> 29 décembre 2023
1980, Yves Montand chante la beauté d’un « mégot » de cigarette, taché de « rouge à lèvres ».1 Prisonnier dans un camp de travail, à Kolyma, en Russie, Yves n’en revient pas de trouver, à ses pieds, un mégot, tombé de la bouche cosmétiquée d’une femme. Dans la neige, comme ça, tout à coup !
Quatre ans, entre hommes. Quatre ans de bagne et, soudainement, ce mégot, qui rappelle, qu’ailleurs, il existe un monde où l’on vit, où l’on fume, où l’on se maquille.
Le mégot rougeàlèvrisé est ramassé précieusement, comme s’il s’agissait d’un trésor inestimable. Il est joué aux cartes, avec les autres prisonniers du camp. Il est perdu. Il est l’objet de mille convoitises par tous ces hommes qui, autrefois, dans une autre vie, ont claqué leur argent « pour les femmes aux lèvres rouges » !
Insubordination… pour un simple mégot pas comme les autres. Yves est envoyé se calmer au cachot, après avoir été tabassé par un gardien à la main un peu lourde.
« Alors, ils m'ont conduit au cachot/Les pieds nus comme Jésus-Christ/Et pendant dix jours, de mes lèvres en sang/J'ai fardé de rouge mes mégots »… De quoi faire par la suite un beau petit trafic de mégots prétendument féminins ! Mais ça, c’est pure spéculation, car Yves Montand ne nous en dit rien.
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration d'Yves Montand.
1 https://www.bide-et-musique.com/song/23448.html
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