

Histoire du «bas de soie », un fond de teint pour les jambes qui fait faire des économies...

Dans les années 1930, les habitués des cabarets constatent que les danseuses qui évoluent sous leurs yeux ne portent plus ni maillot, ni bas de soie... ces accessoires de lingerie sont remplacés par un cosmétique, une pâte à l’eau colorée qui teinte la peau temporairement et lui confère une uniformité. Le pharmacien René Cerbelaud ne voit rien à redire à cette mode tant que l’on utilise un « produit recommandable ». Le fond de teint idéal ne se trouve pas dans les drogueries, mais dans les bonnes officines, les parfumeries ou chez les coiffeurs (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/quand-sidonie-gabrielle-colette-se-fait-chroniqueuse-beaute-405/).

Ces pâtes à l’eau peuvent être des formules extrêmement simples, c’est-à-dire composées seulement d’eau et de diverses poudres (oxyde de zinc, carbonate de chaux, talc, kaolin, colorant) ou plus complexes. Dans ce cas, on ajoutera un gélifiant ou un épaississant afin de lier la poudre à l’eau, de la glycérine pour faciliter la conservation du produit, du parfum pour améliorer les caractères organoleptiques de la préparation… Certains « bas de soie » cosmétiques contiennent même, dans leur formule, de la « benzophénone pulvérisée » pour prolonger leur durée de vie… Les publicités annoncent en général que le produit « résiste à la pluie » ; l’ajout d’un filtre UV à spectre large permet au « bas de soie » de résister également au soleil. L’idée d’introduire des filtres UV dans les cosmétiques du quotidien ne date donc pas d’hier !

Durant la Seconde Guerre mondiale, les bas de soie (les vrais !) ne sont plus que des souvenirs. La pénurie est là... Les pâtes à l’eau utilisées par les professionnels du spectacle descendent alors dans la rue. L’Oréal se met de la partie et commercialise « Ambresoie », « un colorant liquide qui donne à la jambe les tons chauds et ambrés des plus jolis bas de soie ». Les réclames – nom donné, à cette époque, aux publicités - que l’on peut lire dans les journaux vantent les mérites de ce fond de teint qui s’applique facilement « sans plaques ni coutures »... Il ne manquerait plus que cela, qu’un faux bas de soie ait une couture comme un vrai de bas de soie... A propos de couture, pour celles qui souhaitent imiter les bas à la perfection, il est possible de faire l’achat de deux produits de teintes différentes. Le plus clair sera utilisé pour teinter l’ensemble de la jambe ; le plus foncé permettra de tracer au pinceau une belle ligne droite à l’arrière de celle-ci !

L’Oréal n’est pas la seule société à investir ce créneau de ventes. Les laboratoires Bienaimé commercialisent également un fond de teint « bas de soie » qui répond au nom de « Filpas ». Le flacon doit être agité avant emploi, ce qui ne signe pas une homogénéité à toute épreuve ; point de fil dans ce flacon qui renferme une simple suspension de poudres dans de l’eau !

A défaut de mettre Paris en bouteille, l’industrie cosmétique, pleine d’inventivité, a réussi, pour répondre à une pénurie, à mettre des bas de soie en bouteille. Saluons rétrospectivement cette belle initiative !

En illustration, nous avons choisi de mettre le contenu d’une vitrine du musée d’histoire Jean Garcin : 39-45 L’appel de la Liberté, situé à Fontaine-de-Vaucluse.

Retour aux regards